nfoncer des tuteurs au marteau en plein soleil, Lucas Merlo, vigneron dans le Tarn, en a eu vite ras la casquette ! « La première année où l’on a replanté, on a mis 2 000 tuteurs en place à la main. L’année suivante, on plantait le double. La flemme nous a un peu envahis », explique-t-il, rieur. « De plus, on avait trop de chantiers en parallèle, alors j’ai bricolé un système ! » Puisqu’il a remporté le premier prix national du concours "Trucs & Astuces d’agriculteurs", organisé par les Chambres d’agriculture avec le Service de Remplacement France, l’AVMA (MSA) et le groupe NGPA (dont Vitisphere est une filiale), on peut l’affirmer : son invention s’inscrit dans l’esprit d’innovation pragmatique qui anime de plus en plus d’exploitants — faire mieux avec les moyens du bord.
Le principe est simple : détourner son écimeuse deux demi-rangs Binger, dont il a retiré le module de coupe horizontal, pour l’équiper d’un mât et d’une plaque métallique actionnés par les vérins double effet déjà présents sur la machine. Le module du viticulteur se monte et se démonte en à peine dix minutes. « C’est amovible : on le pose à la plantation, on l’enlève à la fin du chantier, et la rogneuse reprend sa fonction d’origine pour l’écimage de printemps », explique-t-il. Une astuce d’autant plus intéressante qu’elle ne coûte rien. Avec l’aide d’un ferronnier local, il a seulement adapté la hauteur du mât pour garantir la bonne profondeur d’enfoncement des tuteurs. « Dans le Tarn, les planteuses utilisées sont équipées de becs de canard, elles ouvrent le sol et arrosent les plants, mais ne permettent pas d’y placer les tuteurs comme les modèles à coutre. » explique le vigneron. Son système vient donc combler cette étape manquante, sans matériel supplémentaire ni perte de temps.
Sur le terrain, deux personnes suffisent : l’une prédispose les tuteurs debout, à peine enfoncés dans le sol, l’autre passe terminer le travail avec le tracteur équipé de l’enfonce-tuteur. En une journée, ils couvrent un hectare sans fatigue ni coups de massette. Un vrai gain de temps, surtout dans des sols argilo-calcaires où les tuteurs ne s’enfoncent pas facilement. Et parce qu’il n’est pas du genre à garder ses bons plans pour lui, Lucas encourage déjà ses voisins à s’en inspirer. « Je ne cherche pas à breveter, si ça peut servir à d’autres, tant mieux ! » conclut-il, fidèle à l’esprit de partage qui anime le concours.
D’ailleurs, pour l’anecdote, l’idée du concours ne vient pas de lui : « C’est mon épouse qui m’a poussé à m’inscrire ! » Résultat : après une première sélection dans le Tarn, il finit troisième au régional, puis décroche la première place au national, en plein milieu des vendanges. « On a fait l’aller-retour dans la journée, mais… ça valait le coup ! » sourit-il. Au-delà des trophées, il repart avec un séjour vacances, des cours de cuisine et huit jours de service de remplacement. « Ce sont de jolis cadeaux qui peuvent faire du bien à tous les exploitants de toutes les filières », conclut-il. Avis aux bricolos !
« Le concours « Trucs & Astuces d’agriculteurs » met en valeur depuis une dizaine d’années les idées pratiques et ingénieuses issues du terrain. D’abord organisé à l’échelle départementale, il s’est étendu progressivement au niveau régional puis national : dans le Tarn, la première édition remonte à 2020. C’est en 2023, qu’une finale nationale a été créée pour fédérer l’ensemble des initiatives régionales.
En Occitanie, seul le Tarn organise un concours départemental. Cinq lauréats ont été sélectionnés cette année pour participer à l’étape régionale, aux côtés de candidats libres. Au total, 24 astuces venues de toute la France ont concouru en 2025 au niveau national. Les conseillers agricoles accompagnent souvent les participants, un appui précieux pour formaliser les candidatures.
Ouvert à tous les acteurs du monde agricole (exploitants, salariés ou stagiaires), le concours valorise les solutions simples, reproductibles et peu coûteuses visant à améliorer les conditions et l’organisation du travail et à réduire la pénibilité. » explique Alexandra Pizzetta, conseillère à la Chambre d’agriculture du Tarn en stratégie d’entreprise et référente en conditions et organisation du travail.



