ransformer un échec en réussite. Après avoir semé pendant trois ans un enherbement sous le rang qui n’a jamais poussé, Jean-Yves Cahurel change de stratégie. En 2017, le responsable des expérimentations à l’IFV pôle Bourgogne, Beaujolais, Jura, Savoie s’en remet à la Nature et décide de laisser pousser la flore spontanée sous les rangs de cette parcelle et d’entretenir les interrangs par un simple griffage. Bonne pioche.
Après sept ans de suivi, les résultats sont très positifs : comparé au désherbage mécanique intégral, cet itinéraire simple, sans herbicide n’impacte pas la vigueur, ni les rendements, ni la qualité des raisins. Surtout, il réduit les coûts d’entretien du sol de 70 à 80 % par rapport au travail du sol intégral ou au travail du rang avec enherbement des interrangs. Mais attention il n’est pas transposable à toutes les situations. Explications.
Jean-Yves Cahurel a réalisé cet essai dans une parcelle de gamay située sur un sol granitique à Saint-Etienne La Varenne, taillée en cordon et plantée à 2 m 20 d’écartement entre les rangs. « Ce sol constitué à 70 -80 % de sable et de moins de 10 % d’argile est très filtrant. Même s’il est relativement profond (au moins 1m50), la réserve hydrique est faible », explique l’expert.
Dans ces conditions, une flore peu envahissante, composée de vulpie queue de rat, de rumex petite oseille, de crépis de Nîmes, de trèfle des champs, de coquelicot, d’andryale et de plantain lancéolé s’est installée. « Comme la réserve hydrique est faible, les adventices se développent principalement en surface et sèchent l’été. De plus aucune espèce problématique ne s’est développée : nous n’avons pas eu de liseron, ni chiendent ou encore de chardon », détaille le chercheur.
En plus d’être peu concurrentiel, cet enherbement n’a pratiquement pas nécessité d’entretien : il a suffi de le tondre une seule fois les deux premières années puis les expérimentateurs n’ont plus eu à intervenir sur le rang. Ils ont tenu la vigne propre en effectuant deux à trois passages dans l’interrang selon les années. « Notre matériel permet de travailler sur 1m50 à 1m60 de large, ce qui laissait une bande enherbée de 30 à 35 cm de part et d’autre du rang, détaille encore Jean-Yves Cahurel. Et la vigne étant large, l’enherbement n’a couvert qu’un tiers de la surface totale. Soit une surface moindre que lorsque les interrangs sont enherbés ».
Si cet itinéraire semble paré de toutes les qualités, il n’est pas généralisable à toutes les parcelles prévient Jean-Yves Cahurel. « Si on avait eu affaire à des espèces problématiques, les résultats n’auraient pas été les mêmes. De même si la parcelle était installée sur un sol lourd ou si l’on était en vigne étroite. Il faut donc rester prudent sur la mise en place d’un tel itinéraire et bien prendre en compte le type de sol et la flore présente. Et faire un test sur une petite surface pour voir si ça fonctionne avant de le mettre en place sur l’ensemble d’un domaine », insiste le chercheur.
Le travail du sol ayant un effet délétère sur la biologie des sols, les chercheurs de l’IFV pôle Bourgogne, Beaujolais, Jura, Savoie ont mis en place un nouvel essai dans la parcelle en gardant l’enherbement naturel sous les rangs mais avec un engrais vert dans les interrangs qui est roulé en mai. « On sème chaque année après les vendanges un mélange à base de féverole, vesce, trèfle incarnat, de seigle, phacélie, moutarde. Mais sur notre type de sol, on a dû mal à faire de la biomasse. Le couvert reste nain », précise Jean-Yves Cahurel. Difficile de gagner sur tous les tableaux !