lerte au mildiou dans le Var. Depuis février, des pluies fines et continues arrosent le département. « C’est simple, depuis le mois de mars, les sols sont détrempés et des flaques stagnent dans les rangs », se désole Adrien Pertusa, à la tête de 30 ha à Cogolin, dans le Var. Et comme si ça ne suffisait pas, ce vigneron a vu une de ses vignes de 4,5 ha inondée suite aux orages du 20 mai.
« L’an passé, on était déjà sous pression phyto, mais cette saison est particulière, avec chaque semaine des pluies de faible intensité qui se répètent. » Des conditions idéales pour le mildiou, qui ont obligé le vigneron à commencer les traitements dix jours plus tôt que d’ordinaire : le 10 avril, au stade trois-quatre feuilles étalées avec un produit systémique à demi-dose. « Nous sommes réintervenus dix jours plus tard avec un autre systémique à pleine dose », poursuit-il. Le 18 mai, deux jours avant les intempéries, il en était à son cinquième traitement. Et dans la parcelle inondée, il a dû en effectuer un de plus le 26 mai. Ses parcelles étant enherbées un rang sur deux, il a pu y passer avec son tracteur. À date, il n’accusait pas de symptômes. Mais dans la parcelle inondée, il avait quelques craintes car au moment du traitement, les feuilles étaient recouvertes de boue, ce qui a pu nuire à l’efficacité du produit.
Le Château La Gordonne, 290 ha à Pierrefeu-du-Var, subit des conditions identiques. « La difficulté, c’est de trouver des fenêtres de tir car les pluies sont incessantes, souligne Océane Pagot, chargée de mission vigne et vin. Jusqu’à présent, nous y sommes parvenus. Nous avons démarré la protection le 20 avril, au stade trois feuilles étalées, avec du cuivre et du soufre. Et à la fin mai, nous avions déjà réalisé trois interventions. Jusqu’à présent, on contient les maladies. »
Dans la vallée du Rhône, Céline Barbaud, propriétaire du domaine des Favards, 25 ha à Violès, dépeint elle aussi une saison « hors norme ». « Dès le matin, nous voyons de la rosée sur nos vignes », indique cette viticultrice qui conduit son vignoble en bio. Depuis le mois de mars, il pleut en moyenne tous les sept à dix jours. L’eau n’est pas assez abondante pour pénétrer dans les sols, mais elle est suffisante pour favoriser le développement du mildiou. Entre le 26 avril – à trois feuilles étalées –, et le 10 mai, le domaine avait déjà réalisé quatre traitements au cuivre et au soufre. « C’est la première fois que nous effectuons autant de traitements dans ce laps de temps, observe la vigneronne. Et il a été très difficile de trouver les bons créneaux, sans pluies ni vent. Heureusement, c’est mon père qui réalise les traitements. Il est prêt à tout moment, les dimanches, les jours fériés, le soir après 18 h 00… »
Grâce à ce soutien sans faille, elle ne déplore aucune attaque de mildiou sur ses vignes. Plus inquiétant en revanche, elle a repéré à la mi-mai quelques taches éparses de black-rot sur des feuilles de grenache. « Il semblerait que la maladie soit plus présente que l’an dernier, considère-t-elle. À ce stade, il est impossible de savoir si elle va se développer sur grappes. » La vigneronne croise les doigts pour que ce ne soit pas le cas. « En bio, nous ne possédons aucun moyen de lutte suffisamment efficace », rappelle-t-elle.
Ces pluies inhabituelles dans le Sud-Est touchent également les vignobles du Languedoc-Roussillon. « Après deux années de sécheresse intense, nous n’étions plus habitués à la pluie et aux pressions des maladies cryptogamiques, relève Fabien Garcia, vigneron coopérateur sur 40 ha à Montbrun-des-Corbières, dans l’Aude. L’an dernier, je n’ai effectué que trois traitements sur l’ensemble de la saison. » En 2025, ce n’est pas la même histoire. « La pression est bien là, souligne-t-il. Heureusement, les températures sont fraîches, entre 10 et 12 °C, ce qui est inhabituel pour la saison, mais cela limite le développement du mildiou. Il faut toutefois rester extrêmement vigilant. »
Sa stratégie ? Resserrer les cadences entre chaque traitement, en intervenant à l’aide de petites doses. Il a amorcé le premier traitement le 15 avril, lorsque les pousses faisaient 10-15 cm, en pulvérisant du fosétyl au tiers de la dose autorisée, associé à 375 g de cuivre métal. Il a ensuite réalisé deux autres passages à douze jours d’intervalle chacun, avec une demi-dose de fosétyl et 500 g cuivre. « Je n’ai pas d’attaques pour le moment, constate-t-il, sauf sur une parcelle de carignan à l’abri du vent, où j’ai constaté des taches sur feuilles et quelques inflorescences touchées. J’ai donc réalisé un traitement cuivre-fosétyl supplémentaire sur cette parcelle, qui s’est avéré efficace car les symptômes ont séché. »
Vigilance également pour Alexandre Miramont, propriétaire de 30 ha à Salles-d’Aude, dans l’Aude. Affecté par la sécheresse l’an passé, « je n’avais pas connu de pression, confie-t-il. Cette année, en revanche, j’observe par endroits des taches sur feuilles ». Lui aussi, pourtant, a entamé les traitements tôt, dès le 22 avril, à trois feuilles étalées. Il les a ensuite renouvelés tous les douze jours, en alternant entre produits pénétrants et systémiques, qu’il a appliqués à 75 % de la dose. La semaine du 26 mai, il s’apprêtait à effectuer le quatrième. « Pour le moment, tout est sous contrôle, ajoute-t-il. Mais il ne faut pas lâcher la bride, d’autant qu’il y a de l’herbe dans les parcelles car à cause de la pluie, nous n’avons pas pu passer pour travailler les sols. »
« C’est le monde à l’envers », clame de son côté Georges Assens, propriétaire du Clos de La Madeleine, 75 ha à Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales. « L’an passé, nous avons fait une petite récolte à cause du manque d’eau, nos plus vieilles vignes en sont mortes, relate-t-il. Cette année, c’est humide en permanence et le mildiou en profite pour s’installer. Nous en avons repéré sur feuilles et sur grappes à certains endroits. C’est encore limité. » Après un premier traitement à la bouillie bordelaise et au soufre mouillable, le 12 avril, au stade trois feuilles étalées, il a de suite resserré les cadences. « Habituellement, nous attendons douze jours pour renouveler, cette année, nous avons réduit à sept jours. » Et il a opté pour des produits systémiques et pénétrants en alternance, appliqués à pleine dose. Le vent s’étant levé depuis le 20 mai, il compte désormais sur cet allié pour assécher le mildiou.
À défaut de drones, c’est leur espoir que les vignerons varois ont vu s’envoler. Après les pluies diluviennes qui se sont abattues sur le département le 20 mai, les pouvoirs publics ont bien publié un arrêté interministériel les autorisant à traiter par drones les vignes rendues inaccessibles. Et ce, à peine cinq jours après le drame. Sauf que l’unique produit autorisé pour effectuer ce traitement, la bouillie bordelaise RSR Disperss… n’était alors pas disponible chez les distributeurs. Dépités, les vignerons de la seule commune ayant bénéficié de cette mesure, Bormes-les-Mimosas, ont donc dû renoncer aux drones, après avoir passé plusieurs jours à lutter pour obtenir cette dérogation.