Lorsque les ventes d’un produit doublent d’une année sur l’autre, on est forcément interpellé. C’est le cas des vins en cannettes, dont les volumes ont explosé sur les douze mois se terminant à la mi-juin 2016. D’après Nielsen, les ventes en valeur ont fait un bond de 125,2% pour atteindre 14,5 millions $, contre 6,4 millions $ au cours de l’année précédente. Et si la structure de la distribution aux Etats-Unis reste un frein à l’implantation rapide de nouveaux produits, certains détaillants et non des moindres, vantent déjà les mérites de ce conditionnement particulièrement adapté aux besoins des consommateurs actuels. La chaîne Whole Foods Market, entreprise de distribution alimentaire spécialisée dans les produits biologiques, est de ceux-là. Elle estime que le vin en cannettes fait partie des six grandes tendances à suivre cette année aux Etats-Unis, aux côtés des vins commercialisés entre 15 et 25 $, des effervescents premium, de la consommation désaisonnalisée du rosé, des vins élaborés dans le respect de l’environnement et des vins locaux. Le vin en boîte s’inscrit d’ailleurs dans certaines de ces tendances : il est souvent décliné en rosé et en effervescent, il offre des atouts environnementaux et séduit de plus en plus grâce à une montée en gamme des produits.
Ses atouts sont d’ailleurs évidents. Ce qui est étonnant, c’est que sa percée ne soit pas arrivée plus tôt. En réalité, elle correspond à une maturité des consommateurs dits Millenials et aussi à la volonté de certains acteurs de la filière de proposer une offre plus qualitative et diversifiée. Selon un article paru sur Wine Business Insider, les effervescents ont dominé ce secteur pendant longtemps, ce qui a sans doute ralenti son rythme de développement. Désormais, toujours selon le WBI, les ventes de vins tranquilles en cannettes représentent le double des effervescents. De plus, les grandes marques s’y sont lancées, augmentant la visibilité de la catégorie : il en est ainsi pour Gallo avec sa marque Barefoot. Et il y a fort à parier que bien d’autres lui emboîteront le pas. « C’est pratique : il ne reste plus de bouteilles à moitié finies sur le plan de travail de la cuisine et on n’a pas besoin de tire-bouchon ni de verre », se réjouit Lindsay Robison de Whole Foods Market. « Pour des occasions estivales détendues, les vins en cannettes se transportent facilement dans la glacière avec d’autres boissons. Les cannettes se refroidissent rapidement, sont légères et faciles à porter pour une consommation nomade. Leur popularité croissante a encouragé les producteurs de vins à proposer des vins de qualité dans le nouveau récipient préféré de ce pays ». C’est dit.
L’époque du tout verre est révolueParmi ces atouts, la praticité et la mobilité figurent parmi les principales motivations d’achat et correspondent bien au nouveau ‘lifestyle’ des Millenials. En témoigne la multiplication des casse-croûte et boissons destinées à être consommés en mouvement ; certaines cannettes de vin sont d’ailleurs livrées avec une paille. Ce phénomène s’accentue pendant la période estivale où, selon un sondage réalisé fin juin par Harris Poll pour le compte de Nielsen, 90% des consommateurs réguliers prévoient cet été de boire des boissons alcooliques dehors. Autour du barbecue bien sûr, mais aussi sur la plage, autour de la piscine, lors de concerts et autres événements sportifs, et pour des pique-niques. Autant dire, des lieux où le poids et la fragilité du verre ne conviennent pas, sans parler de l’encombrant tire-bouchon. Par ailleurs, les caractéristiques intrinsèques recherchées dans les boissons estivales font la part belle aux vins en cannettes. Toujours selon le même sondage, les consommateurs américains recherchent cet été, des boissons rafraîchissantes, fruitées, acidulées et douces ainsi que celles offrant des arômes d’agrumes et des bulles. Les hommes y ajoutent des qualités comme naturelles et artisanales ; le rapprochement avec la bière est ainsi fait. De plus, près de 40% des femmes âgées de 21 à 34 ans préfèrent les rosés l’été et six consommateurs réguliers sur dix affirment être plus susceptibles de boire des boissons alcooliques pendant la journée en été que lors des autres saisons, favorisant de petits formats.
Promouvoir la transition de la bière vers le vin chez les hommes
L’offre proposée cet été sur le marché américain reflète bien tous ces desiderata. Mais lorsqu’on regarde de plus près, on s’aperçoit aussi que les opérateurs et agences de création visent souvent une cible inattendue : non pas les jeunes femmes en quête de boissons sucrées et effervescentes rappelant les sodas de leur jeunesse, mais les hommes qui ont fait la transition de la bière vers le vin tout en souhaitent conserver le mode de consommation de la première. Certaines marques y font clairement allusion – c’est le cas de ‘Mancan’. D’autres s’appuient sur des codes couleurs et graphiques auxquels la clientèle masculine est sensible (‘The Infinite Monkey Theorum’), tandis que d’autres encore font référence à un mode de vie particulièrement valorisé chez les hommes. Dans le dernier cas, citons ‘The Drop’, dont le nom est tiré du monde du surf et qui cible une consommation entre potes, ou ‘bros’ en anglais américain. Le rapprochement avec l’univers de la bière est accentué par la présentation des cannettes : Mancan, par exemple, est vendu uniquement sur internet par pack de 24 au prix consommateur de 105$.
Les réseaux sociaux deviennent de véritables prescripteursLa rapidité de l’implantation de tous ces produits sur le marché s’explique en partie par internet. Comme le note Nielsen, « Ce n’est pas simplement le contenu des campagnes marketing ou du packaging qui attire les consommateurs. En réalité, les réseaux sociaux sont en train de devenir des prescripteurs aussi. Une étude récente réalisée par Nielsen a démontré qu’un quart des adultes américains (21 ans et plus) affirment être influencés dans leur choix de boisson par les images sur les réseaux sociaux de ce que d’autres personnes consomment. Parmi les 21-34 ans, cependant, ce pourcentage passe à 45%. Quarante-deux pourcent de ce groupe démographique aime mettre des images des boissons qu’ils consomment sur les réseaux sociaux, bien plus que la moyenne de 25% pour l’ensemble des consommateurs ».
Une voie ouverte par les BIB et autres packagings alternatifsCertes, les ventes de vins en cannettes ne représentent pour l’heure que moins de 1% du marché américain des vins, mais Nielsen insiste sur le fait que leur potentiel de développement ne doit pas être sous-estimé. « Les vins en BIB et en briques, tous formats compris, représentent actuellement plus de 8% des ventes de vins tranquilles pour la consommation à domicile en valeur, et un peu moins de 20% en volume », rappelle l’analyste, faisant un parallèle avec d’autres formats qui séduisent une clientèle similaire. Et l’engouement des jeunes consommateurs en faveur du vin cet été ne s’arrête pas à la boisson et à son packaging : le vin se déguste aussi sous forme de glace et de granité. De quoi mettre l’eau à la bouche des producteurs et agences marketing…