vec l’avènement d’outils de détection microbiologiques de plus en plus pointus (notamment la PCR), on pouvait s’attendre à une rationalisation dans la gestion des risques sanitaires. Au contraire, elle semble s’être durcie, les inquiétudes étant attisées, voire instrumentalisées, par une meilleure connaissance des pathogènes viticoles.
La Chine exige ainsi que les pieds de vigne importés soient exempts de Rupestris stem pitting*. Qualifié de secondaire en Europe, ce virus n’aurait aucune incidence majeure sur la vigne. Plus qu’à un protectionnisme de ses pépinières, cet excès de zèle serait dû à « un manque de recul et de tradition viticole. On est moins dans la pratique que dans la théorie et la bibliographie » explique Pascal Bloy (directeur du pôle matériel végétal de l’Institut Français de la Vigne et du Vin). S’il y a une soixantaine de virus identifiés sur la vigne, le chercheur souligne que seulement trois sont considérés comme dangereux et exclus des matériels certifiés : le court-noué, l’enroulement et la marbrure. « La question peut parfois se poser sur des effets cumulatifs de viroses secondaires, mais individuellement il n’y a pas d’impact » précise-t-il.
S’il est possible d’assainir le matériel végétal en pépinière (traitements à l’eau chaude, microgreffage d’apex…), les recontaminations au vignoble sont souvent inévitables, le pathogène étant on ne peut plus répandu dans le vignoble. Idem pour Agrobactérium, qui est à l’origine de rejets de plants en Tunisie et Turquie. Présente dans les sols viticoles, cette bactérie ne peut être létale que dans certaines conditions, celles favorisant les blessures sur le tronc (climat rigoureux avec gels hivernaux, fertilisations azotées excessives, pratiques culturales…). Alors que ces pays demandent des plants sains, « il est pratiquement impossible aujourd’hui de garantir à 100 % qu’il n’y a pas une seule bactérie dans un plant de vigne. Surtout quand elles viennent de l’environnement viticole » souligne Miguel Mercier (le directeur général des Pépinières Mercier et le responsable export de la Fédération Française des Pépiniéristes Viticoles).
Si les exigences chinoises, tunisiennes et turques semblent disproportionnées, les craintes concernant l’entrée de la bactérie Xylella fastiodiosa en France prouvent que les cordons sanitaires restent légitimes. Pour Miguel Mercier, l’enjeu est désormais de « travailler des notions de seuils d’acceptabilité selon les micro-organismes. Nuls pour le phytoplasme de la flavescente dorée ou Xylella fastidiosa, mais adaptées pour ceux non-pathogènes ». Pour Pascal Bloy, il faut continuer à expliquer aux nouvelles nations viticoles à bien distinguer les pathogènes selon leur degré d’agressivité. Ayant reçu à cette fin une délégation chinoise sur le sujet, il reconnaît cependant qu’il faudra s’armer de patience.
A noter des développements positifs, comme la récente ouverture du Brésil aux plants français après une dizaine d’années de négociations (même si le résultat des premières exportations reste attendu, notamment pour Agrobactérium). Des discussions sont aujourd’hui en cours avec l’Afrique du Sud (qui « a fermé ses frontières depuis 25 ans et pâtit d’un affaiblissement de sa diversité génétique » résume Miguel Mercier), l’Ouzbékistan (qui est exempté de phylloxéra et pourrait accepter l’entrée de plants traités par fumigation)… Si ces marchés de grand export restent complexes dans leur accès, la situation semble très favorable sur les marchés de proximité. La forte demande européenne a porté les exportations françaises, même si la filière a connu des difficultés à répondre à la demande suite à sa faible production. Esquissées par Miguel Mercier, ces tendances seront confirmées lors du prochain congrès de la FFPV (à Montélimar du 26 au 28 octobre).
* : A noter que les critères de tests chinois du Rupestris stem pitting restent opaques (l’obtention d’un permis se faisant de manière somme toute assez floue).
[Photo : Plants de vignes greffés-soudés ; IFV]