e verre à moitié plein peut faire déborder la coupe déjà pleine… Examinant ce mercredi 29 novembre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (PLFSS 2026), la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale s’est penchée sur une série d’amendements visant la fiscalité des boissons alcoolisées en général et du vin en particulier. Si ont été rejetés le principe d’un prix minimum sur toutes les boissons alcoolisées (par exemple porté par un amendement écologiste) ou l’extension de la cotisation de sécurité sociale à tous les alcools (soutenu ici par des députés socialistes) ont été adoptées des propositions de déplafonnement de l’indexation des accises sur l’alcool à 1,75 % en cas d’inflation (comme par cet amendement du groupe Horizons) et la taxation à 3 % des achats de publicité pour des boissons alcoolisées par des entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 10 millions € (ici par la France Insoumise).
Si les refus de prix minimum et d’extension de la cotisation de sécurité sociale sont un soulagement pour une filière viticole en crise de volumes consommés (en France et à l’export) et de coûts de production (avec des récoltes historiquement basses), les deux dispositions adoptées en commission constituent « une gifle pour la viticulture française » estime Samuel Montgermont, le président de Vin & Société, pour qui « indexer les accises sans limite, c’est institutionnaliser la hausse, transformer l’exception en habitude. Ajouter une taxe sur la publicité, c’est affaiblir encore la capacité du vin français à défendre son image et ses marchés, alors que notre pays possède déjà, avec la loi Évin, l’un des cadres les plus stricts au monde. »
« À l’heure où la filière viticole traverse sa pire crise depuis vingt ans, où les producteurs demandent du soutien, pas des sermons, une partie de la représentation nationale choisit d’envoyer ce message : "vous paierez un peu plus chaque année, quoi qu’il arrive" » alerte le négociant rhodanien, pour qui cette proposition de « fiscalité automatique, déconnectée du terrain, frappera encore un peu plus des exploitations déjà sous tension. Ce n’est pas une taxe : c’est une méthode. Celle d’un Parlement qui n’écoute plus, ne débat plus. » Et qui devient incohérent pour Samuel Montgermont : « on s’oppose, à juste titre, aux taxes Trump, mais on vote nos propres hausses de taxes, sans en voir le paradoxe ni les effets mortifères. » Car « quand on taxe la vigne, on ne remplit pas les caisses de l’État : on vide les villages », alors que la perte de rentabilité condamne des vignobles à l’arrachage et les prive de transmission. En somme pour Samuel Montgermont, « la viticulture n’a pas besoin de nouveaux prélèvements automatiques : elle a besoin de perspective, de respect et de cohérence » après des rapports de députés et de sénateurs alertant sur les difficultés de toute un filière (aucun bassin viticole n’étant réellement épargné).
Débutant ce mardi 4 novembre, les discussions en séance du PLFSS 2026 sont pour Vin & Société l’occasion de remettre l’église au centre du village. Et de pouvoir débattre des effets de propositions réflexes du camp hygiéniste ? Comme l’indiquent des députés en commission des affaires sociales, ces amendements viennent d’échanges et de propositions de l’association Addictions France (ex-ANPAA), qui prône sans relâche une fiscalité comportementale pour baisser toute consommation de boissons alcoolisées en quantité, sans faire dans le détail entre excès et modération. « La mesure proposée permettra d'abonder le budget de la Sécurité sociale et ses actions de prévention » répètent pourtant des amendements de fiscalité comportementale, les députés répétant les chiffres datés et la vision périmée d’une consommation d’alcool galopante en France.
Vice versa
Revendiquant un état d’esprit révolutionnaire, Bernard Basset, le président d’honneur de l’association Addictions France (ex-ANPAA), annonçait cet été tout miser sur le PLFSS pour avancer sur la fiscalité comportementale, déclarant sur son site « pour paraphraser un grand ancien, pour l’alcool, "il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace", et la santé publique et les comptes publics seront sauvés ». Chez Addictions France, on vit encore au temps du comité de salut public… Si la grandeur de Danton pâtit de débats historiques sur sa corruption financière et ses infidélités politiques, sa célèbre harangue du 2 septembre 1792 face à l’Assemblée et à la menace de l’armée prussienne a du mal à sonner dans un mot d’ordre hygiéniste et moralisateur. L’une de ses autres citations fameuses étant « qui hait les vices, hait les hommes ». Mais la modération politique de Robespierre pourrait permettre une synthèse pour la pédagogie de la consommation raisonnée, car « après le pain, l'éducation est le premier besoin d'un peuple ». Alors, de l’audace ?



