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Quand le réchauffement climatique favorise les vins de climat frais
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Migration vers le Nord
Quand le réchauffement climatique favorise les vins de climat frais

Longtemps perçu comme un obstacle dans la mise en œuvre d’une viticulture sereine et performante, un climat frais se profile comme la réponse à un climat qui se réchauffe. L’émergence de nouvelles régions productrices, l’adoption de techniques adaptées et une évolution du style des vins reflètent la montée en puissance d’une catégorie longtemps décriée. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’aréopage d’intervenants attendus en mai prochain à Brighton, en Angleterre, pour le Symposium international des vins issus de climats frais.
Par Sharon Nagel Le 18 janvier 2016
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Quand le réchauffement climatique favorise les vins de climat frais
Steve Charters, directeur de recherche au sein de la School of Wine & Spirits Business du Groupe ESC Dijon-Bourgogne, interviendra au Symposium international en mai prochain. - crédit photo : ESC Dijon
D
e l’anecdotique à l’acteur en vue

Réunissant, en effet, les plus grands experts, non seulement en matière de climatologie mais aussi de recherche vitivinicole et de dégustation, dont Jancis Robinson MW, le Symposium interpelle également par son choix de lieu. Nul n’aurait pu prévoir, il y a quelques décennies, qu’un secteur vitivinicole fondé sur l’utilisation de vignes hybrides et producteur de vins tout juste buvables par une clientèle locale et patriote, se hisserait à un rang tel qu’il attire les convoitises d’investisseurs français de haut niveau. L’émergence du Royaume-Uni, sinon comme pays producteur de premier plan en termes de volumes, du moins comme expression concrète des effets du changement climatique, a contribué à faire évoluer la perception des vins issus de climats frais, là où les vins de glace – production confidentielle – n’y sont pas parvenus.

Sensibiliser les consommateurs

Cet essor, conforté par la quête de terroirs frais lancée par les producteurs de vins en climat chaud, s’accompagne de son lot de questions quant à la gestion des appellations, des terroirs et de leur image. « De la même façon que sur le plan viticole, les producteurs se sont penchés sur une gestion adéquate de leur vignoble, il faudra sans doute accorder beaucoup de considération aux stratégies marketing à mettre en place pour les vins issus de climats frais », estime le professeur Steve Charters, directeur de recherche au sein de la School of Wine & Spirits Business (SWSB) du Groupe ESC Dijon-Bourgogne, qui interviendra au Symposium international en mai prochain. La question est complexe pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que, en dehors d’un très petit groupe d’initiés, le consommateur n’est pas sensibilisé à la notion de vins issus de climat frais, même si le terme englobe des régions des plus renommées comme la Champagne et la Bourgogne. « Tenter de commercialiser un vin sous prétexte qu’il provient d’une région fraîche n’est nullement suffisant et ne permettra de toucher qu’une minorité de consommateurs avertis. Il faut donc utiliser cette caractéristique pour y attacher d’autres notions : une teneur en alcool plus faible ou plus de raffinement et d’élégance qu’un vin issu d’un climat chaud, par exemple ». En termes de positionnement prix, le peu d’études réalisées jusqu’à présent ont permis de démontrer une corrélation entre prix et qualité dans des zones fraîches : plus le prix est élevé, plus le niveau qualitatif perçu l’est aussi.

 

2003 : une année charnière

La deuxième cause de complexité sur le plan marketing tient à l’évolution du style des vins sous l’effet du changement climatique, une évolution déjà très marquée selon le Dr Charters. « Au Royaume-Uni, par exemple, les raisins sont de plus en plus mûrs et les mauvais millésimes se produisent de moins en moins souvent. En Champagne, le changement s’exprime par des vins plus riches et un moindre recours à la chaptalisation. Si 2003 était, certes, une année exceptionnelle sur le plan climatique, il n’en démontre pas moins les mutations qui sont en train de s’opérer : à titre d’exemple, pour la première fois de son histoire, Bollinger n’a pas déclaré son millésime classique, la Grande Année, puisqu’il faisait trop chaud. La maison a donc sorti son « 2003 by Bollinger », en partie pour appréhender la manière dont elle allait devoir gérer le changement climatique à l’avenir ».

 

Des changements subtils

Quid alors de l’acceptation de ces évolutions de style par le consommateur ? « Ce serait un excellent sujet de recherche. Très peu d’études ont été consacrées à cette question parce que les changements de style sont très subtils et a priori multifactoriels. Depuis une trentaine d’années dans le Bordelais, on observe une augmentation du degré et de la maturité. Mais doit-on mettre cette transformation sur le compte du changement climatique, des pratiques viticoles qui favorisent le mûrissement des raisins ou de l’influence de critiques comme Robert Parker qui apprécient les vins plus riches, plus alcoolisés et plus sur le fruit ? Par ailleurs, il n’y a pas eu une seule année où la métamorphose était flagrante, les évolutions sont progressives. Enfin, du point de vue marketing, les consommateurs peuvent être moins motivés par le goût des vins que par l’image qu’ils projettent – c’est le cas du Champagne. Donc, évolution du profil gustatif ou pas, ils continueront à l’acheter ».

 

La Champagne trop chaude pour y faire des effervescents ?

Il en est de même pour les effervescents anglais : le patriotisme et l’identité nationale, notamment vis-à-vis du Champagne et de l’Europe, et la dynamique impulsée par un secteur vitivinicole en plein essor constituent sans doute des facteurs d’achat plus puissants que le profil gustatif. Il n’empêche que si celui-ci devenait méconnaissable, la question de l’acceptation par le consommateur se poserait. « Que se passe-t-il en Champagne s’il fait tellement chaud que les teneurs en sucre et la maturité des raisins augmentent à tel point que les vins perdent l’acidité requise pour respecter la typicité des effervescents champenois ? Faudra-t-il alors s’orienter vers des profils typés davantage Nouveau Monde – plus fruités et plus corpulents – ou bien vers les vins secs, à l’image des Bourgognes d’aujourd’hui ? »

 

Ou trop froide et humide ?

Pour l’heure, nous n’en sommes pas là : si les climatologues s’accordent à dire que des changements vont continuer à s’opérer à court et à moyen terme, nul ne saurait prédire le long terme. « Certains climatologues affirment que le changement climatique modifiera le gulf stream, qui tempère le climat européen. Si le gulf stream se déplace, l’Europe du Nord deviendra plus frais et plus humide. Peut-être que d’ici 20 ans, il fera trop chaud pour faire des effervescents en Champagne, mais peut-être que d’ici 100 ans il fera trop frais et humide pour y cultiver des vignes tout court. A l’heure actuelle, personne ne le sait ».  

 

La Chine pourrait développer de nouveaux vignobles

Pour rester dans le concret, le changement climatique a permis à de nouvelles régions productrices d’émerger, comme la Tasmanie en Australie, et à des vignobles existants de s’améliorer. Dans certains pays de l’Est, par exemple en Slovaquie, il est désormais possible d’élaborer des vins rouges là où seuls des vins blancs étaient envisageables il y a quelques années. Pour Steve Charters, lors des années à venir, nous assisterons vraisemblablement plus à l’expansion de vignobles existants qu’au développement de nouvelles régions, comme la Belgique ou le Danemark, même si certaines zones scandinaves ont été prospectées par des visionnaires comme Miguel Torres. « Je pense que nous allons voir la consolidation de vignobles dans des pays comme le Royaume-Uni ou dans le Nord de l’Allemagne ou encore dans les régions canadiennes comme la vallée de l’Okanagan et Niagara. La Chine, qui abrite des vignobles à climat frais comme à Ningxia où les vignerons doivent enterrer les vignes l’hiver, va également se développer. Au fur et à mesure que la Chine explore ses propres terroirs, le changement climatique pourrait lui permettre de développer de nouveaux vignobles ». L’exemple de la Tasmanie est également éloquent : « Avant 2000, la Tasmanie était anecdotique au niveau vitivinicole. Puis, il s’est avéré que l’île convenait parfaitement à l’élaboration d’effervescents, et même certaines grandes maisons comme Chandon y achètent des raisins ».

 

Les vins icônes indispensables pour se différencier

Ce sont sans doute d’ailleurs les effervescents qui ont facilité l’essor global des vins à climat frais. « L’avantage des effervescents, c’est qu’ils sont facilement reconnaissables, grâce à la référence universelle qu’est le Champagne, et qu’ils offrent la possibilité de dégager une belle valeur ajoutée. Un petit producteur dans une zone limite pour la culture de la vigne a besoin de mettre tous les atouts de son côté pour réussir. De belles marges en font partie, le développement d’une activité oenotouristique aussi ». S’appuyer sur une catégorie reconnue permet de donner une impulsion en phase de démarrage, mais pour pérenniser un secteur, des facteurs de différenciation sont indispensables. « Elaborer de bons vins est un pré-requis ne serait-ce que pour exister. Au-delà de ce critère, il faut que les régions à climat frais émergentes aient une cohérence, qu’elles acceptent qu’il doit y avoir des leaders, qu’elles doivent laisser parler ces leaders au nom de tous mais qu’en même temps ces leaders doivent Å“uvrer pour le bien collectif. Elles doivent également développer un ou des vins icônes, qui deviennent emblématiques de leur production, sachant que la catégorie qui aura permis de les lancer – comme les effervescents ou les vins de glace – ne pourrait pas assumer ce rôle. À l’instar des zinfandel de Californie, sauvignon blanc de Nouvelle-Zélande, carménère du Chili et autres malbec d’Argentine, il faut à tout prix s’approprier un cépage phare pour affirmer sa différence ». S’agira-t-il du pinot noir en Tasmanie ou du bacchus en Angleterre, ce chemin n’a pas encore été tracé, mais le Symposium à Brighton du 26 au 28 mai prochain sera sans aucun doute l’occasion d’explorer toutes les pistes pour mieux mettre en valeur une catégorie au devenir radieux…

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