enue du lundi 14 au jeudi 17 avril, la semaine des primeurs du millésime 2024 dans le vignoble bordelais laisse à ses 5 000 visiteurs annoncés des notes de dégustation prometteuses et une grande interrogation : à quoi ressemblera la campagne de commercialisation ? Rapide avec d’entrée un signal fort pour la distributivité ou languissante avec des stratégies décousues se cherchant ? Pour l’instant, la seule certitude tient de l’évidence : les marchés attendent une baisse substantielle des tarifs pour renouer avec le rapport qualité-primeur permettant d’envisager de gagner de l’argent et pas immobiliser un stock en coûtant.
Se basant sur les retours « de 50 acteurs majeurs du commerce des grands vins », l’agence d’analyse économique Wine Lister chiffre cette demande de rabais : « même après une baisse moyenne de -19 % des prix de sortie en primeur en 2024, notre enquête menée auprès révèle que le secteur s’attend encore à une baisse supplémentaire de -31 % cette année ». Parmi les sondés, « un consensus quasi-total se dégage sur la nécessité d’une nouvelle correction des prix » résume l’étude.
Réticence des affaires
Si un tel signal ne déplairait pas à une partie du négoce, voulant renouer avec les marchés pour refaire bouger des caisses, les courtiers et propriétés semblent moins enclins à baisser tous les prix de sortie, ainsi que leurs commissions et revenus. Ne serait-ce que parce que chaque cru est spécifique (dans son historique, la force de sa marque, ses investissements, sa présence sur le marché, son soutien à la distribution, etc.), que les volumes disponibles s’annoncent réduits et ont été coûteux à produire (le millésime 2024 ayant été éprouvant, pour cause de pluie et de mildiou). L’argument massue pour ne pas basculer dans les -30 % reste le contre-exemple de l’an passé : le marché demandait une baisse de 20 % du prix de sortie des primeurs 2023, revenant ainsi au niveau des primeurs 2019 réussis en plein covid. Mais après une réduction moyenne de 19 % au printemps 2024, il n’y a finalement eu aucune demande consistante pour la majorité des étiquettes sorties en primeurs 2023, qui ont augmenté les stocks à la propriété et au négoce.
« Bien sûr, [la baisse à 31 %] ne garantirait pas le succès des primeurs » répond Wine Lister à Vitiphere, indiquant que cela « reflète plutôt la perspective du négoce face à la question » posée : "pour que la campagne en primeur 2024 relance la demande pour les vins de bordeaux, quel est, selon vous, le prix de sortie maximum viable par rapport à 2023 ?" Pour Wine Lister, on en déduit « à quel prix ils pensent voir de l’activité commerciale pour les primeurs 2024 ». Quant à l’interrogation de la place de Bordeaux sur le risque de dépréciation de tous les stocks, l’agence indique que « sur les répercussions potentielles sur les millésimes précédents, notre étude sortie l’année dernière avait justement interrogé les répondants sur ce sujet : deux tiers ont répondu qu’un prix de sortie plus bas n’affecterait pas les millésimes passés ».
Besoin d’un coût de jeune
Prenant de la hauteur, Wine Lister pointe que « l’instabilité socio-économique mondiale et l’évolution des contextes politiques ont réduit le pouvoir d’achat des consommateurs de vins premium. Toutes les grandes régions viticoles ont connu une baisse des prix cette année ». Face aux défis actuels, « l’avenir de Bordeaux est loin d’être scellé, mais la région se trouve à un moment charnière » prévient l’agence, qui salue de nouvelles approches : « les acteurs du secteur réfléchissent aussi de manière créative à comment raviver l’intérêt des jeunes consommateurs » avec « la création de contenus et d’événements spécifiquement conçus pour les jeunes, qui leur offrent la possibilité de goûter des millésimes matures, tout en veillant à ce que les vins, et en particulier les seconds vins, soient accessibles jeunes, avec un branding plus attractif ».