ien plus silencieux que les avocats, notaires et pharmaciens, les courtiers en vins et spiritueux n'ont pas suivi avec moins d'attention le projet gouvernemental de modernisation des professions réglementées. Depuis plusieurs mois, l'examen d'entrée à la profession de courtiers de campagne est en effet dans le viseur de Bercy, qui juge que cet examen d'aptitude est la cause du petit effectif affiché par la profession (moins de 400 courtiers selon la Fédération Nationale des Syndicats de Courtiers en Vins et Spiritueux, la FNSCVS). Plutôt que de protester publiquement et critiquer d'emblée ce projet, les courtiers ont préféré mobiliser la filière. Les interprofessions, la CNAOC, l'UMVIN et FranceAgriMer ont ainsi interpellé les ministères de l'Agriculture et de l'Economie pour soutenir le dispositif d'examen et rappeler qu'il a été mis en place en 1997 à la demande des professionnels. « L'idée était de sécuriser les opérateurs, en assurant que les courtiers se présentant à la propriété et au négoce ont un minimum de connaissances techniques, juridiques et commerciales » nous confiait récemment un courtier.
Tout juste remis au Conseil d'Etat, le « projet de loi pour la Croissance et l'Activité » ne semble pas en avoir pris acte. Ce document de travail annonce au chapitre III « alléger et simplifier les conditions d’accès et d’exercice de la profession de courtier en vins et spiritueux ». En l'état, l'obtention de la carte professionnelle de courtiers pourrait devenir purement déclarative. Elle serait délivrée sur l'honneur après un simple dépôt de dossier à la Chambre de Commerce et de l'Industrie régionale, ce qui reviendrait à la situation d'avant 1997 (avec les mêmes critères d'incompatibilités : ni producteur, ni négociant, etc.). Soulignant que rien n'est encore finalisé dans ce projet, le bourguignon Jérôme Prince (président de la FNSCVS) ne comprend pas la volonté de balayer cet examen. Pour lui, « le besoin de compétence est une évidence pour la filière, qui le soutient unanimement et sans réserve. Le système actuel fonctionne bien, mais nous restons ouverts pour l'améliorer. »
Défini par le décret n° 2007-222 du 19 février 2007*, le système d'examen en vigueur est organisé par les CCI, qui accueillent un jury jugeant lors d'un entretien des connaissances et compétences de l'aspirant courtier (ayant au préalable réalisé un stage de 6 mois). D'après la FNCVS, 78 % des candidats réussiraient cet examen. Portée par le ministre de l'Economie Emmanuel Macron depuis sa prise de fonction à la rentrée, la réforme des professions réglementées vise à « desserrer les contraintes, aérer les professions [réglementées] et intégrer les nouvelles générations », selon le rapport publié par Bercy au début du mois. Pour les courtiers, l'ouverture de la profession n'aurait aucun impact sur l'emploi et se ferait immanquablement au détriment de la filière, avec des risques de déséquilibres des marchés (tendances haussières et baissières exacerbées).
* : décret qui complète la loi n° 49-1652 du 31 décembre 1949, et qui a remplacé le décret n°97-591 du 30 mai 1997 (mettant en place un jury appréciant l'expérience professionnelle des courtiers titulaires d'une carte professionnelle avant la mise en place des examens).
[Illustration : Détail d'une carte professionnelle de courtier de campagne ; CCI de Colmar Centre-Alsace]