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Même avec une offre à 140 millions €, les procès du château Giscours courent toujours : finiront-ils un jour ?
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Dallas à Margaux
Même avec une offre à 140 millions €, les procès du château Giscours courent toujours : finiront-ils un jour ?

De quoi passionner les fans d’histoires de familles et de crus classés du Médoc : la justice vient de rendre deux décisions sur la propriété du château Giscours cette fin d’année. Deux arrêts dont la lecture des jugements divise les parties, chacun y voyant la validation de son point de vue. Si l’on dit qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès, que dire d’un long Giscours ?
Par Alexandre Abellan Le 21 décembre 2025
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Même avec une offre à 140 millions €, les procès du château Giscours courent toujours : finiront-ils un jour ?
Comme les autres grands crus de Bordeaux, le château Giscours a dû fortement baisser ses prix lors des dernières sorties en primeur. - crédit photo : Alexandre Abellan
L

e château Giscours, son classement de troisième cru de Margaux en 1855, et ses multiples conflits familiaux pour la gestion de ses parts sociales avec des lectures diamétralement opposées des décisions de justice selon les parties... Si la société d’exploitation (SECG) est contrôlée par la famille néerlandaise Albada Jelgersma dans le cadre d’un bail à ferme (depuis le 2 février 1972), son Groupement Foncier Agricole (GFA de 60 099 parts sociales) est un véritable imbroglio opposant depuis la mort de leurs parents, Nicolas Tari en 2002 et Marie-Antoinette Tari en 2003, un frère, Pierre Tari (avec ses fils Louis, Guillaume et Benoît), à sa sœur, Nicole Heeter-Tari (avec ses enfants : Eloïse et Nicolas). Depuis le jugement du 20 septembre 2011 du tribunal de grande instance de Bordeaux partageant la succession des parts sociales du GFA entre les membres de la famille (les 52 284 parts des parents décédés, Nicolas et Marie-Antoinette Tari, divisés en deux parts de 26 424 actions pour chaque enfant, Pierre Tari et Nicole Heeter-Tari), les procédures se sont cumulées dans tous les sens possibles et imaginables.

Jusqu’à l’ouverture d’un front net : Pierre Tari voulant acquérir les 26 424 parts héritées par sa sœur Nicole Heeter-Tari alors qu’elle s’y opposait, le frère a demandé le 5 novembre 2020 la cession de ces parts au GFA conformément à ses statuts. Une initiative attaquée comme étant un transfert illégal par sa sœur devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, et qui est toujours en cours, l’opposant à son frère et ses neveux. Le dossier se complexifie encore avec la cession par Pierre Tari le 13 décembre 2019 de 14 424 parts du GFA à la famille Albada Jelgersma, gérante de la société d’exploitation SECG. Un transfert refusé par l’assemblée générale du GFA, mais considéré comme effectif par Pierre Tari et la famille Albada Jelgersma, faute d’offre de rachats par les autres actionnaires du GFA. Rentrent alors dans ce dossier les enfants du propriétaire de la société d’exploitation de Giscours, Éric Albada Jelgersma décédé en 2018 : Valérie, Dennis et Derk, mais pour un bref tour de piste, l’assemblée générale du 31 janvier 2022 décidant de liquider le GFA sous la direction des fils de Pierre Tari, Louis et Guillaume.

Annonce de vente

Ce qui pousse la famille Albada Jelgersma a ouvrir son propre front judiciaire pour défendre les droits liés à leurs parts sociales. Le 19 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux gèle le dossier avec une ordonnance de référé qui interdit aux liquidateurs du GFA toute assemblée générale, notamment pour la cession de parts sociales ou de biens (mobiliers et immobiliers) tant que les procédures pendantes ne sont pas tranchées (conditionnant notamment les 26 424 parts supplémentaires de Pierre Tari et la cession de 14 424 actions à la famille Albada Jelgersma). Rebondissement le 13 décembre 2023, la branche Pierre Tari et les consorts Albada Jelgersma enterrent la hache de guerre : les premiers vendant les actifs du GFA, donc ses terres, à la société d’exploitation des seconds. Une procédure annoncée dans la presse fin 2023, mais immédiatement contestée par Nicole Heeter-Tari sur le fondement de l’ordonnance de référé du 19 décembre 2022.

Cette dernière n’ayant été signifiée que le 4 décembre 2024, elle ne pouvait empêcher l’accord du 13 décembre 2023 pour les branches Tari et Albada Jelgersma. Mais ce 20 octobre 2025, la première chambre civile de la cour d’appel de Bordeaux confirme l’ordonnance en référé attaquée par les liquidateurs du GFA et la famille Albada Jelgersma. « Il résulte de l’actualisation des procédures judiciaires depuis l’ordonnance déférée […] que c’est à bon droit que le premier juge a motivé la limitation des pouvoirs des liquidateurs dont celui de procéder à la cession des parts sociales et des actifs dans l’attente de l’issue des procédures en cours » indique la juridiction, notant que si « la cour de cassation et la cour d’appel de renvoi de Toulouse ont confirmé que Nicole Heeter-Tari n’était pas agréée du chef des 26 424 parts qui dépendaient de la succession de ses parents », de même « l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse n’a pas désigné Pierre Tari comme propriétaire des 26 454 parts mais à l’accord de l’ensemble des associés sur le rachat et la propriété des parts ».

Ceux qui prétendent vendre ce qui ne leur appartient pas, ceux qui prétendent acheter ce qui n’est pas à vendre

« En somme, les motifs de cette décision répondent à ceux qui prétendent vendre ce qui ne leur appartient pas, à ceux qui prétendent acheter ce qui n’est pas à vendre, comme à ceux qui veulent tout avoir et le contraire de tout » indique Nicolas Heeter, ancien gérant et actuel associé du GFA, soulignant sur les motivations du tribunal que « la cour d'appel de Bordeaux confirme l'interdiction de toute vente du château Giscours sous quelque forme que ce soit ». Pour le vigneron de Barsac, l’argument de non-signification de l’interdiction de céder des parts et terres du GFA ne tient pas, comme il avait signifié « l’ordonnance du 19 décembre 2022 (au demeurant exécutoire de plein droit dès son prononcé) aux liquidateurs du GFA et aux dirigeants de la SECG, avant la vente contestée du 13 décembre 2023. »

Pour Nicolas Heeter, sur le « plan judiciaire, il conviendra d’examiner comment les liquidateurs ont pu s’affranchir de dispositions impératives, notamment celles de l’article 1844-9 du code civil, expressément visées par l’ordonnance et par l’arrêt, pour siphonner les actifs du GFA au profit de la SECG et au détriment des droits des associés du GFA. Le pouvoir des liquidateurs pour agir me semble éminemment contestable et il sera contesté, soit dans le cadre des procédures en cours, soit dans le cadre d’une procédure à initier ». Soulignant que « les renonciations prévues à l’acte litigieux, notamment l’abandon des contestations relatives à la légitimité de l’exploitant actuel, n’engagent que les parties à l’acte, dont je suis exclu » indique Nicolas Heeter qui fait « valoir un droit d'exploitation prioritaire sur celui de la SECG depuis l’échéance du bail initial de 1972, conformément aux dispositions d’ordre public du schéma directeur départemental des structures agricoles applicables ». En somme, ça joue encore et toujours. D’autant plus que ce 27 octobre, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux a renvoyé au fond la demande de nullité de l'assemblée générale extraordinaire du 31 janvier 2020 qui annonçait les transferts de parts remis en cause de la fin 2020.

Giscours différents

Analyse opposée à celle de Nicolas Heeter pour Alexander van Beek, le directeur du château Giscours, pour qui la vie suit son Giscours dans le cru classé : « la décision du 20 octobre 2025 de la cour d’appel de Bordeaux n’a pas d’impact sur la gestion de la propriété qui est, depuis 1972, le fait de la SECG et de la SECG seule, en tant que fermier jusqu’en décembre 2023 et en tant que propriétaire des vignes depuis. » Précisant que « cette affaire est d’une complexité extrême », le gérant du grand cru classé estime que la justice donne raison à la famille Albada Jelgersma : « cette décision en référé (qui n'est pas de fond*) valide le fait que les terres appartenant au GFA pouvaient être cédées tant que la décision du juge des référés dont il était fait appel n’avait pas été signifiée. Ainsi, la vente du 13 décembre 2023 était tout à fait possible, l’ordonnance de référé n’ayant été signifiée que le 4 décembre 2024. Il n’y a pas eu de saisine de la Cour de cassation à la suite de cette décision du 20 octobre 2025. En outre, le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Bordeaux a, par une décision rendue une semaine plus tard, le 27 octobre 2025, jugé que la validité de la vente du 13 décembre 2023 ne peut pas être contestée par les consorts Heeter-Tari. »

Ces derniers ne semblent pas de cet avis... « L’interdiction ne concerne pas que les parts sociales du GFA mais aussi les actifs mobiliers et immobiliers du GFA » indique un conseil de Nicole Heeter-Tari, soulignant que « la procédure concernant la nullité de la vente des 26 424 parts sociales de madame Nicole Tari est toujours en cours. Il en est de même de la procédure concernant la nullité de la décision de nommer les fils Tari liquidateurs du GFA. Pour le reste, concernant la vente des de décembre 2023 de la propriété du GFA, interdite par l’ordonnance de référé confirmée par la Cour, la procédure n’est pas terminée, loin sans faut malgré l’ordonnance du Juge de la mise en état déclarant mesdames Nicole et Eloïse Tari irrecevables. L’appel est toujours possible en même temps que le jugement au fond. »

Poursuivre dans cette ligne

Ce qui ne peut que faire soupirer Alexander van Beek, « les différents intervenants de cette longue affaire ont toujours eu tendance à utiliser la complexité de celle-ci pour instrumentaliser leurs interlocuteurs en ne leur fournissant qu’une partie des informations pertinentes. Pour notre part nous avons toujours mis en œuvre tous les moyens à notre disposition pour faire en sorte que l’information diffusée soit en tout point conforme à la vérité. Nous entendons bien poursuivre dans cette ligne. » La suite au prochain épisode judiciaire en attendant une conclusion à un dossier judiciarisé depuis plus de 15 années ? À moins que ces procédures ne tournent Giscours... D’après le jugement du 20 octobre, les familles Tari et Albada Jelgersma proposaient récemment un paiement de 140 millions € à Nicole Heeter-Tari en créance de ses parts, du moins si elle en reconnait le transfert à son frère. Mais sauf accord après tant de désaccords, le château Giscours va encore longtemps rimer avec procédures en cours…

 

* : « C’est une décision de la cour d’Appel de Bordeaux qui vient refuser de rétracter une ordonnance de référé rendue le 19 décembre 2022 » précise Alexander van Beek, pointant pour ceux qui suivent encore et en veulent plus que « la question de la vente des terres est totalement déconnectée de celle de la propriété des parts du GFA. La propriété des 26 454 parts minoritaire du GFA n’a aucune incidence sur la validité de la cession des terres intervenues le 13 décembre 2023. Cette question ne concerne que les associés du GFA et la répartition des parts entre eux. Le GFA qui a une personnalité morale bien distincte de celle de ses associés peut librement disposer de ses actifs alors même que les associés se disputent la propriété de certaines de ses parts. Le fait d’être propriétaire de parts dans un GFA ne donne pas directement droit à la propriété des biens composant son actif. C’est si vrai que, le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Bordeaux a, par une décision rendue le 27 octobre 2025, jugé que la validité de la vente du 13 décembre 2023 ne peut pas être contestée par les consorts Heeter-Tari qui ne sont qu’associés du GFA. Le juge prend donc acte qu’à ce titre, ils ne sont pas parties à la cession des terres et ne peuvent donc en contester la validité. »

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