On peut rire de tout, à condition d'être drôle » confiait récemment le journaliste Denis Robert aux Inrockuptibles, modifiant pertinemment la célèbre citation du comique Pierre Desproges (« on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde »). Drôle, la une du prochain numéro de Charlie Hebdo l'est résolument, et effrontément. Témoin de la tuerie du 7 janvier 2015 au siège de Charlie Hebdo (Paris XI), la dessinatrice Coco n'en est que plus mordante quand elle lance : « Ils ont les armes, on les emmerde, on a le champagne ». Se déhanchant comme un tonneau percé, son dessin tient moins de la danse macabre que de la bacchanale.
Rouge sang, cette couverture va fleurir dans les bureaux de presse ce 17 novembre. C'est une secousse pour les consciences flottant depuis vendredi entre l'ombre d'un deuil atterré et le souffle d'une vie résistante. Sale gosse, c'est effrontément que Charlie Hebdo fait sauter les bandeaux noirs et prend le seul parti qui vaille : renvoyer aux terroristes le superbe mépris d'un éclat de rire. Rédacteur en chef de Charlie Hebdo, Riss développe dans son édito son appel à la résilience et la résistance : « du sang et des larmes, prophétisait Churchill. Nous y sommes. Sans s'en apercevoir, les Parisiens de 2015 sont un peu devenus des Londoniens de 1940, déterminés à ne pas céder, ni à la peur ni à la résignation, quoi qu'il leur arrive sur le coin de la figure. »
Le Canard Enchaîné prend le même parti, titrant son numéro de demain : « la résistance s'organise à partir des bistrots : tous au zinc et sifflez des canons ! »