omme à chaque salon technique français, les pépinières italiennes Vivai Cooperativi Rauscedo (VCR) proposent aux visiteurs de déguster ses dernières microvinifications de cépages résistants aux maladies cryptogamiques. Et comme d'habitude, sans pouvoir répondre à la même question lancinante : quand pourront-ils être plantés dans le vignoble hexagonal ? « La situation va se débloquer, la filière ne peut pas rester figée » veut croire le docteur Eugenio Sartori, le directeur général de VCR. « En Italie, il y aussi des orthodoxes qui sont réticents, mais on ne peut pas cristalliser indéfiniment le vignoble » ajoute-t-il.
Trublion transalpin des variétés résistantes, VCR a l'habitude de bousculer autant que de rester persuadé de la pertinence de ses nouvelles variétés. La pépinière vient de produire pas moins de 600 000 plants résistants greffés soudés*. Dont 400 000 sont déjà prévendus, avec 80 % de commandes se concentrant sur la zone région du Nord-Est de l’Italie. Ayant développé avec succès le Prosecco, c’est le vignoble transalpin le plus dynamique estime Eugenio Sartori. Ce qui explique, à l’écouter, ce pari d’essayer à grande échelle ces nouvelles variétés. « Ceux qui plantent des cépages résistants pensent à ce qu’ils vont faire dans dix ans » lance le dottore.
Tranché, son avis sur les évolutions nécessaires de l’encépagement se base sur une analyse des tendances mondiales : « les pays traditionnellement producteurs de vin voient leur consommation diminuer sans cesse. Désormais, il faut vendre sur de nouveaux marchés. Mais les réalités viti-vinicoles y sont peu connues. Les consommateurs y sont de plus en plus sensibles aux messages sur des vins issus de vignes les moins traitées. » Alors que les amateurs de vins sont toujours plus sensibles aux questions sanitaires, les pathogènes viticoles semblent toujours plus agressifs. Pour Eugenio Sartori, « les variétés résistantes donnent des réponses efficaces. Qui plus est avec des niveaux qualitatifs de vins compatibles avec ceux obtenus par Vitis vinifera. »


Quant à la question de la durabilité des résistances italiennes, qualifiées de monogéniques par les experts français, Eugenio Sartori ne dévie pas de sa déclaration lors du dernier Vinitech (« je préfère un cépage monogénique qui donne un bon vin qu'un polygénique qui en donne un mauvais »). Pour lui, le critère primordial de choix de plantation d’un cépage reste la qualité du vin. « Si l’on obtient un cépage polygénique qui ne donne pas de bon vin, il ne sert à rien » martèle le dottore. Se basant sur l’expertise de généticiens, il reste persuadé que l’introduction de variétés résistantes parmi des cépages classiques réduirait à néant toute possibilité de contournement des résistances.
S’inquiétant du développement d’un vignoble chinois résistant, Eugenio Sartori préfère appeller le vignoble européen l'union. Et à faire front dans le déploiement de ses propres obtentions. Optimiste, il ouvre au passage de nouvelles pistes de croisements pour l’avenir, allant de la demande forte pour des cépages résistants reprenant des typicités locales à celles sur maladies du bois (dont la sensibilité serait déterminée génétiquement pour lui).
* : Sur une production globale de 85 millions de plants pour 2017 (et un chiffre d’affaires annoncé à 100 millions d’euros). Misant sur les vignobles d’Europe de l’Est, VCR compte doubler sa production de cépages résistants l’an prochain, pour atteindre 3 millions de greffés-soudés à terme.