ela faisait plusieurs mois que des membres du gouvernement irlandais laissaient entendre que l’un des volets les plus controversés de la Loi de Santé Publique actée en 2018 n’entrerait pas en vigueur comme prévu au 22 mai 2026. Alors que certains médias avançaient un report jusqu’en 2029, c’est finalement l’année 2028 qui a été retenue. Une décision qui soulage l’ensemble du secteur. « Le report du règlement sur l’étiquetage sanitaire des boissons alcoolisées en Irlande constitue sans aucun doute une bonne nouvelle pour les entreprises vitivinicoles », a réagi Marzia Varvaglione, la présidente du Comité européen des entreprises vins (CEEV). « L’instauration unilatérale et disproportionnée d’un message de mise en garde sur l’ensemble des boissons alcoolisées commercialisées en Irlande aurait entraîné des coûts importants et des charges administratives lourdes, notamment pour les producteurs de petite et moyenne taille, tout en menaçant l’intégrité du Marché Unique et le cadre réglementaire européen ».
Un rapport américain comme élément déclencheurPour sa part, le secrétaire général du CEEV, Ignacio Sanchez Recarte, a affirmé que « dès le départ, quelque chose clochait avec la mesure irlandaise. Celle-ci a soulevé de sérieux doutes quant à sa justification, sa proportionnalité et sa comptabilité avec la réglementation européenne. Cette pause ne devra pas se limiter à un simple report mais constituer une occasion indispensable de repenser la manière dont nous nous assurons que les consommateurs soient bien informés tout en préservant la cohérence juridique et économique de l’Union européenne ». Plusieurs motifs ont été invoqués par les différents membres du gouvernement concernés. Depuis l’adoption du texte sur l’étiquetage en 2023, le ministre de la Santé de l’époque – Stephen Donnelly – n’a pas été réélu, ce qui a fait bouger les lignes. Mais le vrai élément déclencheur semble être la parution en mars dernier d’un rapport américain sur les barrières au commerce. Dans ce document, le Bureau du représentant américain au Commerce (USTR) fait part de ses inquiétudes quant aux exigences irlandaises en matière d’étiquetage, qu’il juge « coûteuses et susceptibles de perturber les exportations américaines vers le Marché Unique de l’Union Européenne ».
Une volonté d’harmonisation européenne ?
A l’approche de l’échéance du 1er août – date à laquelle le président américain Trump pourrait mettre à exécution sa menace d’imposer des droits de douane à hauteur de 30% sur les produits européens – le gouvernement irlandais a donc décidé de faire volte-face sur une décision qui représente indéniablement une barrière au commerce. En jeu : des exportations de whiskey irlandais aux Etats-Unis qui ont généré 410 millions € en 2024. Désormais, l’exécutif irlandais affirme dans les médias locaux sa volonté de « collaborer avec la Commission pour élaborer un ensemble de règles harmonisées au niveau communautaire et renforcer notre approche qui vise à réduire l’atomisation réglementaire sur le Marché Intérieur ». Le ministre irlandais de l’Entreprise, Peter Burke, a reconnu « l’énorme charge réglementaire qui pèse sur ce pays », tout en soulignant que toute réglementation doit être « proportionnée » dans un contexte où la consommation d’alcool en Irlande « suit une trajectoire à la baisse » et où il faut « protéger notre secteur autochtone ». De son côté, le premier ministre Micheàl Martin – à l’origine en 2004, en tant que ministre de la Santé, de la toute première grande interdiction de fumer dans les lieux publics au monde – a affirmé que toute initiative irlandaise sur le sujet se ferait « de concert avec l’Union Européenne ». Reste à savoir si ce moratoire ouvrira la voie à une véritable coordination européenne en matière d’étiquetage apte à concilier protection des consommateurs et libre circulation des marchandises.