
Bien rural et droit de préemption, conseils. (© Terre-net Média) Lorsqu’un propriétaire souhaite vendre un fonds agricole et que celui-ci est loué dans le cadre d’un bail rural, il doit respecter certaines dispositions codifiées dans le Code rural et qui permettent au preneur, si le bien est loué, ou à la Safer, d’exercer un droit de préemption. La commune et le Département peuvent également, dans certains cas, bénéficier d’un droit de préemption.
La vente ne met pas fin au bail
Au moment de la mise en vente par le propriétaire, le preneur bénéficie de plusieurs options. Il peut soit :
- renoncer à exercer le droit de préemption,
- exercer le droit de préemption aux conditions qui lui ont été notifiées,
- exercer le droit de préemption en contestant ces conditions.
Lorsque le preneur renonce à exercer le droit de préemption, la marge de manoeuvre du bailleur n’est pas pour autant très aisée. Il peut envisager la vente à un tiers, mais celle-ci n’ayant pas pour effet de mettre fin au bail, il devra vendre le bien occupé, c’est-à-dire grevé du bail rural, qui a vocation à se poursuivre. Il est donc préférable d’envisager la vente en fin de bail et, à cet effet, que les formalités de mise en vente soient réalisées suffisamment tôt avant l’expiration du bail (environ 2 à 3 ans avant), pour espérer trouver un amateur qui devra respecter un délai de dix-huit mois pour faire délivrer un congé-reprise pour la date d’expiration du bail.
Le prix de vente peut être réviséL’article L. 412-7 du Code rural permet au preneur, qui estime le prix et les conditions de la vente exagérés, de saisir le tribunal paritaire des baux ruraux, mais uniquement dans le cadre d’un bail rural de neuf ans et d’un bail à long terme.
Dans le cadre d’un bail rural cessible, le preneur ne dispose pas de la faculté de demander la révision du prix.
Lorsque le tribunal est saisi, ce sont alors les juges qui fixent le prix, après expertise. Lorsque le tribunal paritaire a fixé le prix, aucune des parties ne peut obliger l’autre à conclure la vente au prix fixé par le tribunal. Le propriétaire peut renoncer à vendre et le preneur peut renoncer à l’achat.
Un acquéreur prioritaire : la SaferSi le bien rural n’est pas loué ou si le preneur n’exerce pas son droit de préemption, la liberté du propriétaire vendeur peut également être limité par l’intervention d’une Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), qui peut alors exercer un droit de préemption sur le bien mis en vente, mais uniquement pour les baux ruraux classiques, car dans le cadre des baux ruraux cessibles, la Safer ne peut exercer son droit de préemption que si le bail a été conclu depuis moins de trois ans.
Dans le cadre d’un bail rural de 9 ans ou d’un bail à long terme, l’article R. 143-5 du Code rural prévoit que tout projet d’aliénation d’un immeuble rural doit être notifié à la Safer qui bénéficie d’un droit de préemption. Entre l’acceptation pure et simple et le refus d’exercer la préemption, la Safer peut adopter une position intermédiaire : faire une offre d’achat à d’autres conditions que celles fixées, par le propriétaire-vendeur. La Safer dispose d’un triple choix qui entrave largement la liberté de contracter du propriétaire-vendeur.
Le vendeur qui reçoit une offre d’achat à un prix distinct de celui qu’il avait fait porter sur la notification peut accepter l’offre, refuser la révision de la Safer et décider de retirer le bien de la vente. Il peut également persister dans son intention de vendre, mais refuser les conditions fixées par la Safer. Dans ce cas, il doit saisir le tribunal de grande instance (article L. 143-10 du Code rural) dans un délai de six mois à compter de la réception de l’offre par le notaire. Bien que ce soit le vendeur qui soit contraint de subir l’exercice du droit de préemption de la Safer et son offre d’achat à un prix différent, c’est également lui qui doit prendre l’initiative d’engager une procédure s’il maintient son intention de vendre mais n’accepte pas le prix proposé par la Safer. Les juges procèdent alors à l’estimation du bien, après enquête et expertise. La valeur du bien doit être appréciée à la date du jugement et non à celle de la notification.
Lorsque le prix a été fixé par le tribunal, chacune des parties à la faculté de renoncer à l’opération. Mais, si le vendeur souhaite de nouveau mettre en vente son bien, une nouvelle notification devra être adressée à la Safer afin qu’elle puisse éventuellement exercer son droit de préemption.
Droit de préemption urbain : uniquement pour l’intérêt généralSi le bien est rural et loué, et que le vendeur a réussi à échapper aux droits de préemption du preneur et de la Safer, il peut néanmoins être confronté au droit de préemption de la commune, ainsi qu’au droit de préemption du Département. Dans certains cas, la commune sur laquelle le bien mis en vente bénéficie d’un droit de préemption.
Si le bien est un bien rural et si celui-ci est loué par bail rural, le droit de préemption de la commune prime le droit de préemption du preneur et celui de la Safer. Le droit de préemption de la commune ne peut intervenir que dans des zones définies par la commune et uniquement pour engager des opérations d’intérêt général. Celles-ci doivent avoir pour objet la mise en œuvre d'un projet urbain, d'une politique de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain et de sauvegarder ou mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.
Quelle que soit la personne qui exerce son droit de préemption sur le bien mis en vente, la contrainte pour le propriétaire est alors de ne pouvoir vendre le bien à la personne de son choix et au prix qu’il a fixé. S’il avait un acheteur, l’exercice du droit de préemption opérant la substitution de celui-ci au profit du bénéficiaire du droit de préemption, le futur acquéreur ne peut réaliser l’opération qu’il envisageait et son projet est alors anéanti.