Le cuivre ne présente pas de risque pour les travailleurs », a insisté Daniele Ruccia, le porte-parole de la task-force cuivre qui représente 12 sociétés détentrices d’Autorisations de Mise en Marché (AMM) cuivre en France et qui produisent la matière active, ce 8 octobre lors du webinaire dédié aux actualités sur le cuivre en France et en Europe organisé par l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) et l’Institut Technique de l'Agriculture Biologique (ITAB) et auquel 800 personnes s’étaient inscrites. Mais ce n’est pas l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) car c’est ce motif qu’elle a invoqué pour ne pas renouveler les autorisations d’un grand nombre de produits cupriques cet été. « Les données disponibles ne permettent pas d’exclure un risque d’effet nocif pour les travailleurs », indique-t-elle dans les notifications de décisions des produits retoqués.
Ainsi selon le recensement présenté par Eric Chantelot, directeur du pôle IFV Rhône-Méditerranée : de 47 produits cupriques disponibles avant 2025, seulement 17 conservent une AMM vigne. Parmi ces produits figurent les deux que l’Anses a renouvelé : Champ flo et Héliocuivre. Mais ils sont soumis à de fortes restrictions d’usage qui s’appliqueront dès la campagne 2026 : limitation à 4 kg/ha/an (ce qui exclut le lissage), Distances de Sécurité vis-à-vis des Personnes Présentes et des Riverains (DSPPR) de 10 m, intervalle de 7 jours entre deux traitements, emploi interdit durent la floraison, Zone de Non-Traitement (ZNT) eau de 20 m pour l’un et 50 m pour l’autre, et pour couronner le tout : obligation de porter des gants en nitrile pour les travailleurs en réentrée, y compris pour les vendanges, ce qui n’a pas manqué de faire réagir les participants.
Reste 15 produits dont les AMM doivent encore être renouvelées ce dont l’Italie est chargée. Mais quoi qu’il en soit « par reconnaissance mutuelle, la France reprendra les dossiers et les réanalysera selon sa grille d’évaluation », a précisé Eric Chantelot. En clair elle aura le dernier mot. De quoi donner des sueurs froides à tous les viticulteurs, les bios en tête. Cette situation « est surprenante pour nous, car elle est principalement due à l’interprétation divergente des données d’adsorption cutanée. Les sociétés membres de la task force ont fait des études d’adsorption dermale dont on a une interprétation très divergente avec l’Anses sur les valeurs utilisées pour estimer qu’il y a un risque pour les travailleurs. Cette interprétation diverge aussi bien pour nous que pour d’autres Etats Membres puisque l’Italie et L’Espagne sont arrivés aux mêmes conclusions que nous. Ils ont été plus pragmatiques et ont tenu compte des particularités du cuivre », a expliqué Daniela Ruccia.
Pour la campagne 2026, les vignerons disposeront encore de nombreux cupriques utilisables avec moins de contraintes. En effet, les produits retoqués par l’Anses ont un délai d’écoulement des stocks et pourront être achetés jusqu’au 15 janvier 2026 et être utilisés jusqu’au 17 janvier 2027, soit durant toute la campagne 2026 aux conditions qui figurent sur leur étiquette actuelle. De même les produits dont l’AMM est en cours d’évaluation en Italie restent utilisables selon leur étiquette actuelle. Et « l’Italie a annoncé un report de ses évaluations à l’échéance fixée par l’Europe pour la réapprobation de la matière active soit au 31 décembre 2029 », a précisé Eric Chantelot. De quoi donner un peu de répit aux vignerons. Mais l’incompréhension et l’inquiétude demeurent.
Comme en témoignent les plus de 150 questions posées à l’issue du webinaire. « On sent qu’il y a une grosse angoisse de la filière viticole. Et pas mal de remarques sous-entendent qu’il y aura des actions politiques qui seront entreprises », note Nicolas Constant, référent bio à l'IFV. Pour Stéphane Becquet, directeur technique et scientifique au Syndicat des Vignerons Bio d'Aquitaine, qui représentait aussi France vin bio, « pui aujourd’hui il reste encore quelques alternatives. On a des AMM qui doivent être revues par l’Italie qui nous permettent de tenir le coup. Mais il faut quand même acter ce qui se passe aujourd’hui : on a quand même perdu pas mal de solutions cupriques. Même avec les solutions qui restent, ça va être compliqué de pouvoir mener une campagne phytosanitaire notamment dans les zones à forte pression : Nouvelle Aquitaine, Bourgogne, Alsace… et on a besoin de réagir par rapport à ce qui vient de sortir. Un travail de coordination est en train d’être réalisé au niveau national français que ce soit avec les bio ou conventionnel avec la Confédération Nationale des vins AOC (CNAOC) et le Comité National des Interprofessions des Vins AOP et IGP (CNIV) qui se sont emparé du dossier et qui sont en train de travailler sur ce dossier pour apporter des éléments à la fois techniques et des éléments de contexte de terrain pour essayer de discuter avec l’Anses, la Direction générale de l'alimentation (DGAL) pour essayer de trouver des solutions pour les vignerons »