ès l’annonce, la ministre française de l’Agriculture Annie Genevard affirmait sur X : « Je déplore le résultat de la négociation entre l’UE et les Etats-Unis sur le commerce des produits agricoles… Je regrette particulièrement l’absence d’exemption pour les vins et spiritueux, alors même que la France et d’autres pays avaient souligné l’importance prioritaire de ces produits ». Du côté de la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux de France (FEVS), la décision « suscite une immense déception de la part de tous les acteurs de la filière des vins et spiritueux ». Pour son président, Gabriel Picard, « L’application de ces droits sur nos vins et spiritueux n’apporte qu’une seule certitude, celle d’une période extrêmement difficile pour tous les exportateurs français et européens. Mais cette difficulté sera tout aussi importante pour nos partenaires américains – importateurs, distributeurs et détaillants – qui se sont fortement mobilisés outre-Atlantique contre cette décision ».
L’agriculture une « roue de secours » et « monnaie d’échange »
L’Assemblée des Régions Viticoles Européennes (AREV) rappelle pour sa part que « cette ouverture totale du marché européen s’est faite sans contrepartie équivalente pour la viticulture européenne ». Elle note également que « le maintien de droits de douane punitifs est loin de l’esprit d’un accord présenté comme « réciproque, équitable et équilibré », avant de déplorer que « Une fois de plus, l’agriculture semble être traitée comme une roue de secours et une monnaie d’échange, tandis que les intérêts de certains secteurs tels que l’industrie automobile semblent avoir été la principale préoccupation des négociateurs de l’UE ». Un avis partagé par le Copa-Cogeca : « Sur le plan pratique, on demande à l’agriculture européenne d’accepter des conditions commerciales plus faibles alors que les USA récoltent de nouveaux avantages. Il ne s’agit pas là de réciprocité mais d’une erreur stratégique qui met à mal les agriculteurs, coopératives agroalimentaires et économies rurales au sein même de l’UE ».


Tous les avis s’accordent aussi sur la nécessité de revenir à la table des négociations rapidement pour que les vins et spiritueux puissent rejoindre la liste des produits européens bénéficiant d’une exemption des droits de douane. « Je demande instamment aux négociateurs européens qu’ils en fassent une priorité des prochains échanges qu’ils auront avec les autorités américaines », insiste la ministre de l’Agriculture. Pour la FEVS, « La conclusion défavorable de ce processus impose de réfléchir dès à présent aux actions à entreprendre maintenant à court et moyen terme ». Gabriel Picard exhorte la Commission Européenne et la France à prévoir « dès maintenant l’accompagnement indispensable du secteur afin de permettre à la fois aux viticulteurs et aux entreprises de l’aval, particulièrement les exportateurs, de faire face à cette situation ».
L’UE doit « compenser l’impact négatif »
Annie Genevard affirme attendre « des mesures européennes fortes pour soutenir les producteurs qui seraient pénalisés par ce résultat inacceptable » tandis que le Copa-Cogeca insiste par ailleurs sur la nécessité de « conduire et de publier de façon urgente une étude d’impact de cet accord sur le secteur agricole de l’UE dont une analyse détaillée des effets de substitution ». Et de conclure : « Cet accord confirme une tendance préoccupante : l’agriculture est de plus en plus dépriorisée dans les négociations commerciales de l’UE. Nous demandons à la Commission d’expliquer comment ce résultat correspond à ses objectifs déclarés quant au rôle stratégique de notre secteur pour l’Europe, à la résilience rurale et au commerce équitable, et de présenter des mesures immédiates sur la manière dont elle entend en compenser l’impact négatif ». Enfin, le Comité Européen des Entreprises Vins (CEEV) préfère y voir le verre à moitié plein. Tout en partageant sa « profonde déception » sur l’exclusion des vins et spiritueux, et rappelant l’importance économique du secteur européen aux USA avec des exportations d’une valeur de plus de 4,88 milliards € en 2024, le Comité se dit « confiant que nos produits figureront parmi ceux qui bénéficieront d’un régime spécial où seuls les droits accordés aux NPF seront appliqués ».
En Italie, l’absence d’exemption pour les vins et spiritueux est vécu comme un « coup dur pour le secteur le plus exposé parmi les 10 principales catégories de produits italiens destinés aux États-Unis ». L’Unione Italiana Vini (UIV) prédit un second semestre « très difficile même si nous espérons que les parties pourront rectifier le tir dans les délais impartis ». Selon son président Lamberto Frescobaldi, « Il est plus crucial que jamais d'établir une alliance entre la filière vinicole italienne et les partenaires américains – distributeurs, importateurs et restaurateurs – qui sont les premiers à s'opposer aux tarifs douaniers dans l'intérêt commun des entreprises italiennes et américaines ». Selon l'Observatoire UIV, les dommages estimés pour les entreprises s'élèvent à environ 317 millions d'euros cumulés au cours des 12 prochains mois, tandis que la perte de revenus pour les partenaires commerciaux étrangers s'élèvera à près de 1,7 milliard de dollars. Les dommages s'élèveraient à 460 millions d'euros si le dollar maintenait sa faiblesse actuelle.