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"C'est devenu invivable" Le ras-le-bol des vignerons face aux sangliers qui déciment leurs parcelles, mangent les raisins...
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Une note salée
"C'est devenu invivable" Le ras-le-bol des vignerons face aux sangliers qui déciment leurs parcelles, mangent les raisins...

Parcelles décimées, récoltes perdues… À l’approche des vendanges, les sangliers mettent les nerfs et les finances des vignerons à rude épreuve. Certains jettent l’éponge, d’autres investissent en urgence dans des clôtures à prix d’or.
Par Chantal Sarrazin Le 04 août 2025
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Guilhem Quartironi, copropriétaire du domaine des Pradels-Quartironi, 12 ha en appellation Saint-Chinian à Pierrerue, dans l’Hérault devant sa clôture fixe - crédit photo : Domaine Quartironi Pradels
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lus question de laisser leur récolte aux sangliers. Cet hiver, Magali et Guilhem Quartironi ont investi dans une clôture métallique fixe pour protéger une parcelle de 1 ha au milieu des bois, ravagée tous les ans. En 2024, les sangliers y ont englouti 1 000 kg de raisins, soit le tiers de la récolte. Pourtant, cette vigne était protégée par une clôture électrique. « Protégée en principe, précise Magali, propriétaire avec son frère Guilhem du Domaine des Pradels-Quartironi, 12 ha en appellation Saint-Chinian à Pierrerue, dans l’Hérault. Cette clôture était composée d’un câble, plus efficace que les fils, et de deux fils, avec un super poste d’alimentation électrique monté sur une batterie rechargée très souvent et des prises de terre toujours humidifiées. Elle était en outre vérifiée tous les deux jours de fin juillet à la récolte. » Une protection qui s’est révélée insuffisante. « Les sangliers ne craignent plus rien, souffle son frère. Ils prolifèrent. Les portées sont de plus en plus fréquentes et nombreuses. En période de sécheresse, tout ce petit monde vient se nourrir et s’abreuver avec nos raisins. »

Indemnisation insuffisante

Face à l’ampleur des dégâts qu’ils ont subis dans cette parcelle et ailleurs, ces vignerons ont demandé à l’expert de la fédération de chasse de venir évaluer les pertes. « On ne les déclare pas tous les ans : c’est lourd administrativement et on manque de temps avant les vendanges. Mais l’an dernier, on n’a pas voulu laisser passer », explique Magali Quartironi. Mais l’indemnisation est restée très insuffisante à ses yeux car elle ne prend pas en compte la valeur des vins perdus, seulement celle des raisins. Alors, cet hiver, elle et son frère ont installé eux-mêmes une clôture fixe sur la parcelle la plus exposée, au cœur des bois. Coût du matériel : 4 500 €, dont 25 % pris en charge par la Fédération des chasseurs de l’Hérault. Ailleurs, ils continuent de miser sur les clôtures électriques faute de mieux.

À Cournonsec (Hérault), Olivier Moreau, propriétaire des 12 ha du Domaine de Terre Mégère, est dans le même état d’esprit. Plus question de voir sa récolte décimée par les sangliers. L’an dernier, ces animaux ont englouti près de la moitié des grappes d’une parcelle de 5 ha de viognier. Pour se protéger, Olivier Moreau a investi cet hiver dans une clôture fixe de 3,5 km en treillis soudé : un grillage ultrarésistant de 1,20 mètre de haut, maintenu par des poteaux de 7 mm de diamètre espacés de 1,50 mètre. Le vigneron a mené ces travaux avec un collègue qui leur ont pris trois mois à plein temps. « Nous avons clôturé 6,5 ha d’un seul tenant et 1,5 ha supplémentaire situé plus loin, explique le vigneron. Ce sont nos secteurs les plus sensibles. » L’addition est salée : 20 000 € sans compter le temps de travail.

Addition salée

Au Domaine La Rouquette à Saint-Privat (34), son confrère Loïc Benezeth a d’ores et déjà clôturé la moitié de ses 8 ha avec du grillage rigide de type Cyclone en étalant cette charge sur plusieurs campagnes. « Je prévois un budget de 5 000 € par an, souligne-t-il. C’est la seule solution efficace. Il me reste des parcelles protégées par un simple grillage à mouton, mais les sangliers foncent au travers pour aller manger les grappes ou seulement quelques grains. Dans tous les cas, une fois qu’ils ont croqué dans une grappe, du jus s’en échappe et c’est impossible à vendanger. »

Loïc Benezeth estime avoir perdu 10 000 € l’an dernier. L’essentiel vient de la perte de 1 000 plants de grenache blanc, entièrement dévorés, qui venaient d’entrer en production. En tout, il a touché 5 000 € d’indemnisation, un montant calculé sur la base de 2 € le kg de raisin, ce qui est loin de couvrir les pertes réelles pour ce vigneron en cave particulière.

21 000 sangliers abattus dans l'Hérault en 2024

L’an dernier, un peu plus de 21 000 sangliers ont été abattus dans l’Hérault. Les chasseurs ont versé 300 000 € aux agriculteurs. Des chiffres insuffisants aux yeux des viticulteurs. « Cette situation crée inévitablement des tensions entre agriculteurs et chasseurs, regrette Raymond Llorens, viticulteur lui aussi, élu à la chambre d’agriculture de l’Hérault et référent de ce dossier. De nombreuses mesures ont été prises pour réguler l’espèce : ouverture de la chasse du 1er juin au 31 mars, autorisation du piégeage, tirs de nuit… Mais, cela ne suffit pas à régler le problème. Il faudrait davantage de battues en été. Au-delà des conséquences économiques, c’est le moral des vignerons qui en prend un coup. Ils ont le sentiment d’être incompris. »

Dans le département voisin de l’Aude, la situation n’est guère meilleure. « C’est devenu invivable, s’emporte Henri Serral, viticulteur à Portel-des-Corbières (11) sur 23 ha. Chaque année, il y a des parcelles qu’on ne vendange même plus : les sangliers s’en chargent. Avec la baisse des rendements due au réchauffement climatique et la hausse des charges, ces pertes deviennent insupportables. »

En 2034, ce vigneron n’a pas récolté 4,5 ha d’une parcelle dégradée par les attaques et victime de la sécheresse. Dépité, il a même arrêté de poser des clôtures électriques autour de ces parcelles. « Ça prend beaucoup de temps, et j’avais malgré tout des dégâts. Un matin d’août, j’ai découvert une horde dans une parcelle qui était pourtant clôturée », souligne-t-il. Sa crainte ? Que la situation s’aggrave encore. Autour de son exploitation, des vignes viennent d’être arrachées dans le cadre de la campagne nationale. À la place, des friches vont s’installer. Un refuge idéal pour les sangliers qui risquent de proliférer encore plus.

Dans le Gard, le département qui dénombre le plus de sangliers abattus – 35 000 chaque année –, Olivier Klein, le propriétaire du Domaine La Réméjeanne à Sabran, est plus serein en cette veille de vendange. « Après d’importants dommages en série, il y a une dizaine d’années, nous avons en partie résolu le problème grâce aux clôtures électriques », explique-t-il. Mais il y a mis les moyens.

Décharge puissante et dissuasive

Pragmatique, ce vigneron a divisé ses 25 ha répartis autour de son domaine en huit îlots de 3 ha. Chacun est protégé par une clôture électrique à trois fils, dont le plus bas est placé assez près du sol pour empêcher le passage des marcassins. Ces clôtures ne sont pas branchées sur une simple batterie, mais sur le réseau électrique de l’exploitation. De quoi garantir une décharge puissante et dissuasive.

« Nous les installons en début de véraison, expose Olivier Klein. Malgré cela, quelques sangliers réussissent à pénétrer dans les parcelles. Une fois qu’ils sont à l’intérieur, ils dévorent les raisins. Toutefois, les dégâts demeurent limités à 2 à 3 % maximum. Si on ne faisait rien, le tiers de la récolte y passerait. » Si le système est efficace, il est contraignant. L’installation prend deux semaines à deux personnes. Puis, une a deux heures par jour jusqu’aux vendanges pour vérifier le bon état de la clôture, réparer et nettoyer ce qui doit l’être.

Au domaine de La Patience, 90 ha à Bezouce (30), Christophe Aguilar, le propriétaire, a opté pour une solution plus radicale : il abandonne purement et simplement ses parcelles les plus attaquées ou les replante ailleurs. « Les clôtures électriques, c’est trop de surveillance et d’entretien. Avec la crise actuelle, c’est une charge que l’on ne peut plus supporter. Il y a deux ans, les cochons sauvages ont dévoré 100 % des chardonnays d’une parcelle de 90 ares, pourtant électrifiée, à quatre jours des vendanges, peste-t-il. Résultat, 18 000 € de chiffre d’affaires évaporés en une nuit. J’ai rendu la parcelle à son propriétaire. »

Depuis quatre ans le vigneron a entrepris d’arracher les vignes non irriguées qui arrivent en bout de course pour les replanter dans des secteurs où les sangliers sont absents. Il a déjà déplacé 8 ha. Et 3 à 4 ha supplémentaires vont l’être dans les années à venir.

Dans le Sud-Ouest, des vignerons vivent un enfer. « En 2022, j’ai eu 50 % de perte sur la trentaine d’hectares que je possède. Les dégâts ont eu lieu de la véraison jusqu’à la fin des vendanges, confie l’un d’eux qui souhaite garder l’anonymat, tant le sujet est sensible dans son département. L’année précédente, j’avais subi le gel et je n’avais pas pu fournir mes clients normalement. Ils s’étaient montrés indulgents. Mais les dommages dus aux sangliers, en revanche, ils ne l’ont pas compris. J’ai perdu des clients. Cela met mon exploitation en péril. »

En plus de manger les raisins, les sangliers avalent la cire qui protège les plantiers

En plus de manger les raisins, les sangliers avalent la cire qui protège les plantiers. Ils retournent la terre dans les rangs de vigne, cassent les fils… Clôturer ? Impossible pour ce vigneron car ces parcelles sont disséminées dans les bois. Pour se défendre, il a donc repris le droit de chasse sur sa propriété où les tirs d’approche sont autorisés du 1er juin au 28 février.

Chaque soir du 1er juin à la fin des vendanges, des chasseurs viennent à tour de rôle. Le piégeage étant permis depuis le 1er avril jusqu’à l’ouverture de la chasse, il installe également des pièges. « Cette année, j’ai déjà attrapé 13 sangliers, nous dit-il début juillet. Je ne fais pas des miracles, mais c’est le meilleur moyen de régulation sur mon exploitation. Toutefois, c’est toute une organisation à mettre en place qui se greffe à des journées de travail déjà bien chargées durant cette période de l’année. » Le lourd prix à payer pour récolter le fruit de son travail.

Dans le Var, un allié inattendu

Moins de sangliers dans le Var ? C’est le constat que font plusieurs vignerons de l’arrière-pays de ce département. « Il y a encore trois ou quatre ans, je voyais chaque soir des mères suivies de leurs petits à proximité de nos vignes, dépeint Saïd Guerouat, chef de culture du domaine du Grand Cros, 30 ha à Carnoules (83). Depuis deux ans, on en voit moins. Cette année, je n’ai vu qu’une famille courant juin. » Saïd Guerouat explique cette raréfaction des sangliers le développement du loup dans les massifs environnants. Un développement que les données de l’Office français de la biodiversité confirment. Ce prédateur ne s’attaquerait pas uniquement aux moutons, mais aussi aux jeunes sangliers. Sans donner plus de détail, la fédération départementale des chasseurs du Var confirme « un impact du loup sur les populations de sangliers ». Par ailleurs chasseur, Saïd Guerouat exerce ce droit sur sa propriété avec des coéquipiers. L’an passé, ils n’ont abattu que trois sangliers. Cette année ils n’ont même pas sorti leurs fusils. S’il cause des dégâts aux élevages, le loup peut s’avérer bénéfique pour la viticulture.

Tags : Gard Aude
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