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Vigneron sous pression MSA : "6 passages d’huissiers, des saisies de comptes, des menaces de saisies physiques, des SMS de relances…"
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Bordeaux
Vigneron sous pression MSA : "6 passages d’huissiers, des saisies de comptes, des menaces de saisies physiques, des SMS de relances…"

L’enfer du décor viticole avec le rare témoignage d’un vigneron cherchant à maintenir son domaine à flot malgré les déferlantes institutionnelles en pleine crise viticole.
Par Alexandre Abellan Le 09 novembre 2025
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Vigneron sous pression MSA :
'La pression est partout et prend différentes formes et nous ne sommes pas forcément prêt' alerte un vigneron bordelais souhaitant sensibiliser sur les fragilités humaines d'un vignoble en difficulté économique. - crédit photo : Adobe Stock (patpitchaya)
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es emmerdes ça vole toujours en escadrille disait Jacques Chirac. Et c’est actuellement une formation serrée de problèmes et chicaneries qui pilonnent sans interruption les opérateurs fragilisés d’une filière viticole en crise. « Dès que les emmerdes commencent, ça fait boule de neige » témoigne un vigneron bordelais souhaitant garder l'anonymat. Installé depuis 10 ans dans l'Entre-deux-Mers, il est comme tous les viticulteus pris en ciseau par la flambée des coûts de production, la faiblesse des rendements, la chute des ventes et la dévalorisation des cours. Ce qui conduit sa trésorerie à fondre et se tendre. Les difficultés financières apparaissant, il fait appel depuis deux ans à un mandataire judiciaire pour négocier un accord amiable agricole fixant un échéancier au paiement de ses créances bancaires.

Prenant la forme d’une conciliation, « la procédure amiable doit être une soupape pour trouver des solutions. Mais seule ma banque lâche l’étreinte, tout le reste autour s’en fiche. Le top revenant à la Mutualité Sociale Agricole (MSA) pour les cotisations professionnelles. Il n’y a rien qui va, tout le monde est en crise et parle d’écoute, mais derrière rien ne change » grince ce vigneron, rapportant de rapides et pressantes visites d’huissiers faisant fi de la conciliation en cours.

Vision de la MSA

Contactée, la MSA de la Gironde rappelle qu’elle « assure une mission de service public dont celle de recouvrer les cotisations et de reverser des prestations ». Ce qui s’inscrit concrètement dans la procédure de recouvrement des cotisations sociales qui « définit les démarches qui sont à engager par l’organisme de recouvrement une fois la date limite de paiement franchie : la lettre de rappel, la mise en demeure, la lettre de contrainte puis la saisie par l’huissier » liste la MSA 33, qui revendique une application conforme « à la procédure de recouvrement » tout « en ajoutant à cet aspect légal de la bienveillance » avec « l’objectif d’accompagner au mieux l’exploitant pour éviter d’aller au contentieux et à un recouvrement forcé des cotisations ». En 2024, la caisse bordelaise gérait ainsi 1 115 échéanciers d’un montant de 11 millions d’euros, avec 1 279 remises de majorations pour 1 million € et 537 prises en charge de cotisations pour des chefs d’exploitation bénéficiaires représentant 2 millions €.

Pour la MSA, sa démarche amiable passe par la mise en « contact avec l’adhérent pour l’entendre, écouter ses difficultés et voir avec lui, en fonction de ses possibilités, comment mettre en place une solution (échéancier de paiement…) » : 319 exploitants primo débiteurs ont ainsi été contactés en 2024. « Une négociation pouvant prendre du temps, la MSA peut être amenée à retarder l’échéance d'une mise en demeure ou d'une contrainte de manière à permettre l'établissement d'un plan de paiement » précise la caisse, précisant qu’« un adhérent qui est hélas contacté par un huissier a donc été sollicité préalablement par la MSA, à la fois par courrier et/ou par téléphone sans pour autant donner une issue favorable à cette prise de contact. » Pour l'administration, « si la MSA intervient sur le process du recouvrement c’est pour l’assouplir dans la limite de ce qui est naturellement autorisé par la loi » indique la caisse de Gironde, ajoutant que « les procédures légales nécessitent une modification de la loi et la MSA n’a pas de pouvoir en la matière, seuls les élus de la république peuvent agir ». Indiquant être joignables par téléphone et sur rendez-vous, les services bordelais de la MSA ont reçu 2 346 appels en septembre 2025

Mises en demeure

Pourtant sur le terrain, on entend qu’« il n’est pas facile de contacter directement les services de la MSA (il est préférable de passer par mail par leur service de recouvrement amiable) » rapporte le vigneron précité, qui voudrait voir le verre à moitié plein, « nous avons le loisir de pouvoir expliquer notre situation et de demander des échéanciers acceptés ou non », mais en voit rapidement le fond : « le problème dans la situation actuelle est qu’il est difficile d’avoir de la visibilité et que les délais de réponses peuvent être un peu longs… Dans ce cas la MSA passe rapidement le relais à un huissier. Dans mon cas, ils se sont présentés plusieurs fois à mon domicile pour me porter des mises en demeure de payer. » Les renvoyant vers son mandataire judiciaire en pleine saison viticole, le vigneron pensait que ces dettes seraient intégrées à l’échéancier en cours de construction…

Mise sous pression

Et ce « jusqu’à la saisie sur compte » soupire le vigneron bordelais, « sans que l’on me prévienne, ils considèrent que ma cotisation professionnelle est une cotisation à titre privé et donc qu’elle ne rentre pas dans l’accord amiable de ma société… » Une saisie est ainsi effectuée sur un compte épargne, une autre n’aboutit pas sur un compte indivision grâce à la vigilance de sa banque : un huissier menaçant d’une saisie physique de biens s’il n’y a pas de remboursement, un échéancier sur 18 mois est mis en place. Pour ces cotisations, « il y aura eu au moins 6 passages d’huissiers sur une année pour la MSA, des saisies de comptes, des menaces de saisies physiques par huissier, des SMS de relances pour impayés (tous les 3 jours). Donc, je peux comprendre que l’on puisse considérer ça comme du harcèlement » témoigne le vigneron, alors que des vignerons viennent de manifester fin octobre contre le harcèlement ressenti dans la filière à l’égard de la MSA et des banques.

Le côté taiseux des terriens fait que personne n’en parle

« Car cela peut se cumuler avec les SMS de la banque qui vous annoncent des pénalités sur votre compte en cas de découverts. SMS qui sont également envoyés les week-ends ! » constate le producteur bordelais, pointant que « tout ça cumulé crée des situations tellement difficiles à encaisser… D’autant qu’autour, il reste notre travail à faire ! La pression est partout et prend différentes formes et nous ne sommes pas forcément prêts. Souvent le côté taiseux des terriens fait que personne n’en parle et c’est peut-être aussi pour ça qu’il y a des excès et des accidents… »

Huissiers du CIVB

Si le vigneron salue le soutien de sa banque, le Crédit Agricole, et la compréhension de ses fournisseurs pour échelonner les factures, « je n’ai pas grand-chose à ajouter sinon à les remercier, échelonnant parfois à plus d’un an », il pointe que les institutions agricoles sont plus difficiles à gérer. A commencer par la MSA donc, mais sans oublier le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). « En 2024, ils m’ont envoyé les huissiers, plusieurs fois, alors que je m’étais entendu avec eux afin qu’ils déduisent la somme de la prime de diversification qu’ils devaient me verser… Et tout cela pour des sommes relativement modestes » se souvient-il.

« Il n’y a aucune accélération de procédures de recours à l’huissier » indique à Vitisphere le CIVB, expliquant que le recouvrement des Cotisations Volontaires Obligatoires (CVO) est une obligation légale et que l’interprofession applique une stratégie au cas par cas (démarche "un cotisant une solution" lancée en 2021). Concrètement, le rappel des CVO impayées repose sur « trois relances écrites dont une avec accusé de réception et une ou plusieurs relances téléphoniques entre la deuxième et la troisième relance pour trouver des solutions individuelles (échéanciers pour lisser la créance, etc.) avant la mise en recouvrement finale. Les méthodes employées garantissent une équité pour ceux qui paient malgré la crise » précise l’interprofession, ajoutant que « tous les cotisants sont appelés à se faire connaître dès la première relance ou à l’apparition de leur première difficulté, pour trouver des solutions individuelles ».

Plus de facilité à être payé que payer

Pour sa part, le vigneron précité a pu subir les aléas du service des institutions viticoles lors de sa demande de prime pour la diversification (6 000 €/ha sur fonds CIVB et gouvernementaux en 2023) : entre les travaux en juin et le paiement en décembre, il a fallu « de très nombreuses tentatives de communications téléphoniques dans les différents services concernés durant plusieurs mois ! Ce décalage de trésorerie entrainant évidemment, de fait, des problèmes de gestion. »

Beaucoup de disfonctionnements aggravent la situation

« À relater ces faits, ça en devient presque humoristique » commente le vigneron bordelais, pointant que « le problème, c’est au bout d’un moment, le partenaire bancaire, il pense que vous lui mentez… Ce qui peut se comprendre. Et qui est aussi lourd de conséquences, car aujourd’hui sans les petites souplesses bancaires, l’activité peut s’arrêter très vite et où pousser à des drames. » Ne se plaignant pas, comme il prévoit de vendre des terrains à bâtir pour retrouver de l’oxygène, le vigneron en question veut que son expérience serve de révélateur à la filière : « il est important de dévoiler les choses. Le côté taiseux des viticulteurs n’est pas une légende. Tout le monde courbe l’échine, alors qu’il y a beaucoup de disfonctionnements qui aggravent la situation. » Ce qui demande du courage politique aux institutions pour être à la hauteur de la situation. « La politique, c'est l'art de rendre possible ce qui est nécessaire » disait Jacques Chirac.

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