e semis direct de couverts végétaux séduit par ses promesses : peu de travail, respect du sol, couverture végétale maîtrisée. En Gironde, au Château La Pierrière – 40 ha de vignes en AOC Castillon Côtes de Bordeaux plantées à 2 m d’écartement –, Olivier de Marcillac a été l’un des premiers de sa région à se lancer. « Mon but était de toucher le moins possible au sol », explique-t-il. Dès 2013, il s’équipe avec un voisin d’un semoir direct à disque Alphatec couvrant 1,20 m. « C’était la Rolls de l’époque », se souvient-il. Subventionné par la Région, l’investissement reste raisonnable : 4 000 € pour chacun d’eux.
Ses premiers couverts lèvent correctement. Le semoir, robuste et facile à régler, lui donne confiance. Mais, rapidement, les limites apparaissent. « La première année tout a bien marché, puis c’est devenu aléatoire. Nous avons continué ainsi encore deux années supplémentaires, puis nous avons dû passer avec un déchaumeur et/ou une herse rotative avant de semer. Nous sommes sur des sols argilo-calcaires. C’est compliqué d’avoir de bonnes conditions en sortie de vendanges : s’il a beaucoup plu, la terre colle trop aux disques pour faire du bon travail, sans parler des ornières que la machine à vendanger a pu laisser. À l’inverse, si c’est une année sèche, impossible de faire un semis de qualité car le sol est trop dur s’il n’a pas été travaillé », déplore-t-il.
Olivier de Marcillac persiste. Il sème alors des mélanges de graminées, crucifères et légumineuses un interrang sur deux. Mais bien qu’il prépare le sol avant de semer, les résultats restent contrastés : ses couverts temporaires sont parfois abondants, parfois chétifs. Le vigneron finit par marquer un coup d’arrêt en 2022. « Les semences coûtent cher et le temps manque. J’ai décidé de laisser l’enherbement spontané. Je fertilise, je roule le couvert et je ne tonds pas. Ça me donne un mulch intéressant, et je ne travaille plus les sols. Mon confrère, lui, continue toujours avec le semoir ! »
Le vigneron garde néanmoins un souvenir positif de son expérience : « Ce qui m’a plu, c’est ce que les couverts ont apporté au sol. On voit la différence à la bêche : on a une meilleure structure et davantage de vie. »
À quelques kilomètres de là, à Saint-Christophe-des-Bardes, Arnaud de Labarre a trouvé son équilibre. Sur 6 ha de vignes plantées à 1,50 m cultivées en biodynamie, le propriétaire du Château Laplagnotte-Bellevue pratique le semis direct sur environ 4,5 ha, en rotation avec 1,5 ha pâturé par une dizaine de brebis.
Implantées sur des sols sablo-argileux, ses vignes se prêtent mieux au semis direct que celles de son voisin. Après quelques essais peu satisfaisants avec du matériel emprunté, il investit en 2020 dans un semoir direct de 4 rangs de Carbure Technologie : « Je voulais surtout ne pas toucher au sol. Avec ce semoir équipé de dents renforcées au carbure suivies de rouleaux de rappui crantés, je peux semer même si le sol est sec. » L’outil lui a coûté 14 000 €, mais 60 % ont été pris en charge par des aides européennes.
Le réglage est décisif. « Il faut semer à la bonne profondeur, ni trop bas ni trop en surface, et rappuyer comme il faut, indique Arnaud de Labarre. Ensuite, ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est de tondre avant de semer, sinon, ça bourre. Hormis cela, on attelle, on règle et, dans la journée, c’est fait. »
Arnaud implante des couverts diversifiés : vesce, radis, féverole, graminées. Au printemps, il les roule pour former un mulch épais qui protège le sol et limite l’évaporation. Les résultats sont visibles. « Je n’ai plus aucun problème lié à l’excès ou au manque d’eau. La texture est bien meilleure et, excepté un peu de fumier de temps à autre, je ne fertilise plus », observe-t-il.
Côté organisation, le vigneron insiste sur le gain de temps et de carburant : « Je ne reviendrais pas en arrière. C’est rentable, ça améliore mes sols et ça correspond à ma recherche d’économie de moyens. » Mais il garde une certaine prudence : « Je conseillerai à un viticulteur qui veut se lancer de bien connaître son sol. Certains sont plus durs ou plus dégradés. On ne part pas tous de la même base. »
Si les parcours des deux viticulteurs diffèrent, ils traduisent une même volonté : repenser le rôle du couvert végétal et la place du travail du sol. Le premier a trouvé dans l’enherbement spontané une formule adaptée à ses sols argilo-calcaires coriaces ; le second a pu conserver le semis direct sur ses sablo-argileux plus souples. Dans les vignes comme dans la vie, certaines graines prennent racine, d’autres non !
Renaud Cavalier, conseiller agroéquipement à la chambre d’agriculture du Gard détaille « Le semis direct est plus facile à mettre en œuvre dans les sols filtrants que sur les argiles lourdes. Sur des sols argilo-calcaires, les fenêtres de semis sont très réduites. Si le couvert ne lève pas, on perd l’effet structurant recherché. Si le sol ou le climat ne se prête pas au semis direct, mieux vaut s’appuyer sur l’enherbement spontané ou implanter les couverts classiquement après avoir préparé le sol. Un semoir direct neuf coûte entre 15 000 et 20 000 €. La mutualisation d’un tel l’achat reste souvent la clé pour se lancer. D’autant plus qu’en ce moment, la tendance est à l’entretien et à l’économie plutôt qu’à l’investissement. »