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Cépages oubliés
De la quête de biodiversité à la différenciation commerciale

Science viticole des plus pointues, l’ampélographie tient autant de l’étude des us et coutumes historiques que de la mise à jour de potentiels de différenciation et de valorisation, apprend-on à Saint-Mont.
Par Alexandre Abellan Le 14 septembre 2016
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De la quête de biodiversité à la différenciation commerciale
Réunissant la famille ampélographique française, les journées de Saint-Mont sont passées ce 12 septembre par la parcelle de Sarragachies, ajoutée en 2012 à la liste des Monuments Historiques (réunissant sur 20 ares pas moins de 21 cépages, dont 7 inconnus). - crédit photo : Alexandre Abellan (Vitisphere)
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’ayant ni gare, ni autoroute, ni même un négociant, le vignoble du Gers s’est habitué à vivre à l’écart de certaines pressions aussi modernes qu’économiques. Un enclavement qui a participé à la préservation d’un patrimoine viticole exceptionnellement riche. Un héritage il est vrai difficile à valoriser, mais encore plus ardu à répertorier soulignent tous les arpenteurs du vignoble réunis lors des deuxièmes Journées ampélographiques de l’appellation Saint-Mont (se tenant au monastère éponyme ces 12 et 13 septembre).

Depuis les années 1970, les travaux sur le département du Gers ont recensé une soixantaine de cépages. Dont 36 inscrits au catalogue national et même onze lambrusques* comptabilise Olivier Yobregat (Institut Français de la Vigne et du Vin Sud-Ouest). Au-delà de présentations académiques, ces journées ont surtout donné l’occasion à la cave de Plaimont de proposer à la dégustation ses mico-vinifications (après les 30 variétés plantées en 2008, une nouvelle parcelle expérimentale a été plantée en 2015, pour neuf cépages retenus) et sa première cuvée commerciale de cépage oublié (l’étiquette Moonseng, à base de manseng noir).

On est toujours des paysans en polyculture… Fiers de porter le béret !

Ayant pris du temps, ces résultats s’inscrivent désormais dans l'identité de ce vignoble du piémont pyrénéen. En quarante ans, les prospections et préservations de parcelles historiques ont pris de l’ampleur. Et le premier surpris n’est autre qu’André Dubosc, le premier directeur de la cave de Plaimont (union de coopératives née autour de l’AOC Saint-Mont). S’opposant à toute standardisation par les cépages internationaux, il a été à l’initiative de ce travail de conservation avec son premier directeur technique, Jean-Paul Houbard. André Dubosc confie n’avoir pas forcément cru en la survie de cette approche patrimoniale sur le long terme, craignant un désintérêt pour ces reliques. Mais le relais générationnel n’a fait qu’aviver la flamme. « Des viticulteurs ont accepté de préserver la biodiversité de parcelles non-productives. Ce qui nous donne maintenant de la légitimité et de l’identité aux vins de Saint-Mont » résume celui qui refuse le titre de fondateur de Plaimont (que lui accolent pourtant ses adhérents).

Effet de mode

« Les cépages patrimoniaux, c’est plus qu’un frémissement ! » s’enthousiasme également l’ampélographe Laurent Audeguin (Établissement National de Technique d’Amélioration Viticole). Y voyant des opportunités pour les vignerons, comme les pépiniéristes, il leur trouve des promesses de diversification, d’identité, de typicité… D’autant plus qu’en termes de sélection, « les objectifs s’affinent. Que ce soit pour les profils organoleptiques ou d’adaptations au changement climatique (variétés plus tardives et moins alcoogènes) » ajoute Olivier Yobregat.

Mais « il faut faire attention. Si la hausse de la biodiversité permet une meilleure adaptation aux risques climatiques, elle réduit les effets de millésime et de terroir dans les assemblages » pondère le professeur Jean-Michel Boursiquot (Montpellier SupAgro). L’expert souligne également les risques sanitaires dus à des sensibilités différentes aux maladies cryptogamiques. Selon lui, si l’on met côte à côte des cépages sensibles et d’autres qui le sont moins, ce sont les plus sensibles qui créeront un foyer d’infection, et pas les autres qui formeront un noyau de résistance.

Derrière ces précautions, on retrouve l’idée que si ces cépages autochtones ont été oubliés, c’est aussi qu’ils n’ont plus été plantés pour de bonnes raisons. Il s’agit souvent de défauts agronomiques (maturité difficile, rendements aléatoires…), qu’il faut retrouver s’ils n’ont pas été dépassés. C’est là tout le sens de la prudence de l’administration dans la reconnaissance de ces cépages modestes à la mode.

Procédure administrative

Pour inscrire au catalogue un cépage oublié, ou pas assez documenté par la bibliographie, les demandes doivent passer par les services de FranceAgriMer. Le dossier d’une telle variété doit d’abord proposer une dénomination (incontestable par rapport à l’existant), prouver ses caractères de Distinction, d’Homogénéité et de Stabilité (le DHS, soit 80 caractères ampélographiques), ainsi que sa Valeur Technologique et Environnementale (la VATE, documentée par des essais de plantation valides pour inscription).
Une fois le cépage inscrit, sa mise en œuvre peut être immédiate s’il est resté inscrit dans le cahier des charges d’une indication géographique. Sinon, son organisme de défense et de gestion doit poser une demande collégiale à l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO). Ce qui peut être ardu, comme le rapporte le vigneron savoyard Nicolas Gonvin, qui est le vice-président du Centre d’Ampélographie Alpine Pierre Gallet. A ce titre, il essaie de faire inscrire une dizaine de cépages oubliés dans l’IGP Isère.

FranceAgriMer, ça va, l’INAO, ça coince

« Le problème, ce n’est pas d’inscrire un cépage auprès de FranceAgriMer, c’est de le faire remonter dans un des cahiers des charges IGP, et je n’ose pas parler d’AOC » lance-t-il, plaidant pour des inscriptions rapides afin de dégager de la valorisation au vignoble. Il en veut pour preuve le bon bilan du Persan, cépage savoyard oublié, qui a été inscrit au catalogue en 2008 après être resté dans le cahier des charges du vin de pays départemental. Avec 15 hectares plantés aujourd’hui, ce cépage autochtone permet une valorisation inédite aux cuvées de la vingtaine de vignerons l’ayant planté.
Un exemple qui aiguise les appétits à Saint-Mont, mais qui ne fait pas fléchir l’INAO : une fois une demande collective posée, un dossier expérimental doit être réalisé. La commission d’expertise ne se prononce en général qu’après une dizaine d’années de suivi expérimental (par une structure technique reconnue et indépendante).

 

* : Pour les lambrusques, qui sont des espèces en voie de disparition, le chasseur de vigne Jacques Estingoy fait des miracles dans le vignoble gersois. « Aucun pied n’avait été formellement identifié dans le Gers avant 2013 » précise Olivier Yobregat, qui ajoute que si ces plantes n’ont pas d’intérêt agronomique immédiat, elles en ont un scientifique, ayant participé par le passé à la richesse génétique actuelle.

Et les cépages résistants ?

Dans un soupir de soulagement, Laurent Audeguin se dit ravi de passer une réunion publique sans la moindre interpellation concernant les cépages résistants. Si ce n’était pas le sujet de ces journées sur le patrimoine viticole, les nouveaux cépages ne sont jamais bien loin. « Aujourd’hui, tout le monde parle de nouveaux cépages. Mais j’ai peur que tous plantent les mêmes. Et après, quelle sera la différenciation entre leurs vins ? » se demande le président de la cave coopérative de Plaimont (qui pèse pour 98 % des volumes de l’AOC Saint-Mont).

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