Le vin, il faut que ça coule dans la gorge », souligne Bernard Magrez, illustrant son propos en caressant doucement sa gorge de sa main comme pour faire glisser une gorgée qu’il aurait avalée. Pour l’entrepreneur Bordelais c’est une des conditions sine qua non pour reconquérir la génération Z, ces jeunes de 20 à 35 ans qui ne boivent pratiquement pas de vin. Il l’a répété à plusieurs reprises lors de la présentation de sa nouvelle marque Bordeaux 12, à la presse, le 5 novembre à Paris, joignant à chaque fois le geste à la parole.
Parlant des tanins, il a ajouté : « dès que quelque chose accroche dans la bouche, les gens pensent que ce sera pareil dans tube digestif. » Les vins taniques étant perçus comme peu digestes par les néophytes, le bordeaux 12 rouge n’en comprend pratiquement pas. C’est un vin léger, avec peu de caractère, du moins pour l’amateur que nous sommes. Mais ce n’est pas la cible visée, objecte Bernard Magrez. « Bordeaux 12 est un vin pensé pour la génération Z », souligne-t-il.
« On peut appeler ça un vin post Parker », a souligné Jean-Noël Kapferer, professeur de marketing à HEC Paris et conseiller de longue date de Bernard Magrez. Quant au blanc, un 100 % sauvignon, il a plus d’éclat, de longueur et de présence en bouche.
Ce blanc et ce rouge sont des produits de grande distribution. Dans ce circuit, « l’achat d’un vin est toujours visuel. Le choix se fait dans 70 % des cas d’après l’étiquette », a souligné Jean-Noël Kapferer. Aussi Bernard Magrez l’a-t-il voulue très visible, tout en hauteur et très colorée.

Le visuel reproduit une toile abstraite – sorte d’arc-en-ciel hard rock- réalisée spécifiquement pour cette marque par l’artiste américain JonOne qui appartient à la mouvance street art. « Je veux mettre de la joie de vivre dans mes œuvres », a-t-il expliqué à la presse.
« Il y a déjà 6000 châteaux à Bordeaux nous n’allions pas en créer un de plus, a poursuivi Jean-Noël Kapferer. Et plutôt que de montrer un vignoble nous parlons aux émotions avec ce tableau original qui indique la prise en compte de la génération Z par ceux qui font le vin. L’amateur d’hier aborde le vin par le cerveau. La génération Z veut jouir d’un plaisir immédiat ».
L’étiquette précise « Un nouveau style de Bordeaux léger, fruité et facile à boire ». Mais la bouteille reste bouchée par un bouchon classique. Pourquoi pas de capsule à vis, ni de canette ? « Parce qu’il ne faut pas tout changer d’un coup », a répondu Bernard Magrez à cette question posée par une journaliste. Pour la même raison, les deux vins restent millésimés. Pourquoi Bordeaux 12 ? Parce que c’est le douzième échantillon sur les 18 présentés aux dégustateurs qui s’est imposé, raconte Bernard Magrez.
Pour cette nouvelle marque, vendue entre 5 et 6 € en grandes surfaces, l’entrepreneur âgé de 89 ans, voit grand. « C’est Malesan dans trois ans, a-t-il déclaré faisant allusion à la marque qu’il a lancée à la fin des années 70 avant de la vendre au groupe Castel. On vise 11 millions de bouteilles en France d’ici trois à quatre ans. » Sans compter l’export.
Bernard Magrez a présenté Bordeaux 12 à Wine Paris cet hiver. Il dit avoir été référencé par cinq enseignes qui sont déjà en cours de réapprovisionnement. Signe que ses nouveaux vins plaisent au public visé. Reste à savoir s’ils intéresseront durablement ce public très sensible aux modes.



