menu burger
Lire la vigne en epaper Magazine
Accueil / Gens du vin / Stratégies croisées sur le marché des bulles (2)
Stratégies croisées sur le marché des bulles (2)
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin

Crémant du Luxembourg versus Cava
Stratégies croisées sur le marché des bulles (2)

Tandis que certains effervescents font le tour du monde, d’autres peinent à dépasser leurs frontières nationales. Questions de prix, d’image, de réseaux de distribution mais aussi de disponibilités. Comment comparer des géants comme le Cava et le Prosecco avec des productions quasi confidentielles comme le Crémant du Luxembourg ? Et pourtant, tous se sont lancés à la conquête du même marché, avec des stratégies certes différentes mais dont les similitudes sont tout de même frappantes.
Par Sharon Nagel Le 20 juin 2016
article payant Article réservé aux abonnés Je m'abonne
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin
Stratégies croisées sur le marché des bulles (2)
«
 L’Espagne doit faire évoluer son offre »

Si les stratégies se recoupent à un moment donné, c’est parce que les effervescents ont réussi à recruter un nouveau profil de consommateur, dynamisant ainsi le marché du vin dans sa globalité. Ces nouvelles recrues affectionnent des produits offrant une certaine sucrosité, des bulles mais pas trop, des teneurs en alcool restreintes et un profil gustatif simple, le tout au service de la convivialité et de l’accessibilité. Ces critères sont devenus le Saint Graal de producteurs d’effervescents dans le monde entier, qu’ils élaborent quelques milliers de bouteilles ou des millions, concurrence du Prosecco oblige, mais aussi opportunités de développement. En témoigne la stratégie mise en œuvre par Bodegas Murviedro, filiale du groupe suisse Schenk fondée en 1927. Située dans la région espagnole de Valencia, la cave a investi 240 000 euros l’an dernier dans une nouvelle chaîne d’embouteillage pour des effervescents élaborés en cuve close. « L’Espagne, qui figure parmi les principaux producteurs d’effervescents dans le monde, doit faire évoluer son offre pour qu’elle corresponde aux tendances du marché », affirme Patricia Alvarez, responsable de la communication et de l’événementiel auprès de la cave. Exportant environ 90 % d’une production totale de 22 millions de bouteilles, Bodegas Murviedro est particulièrement sensible aux évolutions du marché mondial. Elle a mis en place un plan stratégique visant à créer une marque mondiale et à instaurer un nouveau réseau de commercialisation international. « L’ensemble de l’équipe œuvre vers la création d’un nouveau concept de vins au sein de la cave, y compris pour les vins issus des dénominations d’origine dans lesquelles elle est présente, basé sur une approche de marques. Sa vision à moyen terme est de mettre en place une seule marque ombrelle avec plusieurs gammes de produits ».

« Une version espagnole du Prosecco »

Dans le cadre de cette stratégie et d’une adaptation de ses produits aux nouvelles demandes des consommateurs, Bodegas Murviedro a lancé cette année trois nouveaux effervescents sous sa marque Luna de Murviedro. Déclinée en brut à base de viura et sauvignon blanc, rosé issu de tempranillo et cabernet et en 100 % sauvignon blanc, la nouvelle gamme tente de se positionner clairement sur le terrain des Proseccos. « L’année dernière nous avons décidé de développer cette gamme, positionnée entre le Cava et le frizzante, une version espagnole du Prosecco. Notre équipe d’œnologues a passé plusieurs semaines avec nos partenaires italiens pour apprendre la meilleure façon de développer ce type de produit en Espagne à partir de nos propres cépages ». Ciblant de jeunes professionnels urbains, notamment des femmes, la gamme se veut être une alternative moins chère et moins compliquée à ses concurrents que sont le Cava, le Prosecco et le Champagne. Elle s’intègre dans le cadre d’une stratégie visant à produire un million de bouteilles de vins effervescents, tous profils confondus.

 

 

Se plier aux nouvelles exigences du marché

Au Domaine Laurent et Rita Kox, à Rémich au Luxembourg, les chiffres sont d’une toute autre dimension, mais la volonté de séduire le nouveau public amateur d’effervescents est la même. Premier vigneron indépendant luxembourgeois à se lancer dans l’aventure Crémant dès sa création en 1991, Laurent Kox continue de défendre les spécificités de cette appellation, tout en développant des bulles susceptibles d’attirer des jeunes. « Cette année, nous lançons un mousseux à base de muller thurgau. C’est un produit conçu pour les jeunes, un peu comme le Prosecco en Italie, mais avec le fruité du muller thurgau, ce qui crée une toute autre impression ». Il n’empêche que Laurent Kox est bien conscient de la nécessité de monter en gamme pour assurer la pérennité de son exploitation. Et de se distinguer de la concurrence avec des produits empreints du terroir luxembourgeois. « A la fin de l’année, nous allons présenter notre cuvée haut de gamme à base de pinot noir, riesling et chardonnay, dans des proportions similaires à celles du Champagne, qui a passé 5 années sur lattes et dont 10-15 % ont été vinifiés en barriques pour donner une petite touche de tannins. Son prix de vente sera de 25 euros, même si la clientèle luxembourgeoise fera vite le calcul – 5 euros de moins qu’une bouteille de Champagne… » Mais à l’extérieur du pays, les enjeux sont tout autres. « Nous devons prendre l’initiative de vendre dans le monde entier. Il faut une bonne valorisation pour nos produits. Ce n’est pas la peine de traverser la frontière pour vendre nos vins moins chers que chez nous. C’est un stratagème utilisé par les grandes surfaces pour attirer les consommateurs luxembourgeois. Ce sont des produits d’appel, vendus à perte, mais cela leur permet de vendre d’autres produits à une clientèle plutôt aisée ».

 

…Mais aussi être soi-même

En Espagne, la vision à moyen et à long terme nécessite aussi de mettre l’accent sur la spécificité des produits espagnols, pour éviter le piège dans lequel le Cava est longtemps tombé. « Le Cava s’est présenté comme une alternative peu chère au Champagne. De l’autre côté de la frontière française, les Catalans offraient des vins utilisant les mêmes techniques que celles des Français, parfois issus des mêmes cépages. Les producteurs de Prosecco ont été plus intelligents. Ils ont positionné leur vin comme un effervescent fruité qui ne prétendait pas être une alternative à autre chose et s’est taillé un créneau à part entière. Le marché ne tourne plus simplement autour du Champagne, du Cava et du Prosecco mais propose bien d’autres options. L’essentiel est de créer sa propre personnalité, d’être capable de trouver l’équilibre entre la qualité, l’image et le prix et de trouver le positionnement que l’on cherche sur le marché », estime Patricia Alvarez. Et celle-ci d’affirmer : « Les producteurs espagnols devraient se focaliser sur la qualité du produit, fruit d’une combinaison de sols, cépages, soleil et vignobles ».

Déficit d’image

Au Luxembourg, où le vignoble national ne s’étend que sur 1 300 hectares pour une production de 110 000 hectolitres dont 25 % de Crémant, la montée en gamme et mise en valeur de la typicité des produits paraissent aussi comme une évidence pour faire face à la concurrence et assurer une valorisation adéquate. Mais comme en Espagne avec le Cava, il y a des problèmes d’image à résoudre, en l’occurrence de déficit d’image et non pas d’image dévalorisée. « A l’aveugle, nos produits sont aussi bons sinon meilleurs que d’autres. Au concours national des Crémants à la mi-juin dans l’Aude, mes vins ont décroché une médaille d’or et d’argent. Mais nos Crémants manquent de notoriété et d’image de marque. Ainsi, lors des fêtes de fin d’année, même au Luxembourg, les consommateurs feront toujours le choix d’un Champagne ».

Un effervescent paneuropéen

Comme l’Espagne, où la consommation nationale ne cesse de dégringoler, le Luxembourg est aussi condamné à exporter. « Nous sommes bien présents sur notre marché domestique », reconnaît Laurent Kox, « mais on perdra chaque année des clients. Les vrais Luxembourgeois deviennent de plus en plus âgés et l’habitude de boire des vins luxembourgeois se perd avec l’afflux de gens venus d’ailleurs et de jeunes. Nous n’avons plus le monopole du marché domestique et il faudra trouver des débouchés ailleurs ». D’où la présence du domaine, seul représentant luxembourgeois, à Bulles Expo ces 20 et 21 juin à Paris. « C’est compliqué parce qu’il faut consentir des investissements importants pour dénicher de nouveaux marchés sachant que nous n’avons pas forcément de gros volumes. Mais il faut oser aller à l’export pour comparer la qualité de nos vins avec celle de la concurrence et tâter les marchés. C’est pour cela que j’ai voulu participer à Bulles Expo ». Laurent Kox n’a pas à rougir de son implication en dehors de son pays d’origine : il s’est associé avec deux autres domaines, le Domaine les Béliers à Ancy-sur-Moselle en France et le Weingut Lukashof Franz-Josef Bollig à Trittenheim en Allemagne, pour créer un mousseux germano-franco-luxembourgeois - la « Grande Cuvée du Terroir Mosellan » - fruit d’un véritable partenariat vitivinicole européen. Reste maintenant à convaincre Bruxelles…

 

Pour en savoir plus sur le marché mondial des effervescents, rendez-vous à Bulles Expo les 20 et 21 juin au Parc Floral à Paris : www.bulles-expo.com

Vous n'êtes pas encore abonné ?

Accédez à l’intégralité des articles Vitisphere - La Vigne et suivez les actualités réglementaires et commerciales.
Profitez dès maintenant de notre offre : le premier mois pour seulement 1 € !

Je m'abonne pour 1€
Partage Twitter facebook linkedin
Soyez le premier à commenter
Le dépôt de commentaire est réservé aux titulaires d'un compte.
Rejoignez notre communauté en créant votre compte.
Vous avez un compte ? Connectez vous

Pas encore de commentaire à cet article.
vitijob.com, emploi vigne et vin
Gironde - CDD Château de La Rivière
Vaucluse - CDI PUISSANCE CAP
La lettre de la Filière
Chaque vendredi, recevez gratuitement l'essentiel de l'actualité de la planète vin.
Inscrivez-vous
Votre email professionnel est utilisé par Vitisphere et les sociétés de son groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici . Consultez notre politique de confidentialité pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits. Notre service client est à votre disposition par mail serviceclients@ngpa.fr.
Gens du vin
© Vitisphere 2025 -- Tout droit réservé