hrist du cœur. « Le service public transforme le vin en eau ! » s’emporte le négociant Gérard Bertrand sur Linkedin ce dimanche deux novembre, réagissant à l’émission Cuisine Ouverte diffusée le samedi premier novembre sur France 2, dans laquelle le chef Mory Sacko revisite l’œuf meurette dans un haut lieu de la Bourgogne viticole : les Hospices de Beaune (Côte-d’Or). Si les sauces réalisées pendant l’émission utilisent bien du vin rouge (sans plus de détail), la dégustation finale dans la cour de l’hôtel Dieu se fait sans verre de vin de la côte de Beaune, mais à l’eau. De quoi laisser sans voix, mais pas sans plume, Gérard Bertrand, « stupéfait de voir que le meilleur accord proposé était un verre d’eau ». Ne pouvant voir le verre d’eau à moitié plein, même pour y verser son vin, le négociant languedocien s’insurge : « ce niveau d’hygiénisme et de prévenance en dit long sur la mainmise des lobbys anti-vin et plus généralement anti-alcool dans notre cher pays. »
Si la loi Évin encadre l’évocation médiatique du vin, elle ne l’interdit pas rappelle Vin & Société sur linkedin. L’association française de défense de la filière vin relève que si derrière la séquence de France 3 « c’est une part de notre culture qui s’efface peu à peu — celle du vin, de la convivialité et du partage », il reste une « bonne nouvelle, c’est que le service public peut aussi, légalement et intelligemment, transformer l’eau en vin » pour « assumer sans complexe et avec exigence notre art de vivre ».
In vino temeritas
Ce que confirme l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Dans une délibération de juin 2008, l’agence gouvernementale pointe que « si l'évocation de boissons alcooliques n'est pas interdite au sein des émissions télévisées et de radio, notamment des émissions d'information ou des documentaires, cette présentation ne doit être ni complaisante ni laudative et ne doit pas revêtir de caractère promotionnel ». Dans ce cadre, est autorisée pour les émissions de radio et de télévision « la référence ponctuelle à des boissons alcooliques dans une émission consacrée à la gastronomie, soit parce qu'elles constituent un des ingrédients d'une recette, soit pour orienter le choix des vins qui conviennent le mieux au menu envisagé ». Comme l’analyse Vin & Société, « ce cadre ouvre un champ immense à la créativité : pas de marques, pas de scènes complaisantes, la valorisation d’un geste, d’un territoire. Le vin à l’écran, c’est un levier culturel, pas un danger sanitaire. »
Président de Vin & Société, Samuel Montgermont appelle clairement les médias à ne plus se censurer et être plus hygiéniste que la loi Évin. « Ce qui freine aujourd’hui cette présence et cette parole [du vin], ce n’est plus la loi. C’est l’autocensure, souvent dictée par la peur du malentendu » pointe le négociant rhodanien sur Linkedin, et « appelle celles et ceux qui croient, comme moi, en cette culture de la mesure, du goût et du lien, à encourager les médias à s’en emparer. Cet engagement ne concerne pas seulement la filière du vin : il concerne un pays tout entier, attaché à un produit qui dit quelque chose de la France. » Ce qu’appuie Gérard Bertrand dans son message originel : « il est vraiment temps de restaurer notre culture populaire, notre amour pour le bon goût et pour ce qu’on appelle le lien social, créateur de rencontres au bistro, dans les restaurants et plus simplement chez chacun d’entre nous. »



