près les pluies, vient le trop beau temps. Ayant connu un premier semestre des plus pluvieux, le vignoble girondin encaisse un été particulièrement sec. Les pics de chaleur atteints cette fin août, attisent les craintes d’arrêt de maturités et de petits rendements. Si les cas de stress hydrique sont particulièrement violents sur l’ensemble des jeunes parcelles, aux racines superficielles, tout le vignoble bordelais n’est pas concerné, martèle Jean-Louis Vinolo, oenologue pour le fournisseur Euralis sur les secteurs de l’Entre-deux-Mers et de Graves.
A l’occasion de la réunion de vendanges d’Euralis, ce 5 septembre à Grézillac, il appelle à la sérénité. « Il y a beaucoup d’affolement. Mais sur les vieilles vignes, on n'observe des conditions de stress que dans certaines zones. Il y en a rarement en Entre-deux-Mers, mais plus souvent sur des terroirs sablonneux, des boulbènes (dans les Graves, le Libournais…) » rapporte-t-il. Se basant sur des mesures réalisées avec le capteur Dyostem, il dissipe les craintes de réduction des rendements qui font frémir nombre de vignerons. « Ces dernières semaines, l’analyse montre qu’il y a une évolution positive des baies : elles grossissent avec le chargement actif des sucres. Quelques parcelles de cépages rouges commencent à arrêter leur chargement, il peut alors y avoir flétrissement dans les prochains jours » assure-t-il, soulignant que les baies restent majoritairement intègres, et plus rarement flétries.
Pertes rapides d'acidité
S’il y a une grande hétérogénéité dans le vignoble bordelais, entre les zones asséchées au point mort et celles préservées se chargeant en sucres, la plupart des prélèvements de maturité s’accordent sur un point : la forte chute de l’acidité. « Sur des parcelles, on a perdu plus de 4 grammes/litre d’acide malique en une semaine. Je n’avais jamais vu ça en 25 ans de conseil ! » s’exclame Jean-Louis Vinolo.
Il n’hésite pas à conseiller aux vignerons d’oser des vendanges précoces, selon les profils organoleptiques visés. Et ce même si les concentrations en sucre ne sont pas satisfaisantes. « On perd chaque jour du potentiel aromatique, il nous glisse entre les doigts. J’ai des clients qui font du vrac, je leur dis que ce n’est pas du degré que veut le négoce, mais une bombe aromatique » rapporte-t-il. Concédant qu’il sera plus serein quand l’autorisation de chaptalisation sera publiée.
En crémants et blancs secs, les vendanges commencent à Bordeaux . Les merlots ne sont attendus qu’à la fin septembre/début octobre, mais les évolutions d’équilibre peuvent prendre les vignerons de court, alerte Jean-Louis Vinolo. « Avec les fortes chaleurs, les évolutions aromatiques vont avoir tendance à avancer rapidement » confirme Stéphane Becquet (voir encadré).


Si les décisions de vendanges s’annoncent complexes, le potentiel qualitatif est bien là pour certains. « A ce jour, nous avons déjà pu valider les trois premières étapes nécessaires à la réalisation d'un grand millésime : floraison rapide et homogène, début de contrainte hydrique à la nouaison et fermeture de grappe, arrêt de croissance de la vigne à la mi-véraison » résume Tristan Kressman, le directeur du château Latour-Martillac (AOC Pessac Léognan), dans un communiqué qui annonce le début de ses vendanges*, ce 6 septembre.
Plus nuancé, Didier Manero, responsable de territoire pour Euralis, estime que « la floraison a oscillé entre pluie et chaleur (avec de la coulure en Médoc) » et que « la véraison a eu du mal à s’enclencher et s’est étalée ». Mais Didier Manero voit dans l’absence d’eau prévue sur les prochains jours une chance, épargnant des risques de dilution et de botrytis aux raisins.
Il est vrai que ce millésime 2016 aura déjà été suffisamment riche en surprise. Que ce soit avec l’apparition inattendue de racines aériennes (les fortes pluies ayant causé des phénomènes d’asphyxie racinaire), ou la présence régulière de mildiou mosaïque en cette fin de saison (malgré des conditions climatiques peu favorables). Désormais, ce sont les craintes d’éclatement des baies qui inquiètent, les pellicules semblant fines et peu élastiques.
* : Avec des équilibres allant de 198 g/l de sucres et 3,5 g/l d'acide malique pour des pieds de sauvignon blanc sur graves, à 208 g/l de sucres et 2,9 g/l d’acide malique pour des prélèvements de sémillon blanc.
« Ce que l'on observe, c'est une hétérogénéité très forte. Un peu comme l'année dernière, mais accentuée par un effet sècheresse plus important » rapporte l’ingénieur Stéphane Becquet, technicien pour le Syndicat des Vignerons Bio d’Aquitaine. « Ce sont les parcelles les plus sableuses qui souffrent le plus. Mais on voit également apparaitre ce phénomène sur les argiles. Il faut être vigilant sur ces parcelles » alerte-t-il, préconisant des vendanges précoces. Notamment « pour les parcelles de blanc, et même de rouges, qui ont perdu beaucoup de feuilles, des vendanges précoces seront sans doute indispensables. Aussi bien pour des questions de qualité (il est plus facile de gérer sur les vins des amertumes un peu trop importantes que des degrés alcooliques trop forts), que pour des questions économiques. Car sur ces parcelles, les rendements vont chuter très vite. Et pour la plante qui va rentrer en souffrance, cela pourrait avoir des conséquences sur les prochaine années. »