De plus en plus de jeunes qui veulent s’installer n’ont pas les moyens d’acheter, témoignait Michel Lachat, de la Safer Gironde, lors d’une conférence sur le sujet au Vinitech 2014. Pour ceux venant du milieu extérieur, c’est compliqué aussi... Mais la viticulture reste attractive, ils ont envie, mais ont du mal à s’installer ». Le principal frein identifié aux reprises d'exploitation est donc celui du montant du capital à reprendre et de son financement. Ce dernier demeure même « l’obstacle principal », selon l’expert. « Les banques proposent des taux très bas mais le financement est de plus en plus difficile », confirme Geoffroy Braichotte, du réseau Quator Vignobles.
Pour pallier à ce problème de financement et ainsi tenter de « fluidifier » les transmissions de domaines viticoles, de nouvelles solutions émergent. Elles ont en commun pour principe d'alléger ou de diluer le capital de départ à reprendre, afin de faciliter l'installation du jeune. Vinea Transaction propose par exemple une formule dans laquelle des investisseurs « fortunés » amènent une partie du capital de départ, 48% exactement, dans le cadre d'une société d'exploitation. Le viticulteur détient quant à lui 51% du capital, restant donc donc majoritaire. Les 1% qui restent appartiennent à un groupe d'experts qui participent au montage du projet: Vinea, expert comptable, etc. Au bout de 8 ou 10 ans, terme défini au départ entre les associés, les investisseurs se retirent. L'intérêt pour eux ? « Ce type d'investissement leur permet une exonération de l’ISF de leur patrimoine, ainsi qu'une transmission avec des droits de donation allégés, dans la mesure où il devient détenteur de biens professionnels », justifie Geoffroy Braichotte. La formule, baptisée « AgriProInvest », fonctionne sous forme d'un partenariat avec « Labeliance Invest», une structure de collecte d'épargne auprès de particuliers.
La solution offerte par Ludovic Aventin, vigneron et fondateur de Terra Hominis, est quelque peu différente. Elle s'adresse à des « petits » investisseurs : « Ce sont des particuliers qui font des placements de 3.000 à 6.000€, et qui ont une affinité, un attrait pour le monde du vin », indique celui-ci. L'objectif dans ce cas n'est pas fiscal mais plutôt « sentimental » : « Ils rêvent de devenir propriétaires de quelques hectares de vigne » ou « souhaitent se faire plaisir en ayant leur propre vin ». La rémunération a lieu en « nature », sous forme de bouteilles. Ils ont donc aussi « moins d'exigences sur le devenir de l'argent placé et ne sont pas focalisés sur des grands crus ou des vins prestigieux », complète Ludovic Aventin. Cette formule semble donc probablement plus « ouverte » à de nouveaux installés que la première.
Pour trouver ses investisseurs, Ludovic Aventin passe par sa plate-forme « Terra Hominis », qui rencontre un grand succès. « Plein de gens rêvent de prendre des parts, il y a un potentiel énorme ! Les français ont de l'épargne, on peut donc être optimiste ! », s'enthousiasme celui-ci. Le montage juridique se fait grâce à un GFV, avec un bail entre celui-ci et le jeune vigneron. « Mais pour que le concept fonctionne, il faut que ce dernier accepte de jouer le jeu », ajoute le vigneron : recevoir ces personnes sur le domaine, expliquer son métier, les laisser participer de temps à autre aux travaux...En résumé, « aimer être avec le gens ».
La Safer propose une formule différente des deux autres. Elle rachète elle-même le foncier, sans le bâtiment, pour le compte du jeune, en échange d’un loyer placé sur un compte séquestre. Le viticulteur a alors cinq ans pour s’installer et démarrer son activité. Au terme de cette durée, il rachète le foncier à la Safer. Le pécule versé pour le fermage lui est restitué, afin qu'il l'utilise comme apport personnel pour ce rachat. « Après cinq ans, un jeune a plus de capacités pour racheter », justifie Michel Lachat.
Mais quelle que soit la solution, tous sont unanimes : l'importance de la sélection des dossiers de candidature au départ. Il doit être « solide », le jeune vraiment motivé et avec « la tête sur les épaules ». Adhérer à de telles formules implique aussi pour le viticulteur d'accepter un suivi « extérieur » dans la gestion de son exploitation pendant les années qui suivent l'installation, avec des comptes à rendre régulièrement.
Crédit photo: J Cassagnes