uelques degrés de plus dans l’air et dans le verre, et du vin breton à table : voici les changements annoncés pour les 35 prochaines années. Car les modifications du climat vont se confirmer jusqu'en 2050… avant de s'accélérer.
Dans 35 ans, le scénario de référence pour la France prévoit que la température moyenne annuelle aura encore augmenté de 1,8 °C par rapport à aujourd’hui. S’ensuivront « des modifications profondes du cycle de l’eau et une intensification des événements extrêmes : vagues de chaleur, sécheresse, pluies intenses, feux de forêt... », prévient Météo-France, qui prévoit aussi un recul de 10 % de précipitations en été et une hausse de 20 % en hiver. Les vagues de chaleur seront cinq fois plus fréquentes et pourront s’étaler du début juin à la mi-septembre. Le nombre de nuits chaudes (>20°C) augmentera, et le mercure pourrait friser localement les 50 °C en journée.
Avec quels impacts sur la viticulture ? Une centaine de chercheurs a tenté de répondre à cette question dans le cadre du projet Laccave, porté par l’Inrae de 2012 à 2021. L'ouvrage Vin, vigne et changement climatique publié en 2024, coordonné par Nathalie Ollat et Jean-Marc Touzat de l'Inrae, synthétise ces travaux.
Ces auteurs notent que la vigne devrait encore être plus précoce de plusieurs jours dans toutes les régions et pour tous les stades. Mais des incertitudes demeurent : ainsi « l’avancée attendue au débourrement pourrait être moindre dans le Sud car les besoins en froid hivernal pourraient avoir du mal à être satisfaits », indique l’ouvrage.
Autre prévision : le risque de gel de printemps pourrait augmenter dans les vignobles continentaux (Bourgogne, Champagne…), rester stable dans les vignobles atlantiques et baisser dans les vignobles méridionaux. Les impacts négatifs des fortes chaleurs et de la contrainte hydrique, eux, sont certains et iront en s’aggravant. En cas de températures dépassant 45 °C ou de sécheresses répétées, les chercheurs redoutent des dommages irréversibles sur la vigne, affectant le potentiel de rendement à long terme.
Sur la qualité des vins, leur avis est nuancé : « les impacts ne seront pas toujours négatifs ». A côté du risque de « produire des vins déséquilibrés à forte teneur en alcool et faible acidité », ils rappellent qu’un stress hydrique modéré peut être bénéfique à la couleur et aux arômes des vins.
Globalement, la nouvelle donne climatique sera favorable à la Bretagne et aux secteurs à plus de 600 m d’altitude mais elle ne remet « pas immédiatement en cause le vignoble dans les aires de production actuelles », estiment les scientifiques. Ce serait sans compter la capacité d’adaptation de la vigne et la force d’innovation de ceux qui la travaillent.
Adaptée au climat après 2050 et neutre en carbone, la parcelle idéale n’existe pas encore… si ce n’est dans la tête des porteurs du projet VITOPIA 2051, piloté par la Sicarex Beaujolais. Mais ses contours se préciserons cet hiver avec le démarrage des ateliers de co-conception du cahier des charges de cette plantation, qui réuniront une quarantaine d’acteurs : IFV, chambre d’agriculture, représentants de la filière, collectivités territoriales. « Cette parcelle sera plantée dans notre domaine expérimental où nous testons déjà séparément des leviers d'adaptation, indique Sophie Penavayre, directrice de la Sicarex Beaujolais. L’idée est de les combiner de façon cohérente avec les pratiques des viticulteurs. On va travailler avec différents clones de gamay et peut-être quelques VIFA, planter des haies et des arbres dans la parcelle, réfléchir aux techniques culturales, peut-être essayer la conduite en treille pour ombrager les grappes et rendre le travail moins pénible… »