a mairie de Preignac, petite commune viticole de Gironde au cœur du Sauternais, fait actuellement l'objet de toutes les attentions médiatiques. Face à un nombre suspect d'enfants fréquentant l'école atteints de cancers, l'ancien maire, Jean-Pierre Manceau, décide d'en savoir plus. Il demande en décembre 2012 une enquête plus poussée auprès des autorités compétentes, l'Agence régionale de santé (ARS). Dans ce courrier, il dénonce également ses difficultés à interdire les épandages de pesticides sur les vignes situées à proximité de l’école communale pendant les récréations. L'Institut de veille sanitaire, « l'InVS », chargé de cette enquête, finit par publier l'étude au mois d'août 2015...Donc beaucoup trop tard, aux yeux de celui-ci, redevenu entre-temps « simple » conseiller municipal : « L'étude a été demandée fin 2012, elle a été réalisée en 2013 et sa parution officielle a eu lieu le 5 août 2015, en pleines vacances, deux ans après. La question que l'on peut se poser, c'est est-ce qu'il y a des choses à cacher ? », interroge t'il.
L'ancien maire dénonce également la méthode choisie et les conclusions de l'enquête, qui permettent, selon lui, de dédramatiser la situation, donc d'occulter la vérité. L'étude du nombre de cas de cancers sur les enfants porte sur la commune mais aussi sur celles avoisinantes. Or ces dernières ayant moins d'enfants malades, le nombre moyen de cas s'en retrouve donc forcément dilué. Autre point de contestation : le fait que l'étude, dans sa conclusion, indique un nombre de cancers de l'enfant sur la seule commune de Preignac en « excès relativement faible ». « Or celui-ci est largement supérieur à la moyenne, avec un coefficient multiplicateur de cinq ! », conteste Jean-Pierre Manceau. Entre 1999 et 2012, 4 cas ont été recensés pour 0,8 attendu.
« On veut tout étouffer, conclut le conseiller municipal ; tout le monde prend des gants, mais cela ne va pas pouvoir durer éternellement ». Décidé à se battre pour faire éclater la vérité, ce dernier a dans l'intention de commanditer prochainement une « contre-enquête », en l'ouvrant aux personnes adultes de la commune. « Cela me permettra de pouvoir parler en me basant sur des choses certaines ».
Côté municipalité, le nouvel élu, Jean-Gilbert Bapsalle, se déclare surpris de cette enquête, dont il n'avait, jusqu'à sa sortie en août, "jamais entendu parler". Depuis, il essaie, avec son équipe, de faire face aux assauts des journalistes qui envahissent la commune et l'école, tout en tempérant les propos de l'ancien maire au sujet des conclusions de l'étude. "Monsieur Manceau exagère beaucoup; pour ma part, je fais confiance aux auteurs. Il faut aussi savoir qu'il est très remonté contre les viticulteurs, à cause d'un projet de construction d'une station de traitement des effluents phytosanitaires, qui n'a pas pu aboutir car il s'y est mal pris", raconte le maire.
L'élu a par ailleurs organisé une réunion avec la directrice de l'école et l'inspection d'académie. Aucun parent n'a, jusqu'à présent, porté de réclamations particulières à ce sujet. Un courrier leur a également été envoyé, pour les informer de la publication de ce rapport. "Nous leur avons précisé les conclusions de l'enquête, à savoir qu'il n'y a pas de lien avéré entre les cancers et les produits phytosanitaires, et que nous nous tenions à leur disposition pour plus de renseignements ", précice celui-ci. La mairie travaille par ailleurs à revoir le PLU, qui prévoit la mise en place de zones tampons et de haies entre les terrains contructibles et les vignes, le tout, "en concertation avec la profession viticole". Elle a également pour projet de racheter la parcelle de vigne de 1,5 hectare attenante à l'école. Mais étant classée en AOC Sauternes, la négociation sur le prix est encore en cours...
Pour consulter l'étude de l'InVS, cliquez ici.
[Photo: Jean-Pierre Manceau dénonce également les pratiques des viticulteurs, et notamment le "non-arrêt" des pulvérisateurs en bouts de rangs; Crédit photo:J Cassagnes]