omme souvent en matière de changement climatique, il n’y a pas de certitudes. Et à la question de ce que la filière viticole doit prendre en compte pour assurer son adaptation au changement climatique, la prospective menée par l’Inra et FranceAgriMer ne déroge pas à ce constat. Mais, affirme Jean-Marc Touzard, les décisions prises durant les trente prochaines années seront déterminantes pour assurer la pérennité de la production française après 2050. C’est d’ailleurs l’un des messages clés de la réflexion prospective réalisée.
Celle-ci a étudié cinq scénarii. Le premier, baptisé « zéro », est un repère. Il considère que les activités humaines n’évolueront pas et il apparaît comme peu probable. Il correspond à une photographie figée de ce que l’on connaît aujourd’hui. Quatre scénarii sont ensuite envisagés et sont construits en modifiant deux variables : la localisation du vignoble et l’innovation. Le premier scénario, baptisé « conservateur », imagine que le vignoble innove peu et reste dans les aires actuelles connues. Le second, « nomade », prend la relocalisation comme facteur principal d’adaptation au changement du climat. Le troisième, « innovant », prend l’innovation comme variable principale pour permettre aux vignobles de rester dans leur localisation actuelle. Enfin, le scénario « libéral » considère que le pilotage du vignoble se fait par l’aval avec une souplesse adaptative à la fois à travers la localisation et l’innovation.
Et, bonne nouvelle (ou mauvaise pour les libéraux), le scénario « conservateur » apparaît « souhaitable »… si les objectifs de la Cop 21 sont atteints. Et c’est là que l’incertitude apparaît et que chacun devra faire son pronostic sur la capacité des Etats à respecter leurs engagements pris en décembre dernier à Paris. Car, « si la température augmente au-delà de ce qui est prévu par la Cop 21, il y aura un impact sur la qualité et la quantité des vins du fait du changement climatique » estime le chercheur qui souligne que le risque majeur pour la viticulture n’est pas tant l’élévation des températures que l’instabilité météorologique : si, du fait du climat, l’on doit raccourcir la durée d’amortissement d’une vigne de 40 ans à 15 ans, cela aura des conséquences sur l’approche technico-économique des vignobles.
Face à cette incertitude, comment réagir ? « Il faut construire un contexte permettant d’avoir toujours la capacité à réagir et à s’adapter » répond Jean-Marc Touzard, mettant ainsi un exergue, un second message clé tiré de la prospective. Le partage d’expériences à l’échelle locale et régionale, le resserrement des liens entre la recherche et le vignoble sont autant d’actions qui peuvent permettre une meilleure gestion de l’incertitude et une meilleure réactivité.
Enfin, le directeur de recherche souligne que ce n’est pas parce que le scénario « conservateur » apparaît comme plutôt adapté qu’il ne faut pas se préparer aux autres. En effet, les prévisions climatiques montrent que c’est après 2050, et si les objectifs de Cop 21 ne sont pas atteints, que se dérouleront les événements climatiques catastrophes largement relayés par les médias. Et c’est alors que les vignerons devront affronter de vraies questions techniques… Dans cette éventualité, les chercheurs vont rencontrer une après l’autre chaque interprofession pour la conseiller et l’aider à mettre sur pied un plan climat adapté, car chaque région à ses challenges propres (taux d’acidité en champagne, taux d’alcool en Languedoc-Roussillon…).
Et quant à l’adhésion de la filière à ce challenge qui reste souvent un peu flou, Jean-Marc Touzard se dit confiant. Une étude menée en 2015 montre qu’environ trois quarts de viticulteurs interrogés affirment percevoir le changement climatique dans le cadre de leur activité et se disent préoccupés par cette question. Une proportion qui n'avait jamais pris une telle envergure lors des enquêtes précédentes.