eux chefs étoilés, un sommelier Meilleur Ouvrier de France et des artistes anonymes disparus depuis des millénaires étaient convoqués le jeudi 16 octobre pour faire rayonner les vins d’Ardèche, lors d’un banquet gastronomique au milieu des peintures rupestres de la grotte Chauvet 2.
Pour décrocher l’autorisation de faire dîner 100 personnes dans la réplique de la caverne préhistorique, il a fallu la force de conviction d’une filière viti-vinicole ultramotivée. « Vignobles en Scène est le premier évènement national à mettre en lien la gastronomie, le vin et le tourisme, souligne le vigneron ardéchois Ludovic Walbaum, qui a travaillé à l’évènement localement et au sein du pôle œnotourisme d'Atout France qu’il préside. Nous voulons en faire l’équivalent des Journées du Patrimoine, en ouvrant des lieux et en proposant des activités différentes du reste de l’année. »


A la grotte de Vallon-Pont-d’Arc, le défi logistique a été relevé par les chefs et le pari gagné avec 95 convives à table, repartis avec des étoiles dans les yeux. Un tiers était invité et deux tiers payants (150 € la soirée), permettant d’équilibrer le budget de ce lancement en grande pompe. Pas question d’inscrire l’évènement dans un cadre élitiste : « Le lieu et le format du banquet de lancement changeront : l’an prochain, nous travaillerons peut-être avec les bistros de pays autour d’un menu à 30 €, reprend Ludovic Walbaum. Mais pour cette première édition, il fallait marquer les esprits – c’est crucial pour nous qui sommes loin d’une métropole. Et après ce lancement prestigieux, place aux animations plus classiques ! »
Les vignerons de la région AURA en ont l’habitude. Depuis plus de dix ans, à l’occasion du "fascinant weekend" (le troisième d’octobre), de nombreuses caves particulières et individuelles proposent des activités oenotouristiques. L’initiative a essaimé dans certaines régions, jusqu’à ce que la fédération Vignobles et Découvertes décide d’en faire un évènement national. « Nous avons changé le nom en Vignobles en Scène pour évoquer explicitement la vigne et la culture, et construit l’évènement et la marque jusqu’au lancement officiel à Paris en juillet dernier », relate Ludovic Walbaum. Il se réjouit du parrainage de la ministre de la Culture, même non accompagné de moyens financiers. « Il est de plus en plus compliqué de communiquer autour du vin », lâche le vigneron sans citer le nom de la loi qui fâche. « L’oenotourisme fait parler de nous. Les gens peuvent venir pratiquer une activité même sans boire d’alcool, et découvrir alors notre savoir-faire, nos vins, nos paysages, nos efforts pour l’environnement. »
Dans l’ensemble de l’Hexagone, 70 destinations organisaient des festivités pour Vignobles en Scène, lancées par une quarantaine de banquets. Les animations étaient variées : concerts, vélo-oenologie, rando-dégustation, spectacles...
« La palette d’animations touche tous les publics, souligne le vigneron drômois Philippe Fabrol. Une vélo-rando dans les vignes, par exemple, permet de sortir le vin du restaurant et le rendre accessible à ceux qui craignent de ne pas avoir les codes ou sont freinés par le côté "posé" des dégustations. » Le jeune public n’était pas oublié. Le caveau Neovinum de l’Union des vignerons ardéchois, à Ruoms, avait débarrassé son espace de stockage afin d’accueillir 130 personnes pour un spectacle de cirque le vendredi soir. De son côté, le domaine Escalin, en Sud Drôme, avait installé deux grandes toiles : l’une graffée en live par un artiste et l’autre à disposition du public, qui prolongeait la soirée autour d’un apéro-planche.
Certains sautent aussi sur l’occasion de faire de la pédagogie. Le domaine de Montine à Grignan (Drôme) organisait des dégustations Vins et fromages pour casser certaines idées reçues et inviter les consommateurs à faire confiance à leurs propres goûts. Au domaine de Grangeneuve à Roussas (Drôme), qui organisait des ateliers "verticale de magnums", Nathalie Bour voit dans l’oenotourisme une façon de « faire grandir les gens dans leur connaissance du vin en expliquant l’effet millésime, les différentes facettes du travail du vigneron… »


Chaque évènement, sur le terrain, était porté par le monde du tourisme avec l’appui de la filière viti-vinicole, ou l’inverse. « Cela crée des synergies durables entre les deux mondes : celui du vin apprend peu à peu les codes du tourisme, des barrières tombent », apprécie Ludovic Walbaum qui rêve d’une interprofession de l’oenotourisme. « L’idée n’est pas de créer encore une structure de plus, mais un point de rencontre entre les acteurs pour peser plus fort politiquement, lever des freins et éventuellement aller chercher des financements européens. »