es exosquelettes seraient-ils la solution miracle pour soulager le dos des tailleurs ? Face aux demandes croissantes de conseils et de financement, la MSA Languedoc a commandé une étude sur ces équipements à Ergogenèse, un cabinet de conseils en ergonomie. Trente-trois tailleurs de 18 à 65 ans ont ainsi testé trois exosquelettes passifs de 2023 à 2025 : le LiftSuit d’un poids de 0,9 kg ; le Hapo de 1,1 kg et l’Exoviti de 2,2 kg. « Ces trois modèles offrent une assistance pour le dos grâce à des élastiques pour les deux premiers et à des ressorts pour le troisième », précise Jérémy Bérengier, ergonome chez Ergogenèse. Ces élastiques et ressorts se tendent lorsque le porteur se penche vers l’avant puis l’aide à se relever en lui permettant de moins solliciter son dos.
Après la mise à disposition de ces exosquelettes et un accompagnement de la MSA de 2022 à 2023, Jérémy Bérengier et son collègue Patrice Petitjean ont effectué des mesures sur les testeurs. Pour cela, ils ont placé dix-sept capteurs de mouvement sur toutes leurs articulations : poignets, coudes, épaules, dos, la tête au niveau des trapèzes, genoux et chevilles. « Nous avons pris les mesures durant 20 minutes avec un exosquelette et la même durée sans », explique Jérémy Bérengier.
Il en ressort que ces équipements n’ont aucun effet lorsqu’on taille des vignes hautes, et ne modifient en rien les postures prises par les tailleurs. Par exemple, quand un tailleur se penche pour couper un sarment à 70 cm du sol ou plus, l’angle de son dos reste le même, avec ou sans exosquelette. En revanche, dans les vignes basses, les bienfaits de ces équipements sont réels car l’énergie qu’ils renvoient est plus importante, le tailleur s’inclinant davantage.
« Ainsi, un viticulteur, proche de la retraite, est revenu sur sa décision d’arrêter le métier car l’exosquelette lui a apporté un soulagement immédiat, rapporte l’ergonome. Un autre nous a dit qu’il ressentait une véritable assistance et une atténuation de ses douleurs dorsales. Un dernier a relevé moins de douleurs et de courbatures en début de saison quand son corps n’était pas encore habitué à la taille. »
Ces retours ont incité la MSA et les ergonomes à poursuivre leurs travaux en vue de comprendre et d’expliquer les effets de ces exosquelettes. À cette fin, ils ont mesuré l’activité musculaire et la fréquence cardiaque, avec ou sans exosquelette. Ils ont constaté une diminution de l’activité musculaire au niveau du dos, avec un report proportionnel vers les muscles des cuisses. « La charge sur le dos diminue de 5 à 30 % et celle sur les cuisses augmente d’autant », indique Patrice Petitjean. Ce report des efforts sur les jambes n’est pas anodin et peut modifier les contraintes au niveau des articulations des membres inférieurs. Aucun impact, en revanche, n’a été relevé sur l’activité cardiaque.
Sur 33 tailleurs au départ, 14 seulement sont allés au bout de l’expérimentation. Les autres participants ont abandonné parce qu’ils ont trouvé les exosquelettes inconfortables ou difficiles à régler, qu’ils n’en ont pas vu l’intérêt ou qu’ils ont changé d’employeur ou de métier.
Parmi les 14 tailleurs qui sont restés, certains ont préféré le LiftSuit pour sa légèreté et parce qu’ils peuvent le porter aussi en voiture ou dans le tracteur, alors que d’autres ont préféré l’Exoviti qui fournit une assistance plus conséquente avec ses ressorts, mais qu’il faut retirer pour prendre son véhicule ou monter dans son tracteur. Des équipements qu’ils utilisent encore aujourd’hui, gracieusement cédés par la MSA du Languedoc.
« L’exosquelette n’est pas une solution miracle contre les maux de dos. Le risque de fonte des muscles du dos, car moins sollicités, ne doit pas être à sous-estimer. On ne peut pas non plus écarter tout risque pour les articulations des hanches, des genoux et des chevilles en raison du report de charge. Pour l’heure, ces impacts n’ont pas été mesurés. Dans tous les cas, il faut tester les matériels et se faire accompagner au long cours », souligne Patrice Petitjean.
Le coût – entre 1 200 et 1 800 € pour les trois modèles test – est un autre frein qui explique aussi que les ventes ne sont pas aussi prometteuses qu’attendues. « Mais, au regard de l’activité, cela vaut le coup de le porter de temps en temps. De plus, l’exosquelette peut être un outil pour attirer des tailleurs alors que la filière viticole peine aujourd’hui à recruter de la main-d’œuvre », complète Jérémy Bérengier.
Éric Argolias, conseiller en prévention des risques professionnels au service santé et sécurité au travail de la MSA Languedoc « Les exosquelettes s’adressent à tous et peuvent apporter une solution pour la taille, mais aussi pour l’attachage des baguettes, les vendanges manuelles et quelques travaux en vert, sous couvert d’acceptation par le viticulteur. Ce qui ressort de notre étude, c’est qu’ils peuvent être une solution pour atténuer les TMS, particulièrement lors de la taille des vignes basses. Concernant la durée du port de ce matériel, à chacun de voir ce qui lui convient le mieux : un jour par semaine, tous les jours, et 3, 4, 5, voire 8 heures par jour. Mais avant d’acquérir un exosquelette, je recommande de prendre un avis médical et d’en tester plusieurs. Il n’existe pas encore d’étude scientifique listant les contre-indications pour les porter. Néanmoins, lors de notre expérimentation, les médecins ont écarté ceux qui souffraient de problèmes cardiaques, d’une hernie problématique, de pathologies cutanées sur les zones d’appui du matériel, de troubles d’équilibre ou de coordination et les femmes enceintes. »


Retrouvez tous les articles de La Vigne


