Corée du Sud

Une consommation de vins entre compétition et démocratisation

epuis juin 2011, les vins français (et plus généralement européens) sont exemptés des 15 % de droits de douane qu’ils devaient régler jusqu’alors. Grâce à cet accord de libre-échange, « le  marché a rapidement évolué. Et pour les consommateurs, les vins sont ressentis comme étant plus abordables » résume Olivier Dardenne, le responsable du pôle vin et spiritueux de Business France de Séoul. Mais alors que les vins américains chiliens profitent déjà de tels dédouanements (depuis 2012 et 2004), qui seront prochainement étendus aux vins australiens, canadiens et néo-zélandais, peut-on encore voir les accords de libre-échange comme étant un avantage compétitif ? « Maintenant que les pays sont tous au même niveau, la bataille fait rage » reconnaît Olivier Dardenne.

En volume, les vins français pâtissent de la concurrence

Pour les vins français, cette concurrence exacerbée se fait au détriment des entrées et coeur de gamme. Les catégories premiums en sortent au contraire confortées, ce qui se traduit par des performances hexagonales portées par la valorisation, et non les volumes. Sur le marché coréen en 2014, la France restait le premier pays fournisseur de vins en valeur (30,5 % des parts de marché), tout en se maintenant à la quatrième place en volume (13,3 % du marché, derrière les 22 % du Chili, les 20 % de l’Espagne et les 15 % de l’Italie). Sur le premier semestre 2015, la tendance est exacerbée, voire inquiétante. La France enregistre en effet un net repli en volume, alors que ses concurrents sont en croissance. De janvier à juin 2015, les expéditions de vins français se sont élevées à 22 200 hectolitres pour 24,5 millions d'euros (respectivement -18% et et +1 % par rapport au premier semestre 2014 selon les données de Business France). Il faut cependant prendre des pincettes, les exportations étant d'autant plus volatiles que les volumes sont faibles (et les résultats limités à une demi-année).

Important pour les vins IGP (4 000 hl et 1,6 million d'€, soit -44% et -23 %), le repli français sur le premier semestre est également net pour les AOP tranquilles (15 200 hl pour 17 millions €, -14 % et -3 %). Avec les précautions évoquées précédemment, il s'agit d'une vraie dégringolade pour les vins du Beaujolais (13 hl pour 11 000 €, -79% et -81 %) et ceux du Languedoc-Roussillon (900 hl pour 600 000 €, -55% et -17 %), avec un repli marqué pour les vins de Bordeaux (9 500 hl pour 10,4 millions €, -15 et -11 %). Mais on note dans le même temps de fortes croissances pour les vins de Bourgogne (à 1 800 hl pour 3,4 millions €, soit +31 et +26 %), de Loire (160 hl pour 130 000 €, soit +44 et +21 %) et de Provence (100 hl et 53 000 €, soit +55 et +18 %). Les expéditions de vins effervescents bondissent de nouveau (avec 3 000 hl pour 5,8 millions €, soit +28 et +29 %), portés par les champagnes (2 300 hl pour 5,5 millions €, +32 et +29 %).

Les vins sont passés dans un mode de consommation festif

Marché émergent, la Corée du Sud n'est donc pas simple d'accès. Ou du moins, rien n'y est acquis avec la compétition croissante. Présentant une consommation de vin balbutiante (à 1,6 litre par an et habitant), ce marché reste prometteur, car la consommation de vin y est en voie de démocratisation. D’après l'association coréenne du commerce international (la KITA), les importations de vin y ont pour la première fois dépassé, en valeur, celles de spiritueux sur le premier semestre 2015 (avec 88 millions d’euros de vins contre 85,5 millions € pour les spiritueux). Ce cap marque une orientation durable des consommateurs vers les boissons moins alcoolisées que les whiskies, et plus raffinées que les bières.

« Les vins sont passés dans un mode de consommation festif » témoigne Olivier Dardenne. Expert de la restauration, il pressent une appropriation progressive des vins par les consommateurs. Souvent limitée aux banquets, la consommation de vin se banalise jusqu'aux picnics. Il en veut pour preuve le développement des ventes en grande distribution, qui ont dépassé en 2014 les ventes en Café Hôtel et Restaurant*. Cette popularisation passe par lancement de marques de distributeurs, ce qui accentue mécaniquement la compétition entre pays fournisseurs sur les entrées de gamme. « Il y a énormément de potentiel en Corée du Sud. Il y a de la place à prendre, et même si l'on parle de petits volumes, il est important de se positionner pour être visible auprès du consommateur » conclut Olivier Dardenne.

* : La grande distribution représentait l'année dernière 50 % de la valeur et 70 % des volumes commercialisés en Corée du Sud.