'INRA de Bordeaux étudie actuellement un « oomycète », le « Pythium oligandrum », une sorte de champignon qui, lorsqu'il colonise les racines de pieds de vigne, permet de diminuer les nécroses dans les bois provoquées par les champignons pathogènes. Sans être jamais au contact de ces derniers, l'oomycète, installé dans le système racinaire, parvient à induire chez la plante une résistance naturelle, impliquant une baisse importante des attaques par les différents pathogènes. Les derniers travaux de recherche en date, soutenus dans le cadre d'une thèse en décembre 2015, avaient pour but de mieux comprendre ce phénomène et les mécanismes mis en place au niveau des agents pathogènes.
Grâce au séquençage ADN de l'un d'entre eux, le champignon « Phaeomoniella chlamydospora » (P ch), l'un des principaux pathogènes associés à l'esca, les chercheurs ont pu constater que la présence de l'oomycète impliquait un stress « très important » chez ce dernier, qui est alors « perturbé ». « Cela se traduit par un impact négatif sur son développement, sur l'émission de toxines et sur ses moyens d'attaques, qui sont modifiés », explique Patrice Rey, professeur à Bordeaux Sciences Agro et chercheur à l'INRA de Bordeaux (UMR Save). L'oomycète présent dans le système racinaire n'intervient pas directement mais active le système de défense de la plante en envoyant des « signaux » à toute la plante. Il a donc une action indirecte sur le champignon, en améliorant la défense de la plante, à l'image d'un vaccin.
Jusqu'à présent effectués sur des pieds « francs », les chercheurs ont par ailleurs effectué des essais sur de jeunes plants greffés-soudés, afin de vérifier que l'oomycète soit aussi efficace. « Il y a une bonne colonisation du porte-greffe et le phénomène de résistance fonctionne également », rapporte Patrice Rey.
La prochaine étape va désormais consister à tester l'oomycète « grandeur nature ». Une « solution » contenant P oligandrum va être appliquée, dès 2016, sur le système racinaire de plants situés sur différentes parcelles de vigne, plus ou moins âgées, sur différents vignobles et cépages. Leur « comportement » sera suivi vis-à-vis des maladies du bois, durant au moins deux ans, voire trois ou quatre.
Le séquençage de l'oomycète P. oligandrum a lui aussi été très récemment réalisé, en octobre 2015. Celui-ci va permettre aux chercheurs d'aller plus loin dans sa connaissance et, notamment, de travailler à la sélection des souches les plus efficaces.
« Ce sont de bonnes nouvelles, qui permettent de faire avancer les connaissances. Mais cette piste ne sera pas la solution unique aux maladies du bois, car les agents de biocontrôle n'apporteront pas une protection à 100% », tient à tempérer le chercheur. Selon lui, ce nouveau moyen de lutte sera « l'une des solutions parmi les autres qu'il faudra mettre en œuvre pour aider la plante à lutter ». « Si l'on veut que cela fonctionne, il faudra combiner plusieurs approches, résume Patrice Rey : l'induction de résistance, l'action directe grâce par exemple aux bactéries, ou encore des approches culturales comme des techniques de tailles plus respectueuses pour éviter un stress à la plante ».