N’ayez pas peur » prêche Bernard Peillon, le président de la maison Hennessy, à l’occasion de ses voeux aux livreurs de vins, bouilleurs de crus et de profession. Exhortant les viticulteurs au courage entrepreneurial, il s’inquiète ouvertement de la tournure des négociations sur le Business Plan (le plan stratégique de dimensionnement du vignoble charentais, encadré par le Bureau National Interprofessionel du Cognac).


« Je suis préoccupé. Dans les discussions des dernières semaines, je sens des réticences à investir dans l’extension du vignoble » déclare-t-il, troublé de sentir « très clairement le doigt trembler avant d’appuyer sur le bouton ». S’il soutient toujours la décision de suspendre toute plantation en 2015 (et une demande réduite à une trentaine d’hectares en 2016), Bernard Peillon s’impatiente maintenant que les performances économiques sont redevenues prometteuses.
Hennessy canalisant plus de la moitié de la production de cognacs, cette position compte peser dans les débats et devenir force d’entraînement. Bernard Peillon convie le vignoble à aller de l’avant et à ne plus se laisser hanter par les démons passés de la surproduction. Pour secouer le statu-quo, la maison Hennessy mise sur les chiffres, qui démontrent son statut de premier metteur en marché et de premier investisseur de la catégorie*.
« L’an passé, la maison a réussi à franchir un cap des 6 millions de caisses, de façon franche et entière » se félicite Bernard Peillon. Déjà marquée d’une pierre blanche pour les 250 ans de la maison, l’année 2015 présente une nouvelle étape vers l’objectif des 10 millions de caisses à terme. Et comme en 2000, Hennessy expédiait 3 millions de caisses, « la croissance appelle la croissance » résume Arnaud Camus (responsable de la communication viticole de Hennessy).
Pour achever de convaincre, Hennessy ne lésine pas sur les moyens démontrer sa confiance dans l’avenir de la catégorie des cognacs. Au-delà de la hausse des cours des eaux-de-vie et la mise en place d’un contrat pluriannuel (lire Vitisphere ce 22 janvier), la filiale de LVMH investit massivement dans son propre outil de production. Soit 250 millions € sur les cinq prochaines années, essentiellement sur les projets d’élevage/gestion des barriques au Haut-Bagnolet et de conditionnement/stockage au Pont-Neuf.
Faisant appel à la mémoire paysanne, Bernard Peillon conclut en se rappellant qu’à son arrivée à Cognac, en 2007, un hectare de vigne s’échangeait 22 000 €. Moins de dix ans plus tard, le cours du foncier a plus que doublé. Pour lui, il est claire que le maintien du vignoble à sa surface actuelle entraîne une inflation problématique, non seulement pour la profitabilité du capital, mais surtout pour les frais de succession.
* : « Mais ne croyez pas que nous sommes si gros » prévient Bernard Peillon. « Mondialement, le marché des spiritueux premiums est de 140 millions de caisses ! Dont 30 de whiskies écossais… »
Précisant les données publiées par le BNIC, les performances de la maison Hennessy sont portées par le marché américain. Son bond de consommation a agréablement surpris les opérateurs au deuxième semestre 2015. Pour Hennessy, il s’agit du fruit du plan « Conquest », lancé en 2010 pour reconquérir les consommateurs afro-américains, séduire ceux hispaniques et ne pas être tributaire du marché chinois (alors en plein boom). Maintenant la situation s’est inversée, « on veille à ne pas être dépendant du marché américain et on souhaite réinventer le marché chinois » explique Boris de Vroomen, le directeur du développement international pour Hennessy. Il ajoute que « la Chine s’est stabilisée et a même montré des signes de reprise après une crise significative en 2013 et 2014 ». La marque y développe la consommation de VS pour les populations jeunes et des classes moyennes. Si les relais de croissance que sont la Russie et l’Afrique (notamment en Afrique du Sud et au Nigéria) intéressent également la filiale de LVMH, les ventes en duty-free semblent encore plus porteuses. « On considère le travel retail comme une région à part entière, c’est le premier marché de notre XO » confie Boris de Vroomen.