onnu pour sa folle demande en flacons rares et prestigieux*, Hong Kong est aussi un marché ouvert aux vins de milieu de gamme. « Les achats ne se limitent pas qu’aux cadeaux. On est autant sur une consommation en restauration qu’à la maison » estime Mathilde Prot, la directrice de l’agence Sopexa Hong-Kong, pour laquelle la démocratisation est la tendance forte du marché. « Aujourd’hui on est sur un marché plutôt mature, que Bordeaux a en grande partie développé » souligne-t-elle.


Historique, la présence des vins de Bordeaux sur le marché de Hong-Kong est massive (cliquer ici pour en savoir plus). À elles seules, les AOC girondines pèsent pour 12 % des volumes et 22 % de l’ensemble des importations hongkongaises de vin en 2015. Malgré ces importantes parts de marché, le positionnement de Bordeaux reste marqué par l’élite des grands crus classés. Les vins vendus plus de 15 euros/litre comptant pour 33 % de ces volumes et 89 % du chiffre d’affaires dégagé.
« Bordeaux est mondialement connu pour ses grands crus classés. C’est sa force, mais ces vins ne représentent que 2 à 3 % de nos volumes (pour 25 à 30 % de la valeur) » reconnaît Christophe Château, le directeur de la communication du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). « Notre objectif est de faire découvrir le cœur de gamme. Celui sur lequel Bordeaux présente les meilleurs rapports qualité/prix » explique-t-il.
Cette promotion autour de l’accessibilité des vins est portée par un pavillon dédié aux dix ans de sa sélection Everyday Bordeaux présentés en marge des dégustations par l'interprofession sur l’évènement Hong Kong Wine & Dine Festival (du 27 au 30 octobre derniers). Cette promotion d’une sélection de 100 cuvées abordables espère lever chez les visiteurs l’idée que les bordeaux sont trop chers et complexes. Cette stratégie de popularisation trouve de l'écho dans les allées du festival des vins et de la gastronomie. La gamme des 200-500 dollars Hong-Kong (soit 25-60 euros) semble être la cible des autres organisations de promotion présentes lors de l’évènement. En témoigne la présence, désormais en force et organisée, des vins australiens, californiens… Et même géorgiens.


Sur le marché de Hong-Kong, il faut reconnaître que les success-stories pour les vins de milieux de gamme ne manquent pas pour aiguiser les appétits. Comme les vins du Beaujolais. Sur l’année glissante s’achevant en août 2016, ils ont expédié 1 800 hectolitres de vin pour 812 000 euros de chiffre d’affaires, soit des croissances de 564 % en volume et 272 % en valeur. « On ne sait pas ce qui se passe : nos expéditions explosent ! » s’exclame Anthony Collet, le directeur marketing de l’Interprofession des Vins de Beaujolais (InterBeaujolais).
Ce bond pourrait être dû à la forte hausse des prix des bourgognes (« on ne peut plus en trouver de correct à un prix décent » nous confiait un importateur de poids), ou aux demandes pour des vins alternatifs (notamment en biodynamie ou natures). Si Hong-Kong reste un petit marché à l’export pour les beaujolais, notamment par rapport au poids lourd nippon (50 000 hl), au moins présente-t-il l’attrait de ne pas être exclusivement porté sur le nouveau (90 % des importations japonaises). « À Hong-Kong, les consommateurs sont capables de savoir que le Beaujolais propose des crus et des villages. Et de les voir comme des vins de garde » s’enthousiasme Anthony Collet.
Héritée du passé britannique de la région chinoise, cette sophistication rime avec valorisation pour la filière. « Il y a toujours de la demande pour les premiers prix. Mais à Hong-Kong, les consommateurs sont éduqués. Ils se tournent vers une gamme moyenne allant de 200 à 2 000 $/col [soit 25 à 250 €/col] » estime Eunice Fu, la responsable des achats pour l’antenne de Hong-Kong du négociant anglais Corney & Barrow.
Accentuée par l’idée, très répandue dans la population, que le vin rouge est bon pour la santé, cette demande ouvre de multiples opportunités. « Les prix ne sont pas bas. Les distributeurs cherchent des produits différents pour valoriser leur business. C’est un marché ouvert d’esprit, qui donne sa chance aux petites propriétés » témoigne Aurélia Souchal (domaine du Salut, 14 ha en AOC Graves). Mettant à profit de sa présence à la fête des vins de Bordeaux à Hong-Kong l’an dernier, elle a noué des contacts commerciaux devenus fructueux.


Notamment grâce au développement soutenu de la restauration de standing dans la ville. La recherche de diversification de leur portefeuille par les distributeurs est en effet indissociable du développement soutenu de la gastronomie hongkongaise. Une tendance forte pour les habitants aisés, qui n’invitent pas leurs proches dans leurs (souvent très petits) logements, mais aux restaurants souligne Mathilde Prot. « Hong-Kong est un marché d’image où il faut être. On n’y fera jamais de grands volumes, mais c’est une porte d’entrée pour l’Asie » conclut cette fervente promoteur de l’art de vivre à la française.
* : Approximativement un tiers des vins importés par Hong-Kong sont ensuite réexpédiés vers la Chine continentale. Il s’agit essentiellement d’étiquettes prestigieuses, les amateurs chinois n’ayant pas confiance dans l’offre de leur propre marché, gangrené par la contrefaçon.
L'Association Nationale Interprofessionnelle des Vins de France (Anivin de France) était pour la première fois présente au Wine & Dine Festival, témoignant de sa volonté de s’installer sur ce marché de prescription. « Nos concurrents sont clairement les vins du Nouveau Monde. Nous devons reprendre la parole pour revendiquer les cépages internationaux, qui sont en train de nous échapper » explique Valérie Pajotin (directrice de l’Anivin de France). Précisant que ces vins sans indication géographique « se positionnent à la jonction des vins de volume et de valeur, vers 150 $ ».
Actuellement, la Chine dans son ensemble est le septième marché des vins de France (avec 7 % des volumes expédiés en 2015).