rains sectionnés et ouverts, grappes à terre, feuilles mâchées, sarments brisés… Ce lundi 21 juillet, entre 1h30 et 2h du matin, un violent orage s’est abattu sur le vignoble du Gard, au Sud-Ouest de Nîmes, « de Vauvert à Garons » résume Cyril Marès, le président du syndicat de l’AOC Costières de Nîmes. D’après les premières estimations, 300 hectares de vignes ont été touchées de 10 à 50 % de dégâts, notamment sur la cave coopérative de Vauvert et quelques domaines, ce qui représenterait 10 % de l’AOC pointe son président : « le seul avantage de la grêle, c’est que les dégâts sont localisés. La grêle est un drame individuel. Collectivement, l’impact sera limité, mais pour ceux touchés, c’est très dur psychologiquement, quand on a amené la vendange jusque-là en bon état, et c’est très dur économiquement, dans la conjoncture actuelle. »
Titulaire du titre peu envié de vignoble le plus touché par cet orage de grêle, le vigneron Rémy Dupret fait état « d’un ouragan, comme sous les tropiques. On a carrément eu une tornade, qui a éventré des bâtiments voisins (mais pas les nôtres, intacts) et fendu comme des allumettes des arbres de 8 m de haut avec 40 à 50 cm de diamètres. Notre chance dans le malheur, c’est que cela n’a pas duré longtemps. » Sur les 90 ha de son domaine du Vistre (ayant produit 7 600 hl de vin en 2025 en AOC Costières de Nîmes et IGP Pays d’Oc et Gard), il estime qu’une soixantaine d’hectares a grêlé à des degrés divers : « des endroits sont touchés à 100 %, les grappes commencent à sécher, d’autres ont 50 % de dégâts. Le climat va maintenant faire le reste, s’il y a du mistral ou des orages. »


N'ayant jamais vu un tel orage depuis 40 ans qu’il est installé, Rémy Dupret compte sur un vent sec pour faire sécher et cicatriser les baies meurtries et éloigner tout risque de pourriture par Botrytis. « Tout l’enjeu est là. Tous les feux étaient au vert, mes fils sont dégoûtés. Heureusement, nous avons des vignes plus loin qui n’ont pas été touchées. Mais on ne sait pas combien de volume on récoltera » pointe le vigneron. Alors que d’autres doutes subsistent : l’impact sur les maturités des feuilles arrachées, l’effet des grêlons sur les bois pour la taille, la possible perte de récolte l’an prochain à cause des bourgeons touchés cet été… Et les dégâts sur les jeunes vignes, avec des plantiers de 2024 et 2025 dont les sarments sont hachés et fendus : « il faudra rabattre en espérant que les bourgeons d’en bas ne soient pas atteints » se projette Rémy Dupret.
Si les grêlons et les coups de vent ont martyrisé ce vignoble, d’autres vignerons contactés font état d’impacts bien plus modérés. « Certes il y a des dégâts, mais rien de catastrophique. Il y a parfois bien plus grave » partage ainsi un vigneron de Saint-Gilles. Faisant état d’un « orage d’une violence inouïe, une tempête avec des vent de 100 km/h arrachant les sarments, à un mois de la récolte (la véraison étant quasiment accomplie) », le viticulteur Freddy Chabrol, du domaine Saint-Luc (22 ha en AOP et IGP à Beauvoisin) estime que 10 à 20 % de ses vignes ont été grêlées pour 10 % à 20 % de pertes de récolte. Estimant ne pas avoir été le plus touché, le vice-président de la cave des Vignerons Associés (150 adhérents pour 1 800 hectares et 150 000 hectolitres produits) pointe que ce sinistre climatique s’ajoute à la sinistrose économique ambiante : « ça se rajoute à des conditions de marché catastrophiques. S’il n’y avait que la grêle on l’amortirait, mais depuis deux ans on n’a que des propositions de prix qui sont très très loin des seuils de rentabilité. »


« Dans le contexte économique actuel, quand s’ajoutent des calamités climatiques, tout est encore plus difficile pour passer le cap » reconnait le vigneron Bernard Angelras, ancien président de l’AOC Costières de Nîmes et actuel vice-président de Nîmes Métropole, soulignant qu’« il y a toujours eu des orages en juillet et août, mais leur violence augmente. C’est terrible pour le moral, avoir bien travaillé toute l’année et tout perdre en 10 minutes. » Avec des dégâts particulièrement hétérogènes entre parcelles voisines : « l’orage de grêle est assez jaloux. Des parcelles sont à -20 % et d’autres sont lourdement touchées » confirme le viticulteur Denis Verdier, le président de la Confédération des vins IGP du Gard. Pour le président cave des Vignerons Associés, le point positif des derniers orages reste l’apport d’eau : « très apprécié quand il n’y avait pas de grêle ».
Millésime plus apaisé
Après une année 2024 sous forte pression mildiou, le millésime 2025 semble plus apaisé dans le Gard, l’espacement des pluies ce printemps ayant permis de maintenir l’état sanitaire. Avec le manque d’eau des dernières semaines, la sécheresse commençait à inquiéter, mais les millimètres tombés sont rassurants pour Cyril Marès : « on a eu 25 à 80 mm. L’orage du 14 juillet est toujours bénéfique quand il n’y a pas de grêle. Jusque-là, le millésime est plutôt parfait. Les fortes chaleurs entre la nouaison et la véraison auront un impact sur la récolte, avec une diminution de la taille des baies. Mais la récolte sera belle, même si elle ne sera pas aussi importante que prévu. »