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Si la filière vin ne défend pas ses phytos, elle va les perdre un par un
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Mise en garde
Si la filière vin ne défend pas ses phytos, elle va les perdre un par un

Le rattrapage in extremis de l’herbicide Pledge pour son usage dans le vignoble cette année ? C’est grâce à la Fédération Nationale des Producteurs de Fruits et à maître Timothée Dufour. Originaire de Dordogne, le jeune avocat parisien spécialisé dans les causes paysannes appelle la filière vin à se mobiliser pour préserver ses capacités de protection et de production.
Par Alexandre Abellan Le 22 avril 2025
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Si la filière vin ne défend pas ses phytos, elle va les perdre un par un
Venant de signer le livre La Défense est dans le pré (avec Éric de la Chesnais journaliste au Figaro, paru aux éditions du Rocher), Timothée Dufour est intervenu sur des dossiers opposant des éleveurs à des néoruraux (pour des meuglements, odeurs…), un pisciculteur ou des riziculteurs et à des associations environnementales… - crédit photo : Daniel Dorko - agence Réa
C

omment êtes-vous devenu l'avocat des causes agricoles ?

Timothée Dufour : De manière assez paradoxale. J'ai commencé à l'ambassade de France à Dehli puis au sein du grand cabinet d’avocats Gide Lorette Nouel sur des sujets pointus de labos phytos et des sujets d’énergie. Et puis il y a eu cette rencontre avec l'éleveur Fabien Le Coïdic pour son projet de ferme bio à Adainville (Yvelines) qui faisait face à l'opposition de voisins portée par Odile Jacob. Je me suis rendu compte que j'étais plus épanoui en suivant ce fil rouge agricole plutôt qu'en restant dans des cabinets tamisés. Je suis quelqu'un de terrain.

Derrière les affaires médiatiques, dont certaines sont évoquées dans mon livre, ce sont des filières qui sont en jeu avec tout leur écosystème. Pour le dossier du Pledge, la stratégie consistait à mettre la filière (la Fédération Nationale des Producteurs de Fruits, FNPFruits) aux côtés du fabricant. On ne peut plus jouer isolés dans les les filières et interprofessions ne peuvent plus rester à l’écart des procédures contentieuses. L'urgence agricole a été reconnue par le tribunal des référés parce que la filière arboricole a répondu présente. C’est cette même recette qu’il faudra systématiquement utilisée à l'avenir.

 

L'utilisation de l'herbicide Pledge a donc été sauvé dans les vignobles, qui l'utilisent au premier chef, grâce à l'intervention de la filière des fruits.

La leçon que l'on peut tirer de cette affaire, c'est qu'il ne faut pas que le secteur viticole craigne de se manifester dans les prétoires. Je sais que la filière vin fait face à vent et marées et peut se placer en retrait face à des allégations formulées par différentes associations. Mais ce n'est pas la bonne stratégie. Je vois lors des audiences des ONG très structurées pour les suivre et intervenir. Est-ce que l'on est capable d'avoir le même investissement ? L'avenir des filières agricoles ne se joue pas que dans les réunions à Paris avec le MASA ou en assemblée de syndicats dans les territoires, il se décide aussi dans les palais de justice. La filière de l'arboriculture l'a particulièrement compris.

 

L'attaque des vins Bordeaux pour diffamation à l'encontre de Valérie Murat et de l'association Alerte Aux Toxiques a donné lieu à des accusations de procédure-bâillon : cela pourrait expliquer la réticence de la filière viticole à intervenir sur un sujet phyto aussi inflammable.

Je ne crois pas qu’on puisse aujourd’hui rester inactif lorsque les intérêts des producteurs sont en jeu. Parce qu'en fin de compte, quand on n'a personne pour assurer la contradiction devant le juge, on laisse toute la place aux associations. Ce retrait ne pourra pas durer longtemps parce qu'à défaut, si personne n'avait été là pour défendre le Pledge, il n'y en aurait peut-être plus aujourd'hui. Je crois que l'on va vers une judiciarisation de la société.

J'ai des craintes quand des producteurs m'appellent pour me demander ce qu'ils risquent s'ils utilisent des matières interdites? J'ai peur quand je vois des producteurs acculés par les distorsions de concurrence. Le Pledge l'illustre, il est utilisé massivement ailleurs, mais l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a pris une décision contraire au bon sens et aux conclusions de l'État rapporteur zonal pour l'autorisation de la molécule. Cette décision distille le malaise : pourquoi interdire en France ce que d'autres pays voisins autorisent ? L'Anses doit veiller à uniformiser ses décisions avec le cadre européen pour qu'il n'y ait pas de disparités entre pays européens.

 

La volonté de la filière vin de ne pas être en avant sur ce sujet pourrait aussi témoigner d'une volonté de suivre l'attente sociétale de réduction de phyto et de ne pas s'opposer au sens de l'histoire...

À mon sens, on ne peut réduire l'usage des phytos que dans le strict respect des règles communautaires et dès lors que les décisions prises en matière de retrait s’appliquent sur la totalité du sol européen : on ne peut pas se permettre de retirer les molécules utilisées en Espagne et en Italie. On n'a jamais autant parlé de distorsions de concurrence depuis la crise agricole et le grand public a bien compris l'enjeu. L'Anses est sensible aux impasses techniques, mais l'est moins sur les impacts économiques. Il y a une part de responsabilité des filières agricoles dans la vulgarisation des problématiques pour défendre l'utilité des molécules, expliquer les difficultés et les limites des alternatives.

 

Concrètement, où en est le dossier du Pledgedepuis la décision du juge des référés du tribunal administratif de Lyon ce 11 février ?

Il n'y aura pas de décision au fond avant un an. J'espère que l'Anses dégoupillera l'affaire avant la décision au fond pour sortir par le haut et accélérer le traitement du dossier. Le rappel du cadre communautaire a été rappelé par le juge administratif. Le plus stratégique était le référé. À l'avenir que la filière vin n'hésite pas à entrer dans les prétoires pour défendre ses intérêts.

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Olivier Metzinger Le 22 avril 2025 à 15:25:11
Le webinaire de vitisphère était très enrichissant en la matière. L'ANSES nous a expliqué sa démarche de travail pour délivrer des AMM. Le principal écueil est qu'ils n'utilisent pas la balance "bénéfices/risques" comme elle existe généralement pour ce type d'homologation. Selon eux, il n'y a pas de bénéfice pour la population en général de protéger des cultures. Avoir de quoi se nourrir en quantité, de qualité, de manière abordable et localement ne rentre pas dans l'algorithme décisionnel. Monsieur Dufour a complètement raison, si on ne regarde que le risque pour la société mais jamais les bénéfices, les matières actives vont méthodiquement disparaitre. Il ne peut en être autrement. En justice on appelle cela instruire à Charge... C'est extrêmement grave, et surtout très limite d'un point de vu éthique. Pour protéger la population Française de "risques" éventuels, l'ANSES fait le choix d'exporter ces "risques" vers d'autres Pays, desquels nous importeront les aliments, vins, etc, après production.
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