aillante plus que fringante, la semaine de présentation officielle du dernier millésime en cours d’élevage s’achève à Bordeaux : les assemblages 2024 ont pu défendre dans les verres des acheteurs potentiels toutes leurs qualités, témoignant d’une maîtrise technique permettant, les bonnes années, d’enchaîner les millésimes du siècle (quitte à lasser) et évitant, lors des millésime pluvieux, les catastrophes industrielles connues par le passé (semblant, désormais, maîtrisées). Finis les grands creux de Bordeaux ? Techniquement oui, mais commercialement… Rien n'est moins sûr. La réussite d’une campagne des primeurs se mesure à l’adéquation entre prix de sortie et demande du marché. Le fameux rapport qualité primeur.
Déjà fleurissent les appels aux fortes baisses des prix : certains parlent de -30 % par rapport aux prix de sortie de l’an passé, qui affichaient déjà 20 % de rabais (après des prix explosifs pour un millésime 2022 au-dessus du lot). Appelées à faire de nouveaux efforts tarifaires au nom de leur distributivité, les propriétés font face à la réalité d’un marché du vin se déstructurant commercialement et dévalorisant ses stocks invendus. Y compris sur le haut de gamme, qui était encore récemment préservé dans sa bulle spéculative. Tout l’enjeu pour les châteaux sera d’opérer un atterrissage en douceur pour éviter de grand crus crashés. Mais bien malin qui peut savoir comment se déroulera la campagne de mise en marché des primeurs 2024, entre les inconnues de la stratégie commerciale individuelle des propriétés (prix et volumes) et des réactions du marché (plus que chamboulé, et sans aucune visibilité sous l’effet de Donald Trump). "O tempora, o primores !" Quelle époque, quels primeurs dirait un Soucicéron…
Dans ces temps troublés, où les primeurs doivent être réinventés et adaptés, la place de Bordeaux est appelée à se prendre en main. Elle commence déjà par prendre la parole, ce qui n’est pas une évolution à minorer. Des bilans techniques de millésime promus par les Unions et autres Conseils, en passant par les lettres de courtiers, l’idée sous-jacente est clairement que ce millésime 2024 de combat à la production a besoin d’être défendu commercialement. Pour Bordeaux, il ne faut pas laisser des critiques extérieures monopoliser la parole sur Bordeaux. En somme, on n’est jamais mieux servi que par soi-même pour faire passer ses messages : y compris sur l’accessibilité dans la jeunesse de ces vins à potentiel de garde. Encore faut-il convaincre les consommateurs qu’il y a de belles affaires à ne pas manquer. « Un accusé est cuit quand son avocat n'est pas cru » disait Pierre Dac, à Bordeaux c’est quand les prix ne sont pas crus que les primeurs sont cuits.