En cette fin d’année, le débat sur l’expérimentation des cépages résistants aura été la goutte qui fait déborder le vase de la patience de Jacques Gravegeal, le président de l’Organisme dedéfense et de gestion des vins IGP Pays d’Oc.
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La France veut laver plus blanc que blanc », tempête Jacques Gravegeal, d’humeur tout aussi résistante que les cépages qu’il défend bec et ongles. Dans le débat actuel sur l’expérimentation des variétés de vigne résistantes aux maladies cryptogamiques (mildiou et oïdium principalement), ce connaisseur des vins de cépage n’en démord pas : « Les qualités ampélographiques et organoleptiques des cépages résistants sont identiques à celles des cépages de référence. Où est donc la tromperie du consommateur quand on revendique cette parenté ? »
Avec le mérite d’être clair, il déclare que les vignes résistantes ne l’intéressent que si elles peuvent faire référence aux noms des cépages parents (cabernet, merlot, sauvignon…). Pour lui, il s’agit d’une nécessité commerciale incontournable, dès lors qu'il s'agit d'exister sur le marché mondial. Convaincu que le marché tranchera en cas de dérive, il affirme : « On est mort si on ne répond pas au goût mondial. Je suis prêt à mettre des consommateurs dans le coup, qu’ils puissent eux-mêmes déguster nos cuvées expérimentales. En Pays d’Oc, nous avons repéré une vingtaine de cépages résistants qui sont les copies conformes de variétés de référence. Dégustés à l’aveugle en commission d’agrément, ils sont validés sans problème. Et avec une bonne typicité ! »
Souhaitant aller vite, Jacques Gravegeal tient cependant à l’expérimentation de ces nouveaux cépages en conditions réelles. « Il faut être attentif aux effets de la climatologie méditerranéenne sur ces cépages. Il faudra les tester pendant quatre ans, au moins, avant de passer à la vitesse industrielle », estime-t-il. En attendant janvier 2016 et la réunion d’un groupe de travail sur l’expérimentation variétale, il reste marqué par la visite, cet été 2015, d’une parcelle de vignes plantées par Alain Bouquet, mélangeant cépages sensibles (gamay, pinot…) et résistants. Non traités depuis neuf ans, ces pieds parlent d’eux-mêmes, pour Jacques Gravegeal : « Les premiers sont ravagés, les seconds se portent bien malgré la forte pression de maladies ».
Laissant de bon cœur les débats sur les résistances polygéniques et monogéniques aux experts scientifiques, il ne peut s’empêcher de se demander « si on aurait l’autorisation de greffer des racines américaines sur des cépages européens, si le phylloxéra arrivait aujourd’hui dans le vignoble français… »
La crainte de répéter les erreurs des copeaux
Ces débats rappellent à Jacques Gravegeal une autre expérience : « Les copeaux. Ils ont été inventés en France, mais nous avons continué à faire des barriques, et avons interdit leur utilisation. Alors que les américains et australiens ont boisé leurs vins avec ces copeaux. Et ils nous ont pris des parts de marché. Il ne faut pas laisser passer l’occasion de produire des vins de meilleurs qualité/prix. Et souhaités par le consommateur ! » Avec les cépages résistants, la problématique n'est pas technique, mais sociétale prévient-il : « on va avoir progressivement une interdiction de traiter à proximité des habitations qui va s’installer. Et il ne faut pas oublier la question des résidus. Si l’on perd cinq ans aujourd’hui, ces cinq ans seront la guillotine mortuaire du vignoble français... »