Nouvelle démonstration que l’art de la nuance n’est pas aisé sur les questions d’alcool et de santé avec le dernier reportage de TF1 : « "le risque démarre dès la première goutte" : non, boire un verre de vin par jour n'est pas bon pour la santé » annonce la première chaîne ce 6 décembre, alignant les positions passées de l’Organisation Mondiale de la Santé sur le fameux no safe level (pas de niveau sans risque). Si l’OMS vient de changer de fusil d’épaule en ciblant les consommations abusives et plus toutes les consommations, cette modération n’est pas de mise pour TF1 qui veut démystifier le French Paradox en répétant qu’« aucun niveau d'alcool n'est sans danger pour la santé, le risque démarre dès la première goutte », quitte à mystifier les faits scientifiques.
« C'est l'argument actuel des addictologues, des cancérologues etc. qui disent "Ah oui, le mythe du petit verre de rouge qui protège la santé, c'est fini, le French Paradox n’existait pas" » soupirait dans une récente interview le docteur Michel de Lorgeril, faisant partie des découvreurs du concept dans les années 1990, et soulignant en se basant sur des publications que « non seulement le French Paradox était quelque chose de très concret et bien démontré, mais il est toujours là ! » Le médecin pointant que « c'est évident que, lorsqu’on consomme de l'alcool de façon modérée et raisonnable, cela protège » et citant que « la mortalité cardiovasculaire en France reste la plus basse de tous les pays occidentaux ». S’il est remonté contre les hygiénistes, le Michel de Lorgeril l’est aussi contre la filière vin où « cela ne bouge pas, cela ne se défend pas, cela subit, et je ne comprends franchement pas cette passivité ».
Contre-exemple éclatant ce 11 décembre avec la réaction sur Linkedin de Vin & Société qui démonte les sources choisies de TF1 et dénonce « une confusion majeure : l’absence de bénéfice ne signifie pas pour autant danger. Ce n’est pas parce qu’un aliment n’améliore pas la santé à une dose donnée qu’il devient soudainement nocif ! Les études citées dans l’article de TF1 montrent en réalité que la consommation de moins de 2 verres par jour n’entraînent ni plus ni moins de risque que l’abstinence, et que la mortalité n’augmente qu’à des niveaux bien supérieurs aux repères de consommation français » (pas plus de 2 verres standards d’alcool par jour, pas tous les jours et pas plus de 10 verres pas semaines).S’appuyant sur une autre bibliographie scientifique, notamment le rapport des Académies américaines des sciences et de médecine (NASEM), Vin & Société pointe « qu’une consommation modérée d’alcool est associée à une mortalité toutes causes confondues réduite de 16 % ».
Cerise sur la gâteau, « il y a ce glissement, subtil mais lourd de conséquences : parler de “l’alcool” au sens large… puis cibler le vin » ajoute l’association de la filière vin, « comme si un verre de vin partagé à l’occasion d’un repas avait la même incidence qu’une consommation de type binge drinking. Comme si l’on pouvait effacer la richesse en polyphénols, les spécificités documentées de la consommation modérée de vin, les données de mortalité plus favorables dans les pays où la consommation de vin prédomine. » Ne se défaussant pas sur les risques liés à une consommation excessive ou dangereuse d’alcool (en dehors des limites sanitaires ou pour des publics fragiles comme les femmes enceintes et les mineurs), Vin Société assume de prendre la parole avec virulence « parce qu’un public bien informé vaut mieux qu’un public inquiété. Et parce que la vérité mérite mieux qu’un titre trop rapide. »




