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Quel pronostic vital pour les vignes exposées aux incendies
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Arrachage ou taille régénérative ?
Quel pronostic vital pour les vignes exposées aux incendies

A la suite de la visite de parcelles sur plusieurs communes des Corbières incendiées le 5 août dernier, le professeur de l’Institut Agro de Montpellier Laurent Torregrosa indique aux viticulteurs sinistrés la marche à suivre pour statuer sur l’avenir de la parcelle en fonction de l’intensité et la distribution des dommages.
Par Marion Bazireau Le 23 août 2025
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Quel pronostic vital pour les vignes exposées aux incendies
Une parcelle exposée en bordure du fait de la proximité d’une lande et d'un ruisseau. - crédit photo : Laurent Torregrosa
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itisphere : Quand faut-il aller observer les parcelles pour savoir s’il faut arracher les vignes exposées aux flammes ou si elles peuvent à nouveau produire des vins de qualité ?

Laurent Torregrosa : Il ne faut établir de diagnostic ni trop rapidement, ni trop globalement. Comme dans le cas des gelées d’hiver, certains symptômes anatomiques ne s’expriment que plusieurs jours ou plusieurs semaines après l’accident et certains symptômes sont fugaces. Compte tenu de la date de l’accident, une première observation est à réaliser avant la fin août pour apprécier les dommages faits à la canopée, le niveau de flétrissement des raisins, et observer les premières réponses de la vigne, à savoir la repousse des entre-cœurs et les nécroses du liber. Une deuxième observation devra être réalisée avant la fin septembre, pour confirmer l’intensité et la fréquence des nécroses de bourgeons et des tissus vasculaires et en déduire les principes de taille à appliquer.

Par ailleurs, les dégâts étant rarement également répartis dans une parcelle, il sera souvent nécessaire d’établir une cartographie la plus précise possible pour apprécier au mieux la répartition des opérations à effectuer. Si le temps manque, des photographies lors de la première visite permettront d’identifier et de quantifier les différents cas de figure présents dans chaque parcelle.

 

Vitisphere : Concrètement, quels sont les symptômes à relever ?

Laurent Torregrosa : Lors de la première visite, il faut évaluer l’intensité et la fréquence des brûlures foliaires, selon une échelle simplifiée allant de 1 à 4, avec 1 : Quelques dégâts sur les extrémités des rameaux, 2 : Apex nécrosés et quelques dégâts sur les jeunes feuilles, 3 : Plus de 50% de feuilles nécrosées mais quelques feuilles encore vertes à la base des sarments, et 4 : Ensemble de la canopée nécrosée.

Il faut aussi vérifier l’intensité et la fréquence des desséchements de grappes, selon l’échelle 1 : Pas/peu de flétrissements, 2 : Quelques baies/grappes passerillées (jusqu’à 25%), 3 : Importants flétrissements, 25 à 75 % de grappes passerillées, et 4 : Plus de 75 % des grappes des ceps passerillées, localement dessèchement total.

Lors des deux visites, il faut également évaluer la  nécrose des bourgeons, selon l’échelle 1 : Moins de 5 % de bourgeons nécrosés (Fig. 1), repousses d’entre-coeurs (Fig. 2) ou de bourgeons d’hiver du fait de la levée de dormance due au stress thermique et à la sécheresse (Fig. 3), 2 : De 5 à 25% de bourgeons nécrosés, quelques repousses, 3 : De 25 à 50% de bourgeons nécrosés, pas de repousses, 4 : Plus de 50% de bourgeons nécrosés.

Enfin, il faut pratiquer des incisions tangentielles dans différents secteurs des sarments, des bras et du tronc pour détecter les anomalies anatomiques et estimer la viabilité du cambium. Ici, on peut classer les ceps de 1 à 4, avec 1 : Pas de nécroses tissulaires détectables (Fig. 4, 5), 2 : Quelques rares nécroses sur le phloème (Fig. 6) du côté exposé aux plus fortes températures sur les sarments mais pas ou peu de nécroses sur les bois de plus de 2-3 ans, 3 : Nécroses systématiquement présentes dans le phloème des axes annuels et forte fréquence dans les zones du vieux bois, et 4 : Nécroses quasi-systématiques dans le phloème et le Xylème.

 

Vitisphere : Ensuite, quelles sont les conduites à tenir ?

Laurent Torregrosa : Les deux premiers types de symptômes permettent d’apprécier l’impact sur la quantité et la qualité de la vendange. Les deux derniers permettent de statuer sur l’avenir de la parcelle. L’arrachage apparaît comme la meilleure solution quand la proportion des ceps de catégorie supérieure ou égale à 3 est trop importante, par exemple supérieure à 25%. Sous ce seuil à ajuster en fonction de l’intérêt patrimonial de la parcelle et/ou d’autres priorités, il apparaît possible de conserver la parcelle en adoptant une taille de régénération pour rétablir des bras et des coursons productifs.

Il reste une incertitude sur la dynamique du développement des bourgeons d’hiver non nécrosés. En effet, 10 jours après l’incendie on pouvait déjà voir quelques bourgeons d’hiver démarrer du fait de la levée de dormance induite par les conditions thermiques et hydriques stressantes et la suppression de la dominance apicale par l’échaudage des apex. Si les conditions automnales ou de début d’hiver étaient très clémentes, il se pourrait qu’une forte proportion de bourgeons d’hiver rentrent prématurément en croissance. C’est une donnée dont il faudra tenir compte dans le raisonnement et le timing de la taille hivernale des parcelles échaudées.

Il faut beaucoup de courage pour affronter une épreuve d’une telle ampleur. Souhaitons que les viticulteurs de la région des Corbières puissent trouver l’énergie pour relever ce challenge et poursuivre la production de ces vins issus d’un terroir unique.

Fig. 1 - Sur un sarment portant des grappes non flétries, la coupe longitudinale du bourgeon d’hiver à la base de l’entre-coeur montre un axe latent primaire nécrosé.

 

Fig. 2 - Repousses d’entre-coeurs sur les axes les plus jeunes (rameaux non aoûtés).

 

Fig. 3 - Pousses d’un bourgeon d’hiver issue d’un sarment lignifié (les fortes chaleurs et la sécheresse ont levé la dormance physiologique).

 

Fig. 4 - Coupes dans un sarment (gauche) et un très jeune tronc (droite) ne présentant aucune nécrose vasculaire (le phloème est vert olive).

 

Fig. 5 - Coupes dans un bras (gauche) et un vieux tronc (droite) ne présentant aucune nécrose vasculaire (le phloème est vert clair à jaune pâle).

 

Fig. 6 - Coupes dans un sarment (gauche) et un tronc (droite) présentant des tissus libériens nécrosés. Photos: Laurent Torregrosa

 

 

 

Tags : Incendies
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