eux temps auront articulé les journées de la Commission interprofessionnelle d’étude des techniques d’application de produits phytosanitaires (Cietap), organisées par Végéphyl à Montpellier les 12 et 13 mars derniers : d’abord en salle, puis en plein air.
C’est dans l’amphithéâtre d’Agropolis que l’IFV est revenu sur les quatre ans d’existence de la plateforme Performance Pulvé, qui classe les pulvérisateurs selon leur qualité d’application et leur potentiel de réduction des doses afin de guider les utilisateurs dans leur choix. À ce jour, 39 appareils - 25 pour les vignes larges et 14 pour les vignes étroites - sont référencés sur cette plateforme.
« Cette liste inclut des appareils à voûte à mains et à canons à jet porté avec des bons résultats [la voûte ECO + 2MR, de Calvet, et la voûte à jet porté 4 mains 4 canons, de Hervé & Mauricio, ndlr], rapporte Sébastien Codis, ingénieur mécanisation et protection du vignoble à l’IFV Occitanie. Ces pulvérisateurs étant assez abordables, ils représentent un bon compromis entre qualité d’application et porte-monnaie fatigué. » Encore faut-il les utiliser correctement. En effet, utilisé tous les deux rangs, le pulvérisateur Hervé & Mauricio apparaît en classe 3, mais il tombe en classe 7 s’il est utilisé tous les trois ou quatre rangs.
L’IFV présente ensuite StopDrift, son dispositif de mesure de la dérive des pulvérisateurs. Principal constat : les pulvérisateurs face par face à jet porté équipés de buses à injection d’air réduisent la dérive de plus de 66 %, et les panneaux récupérateurs équipés des mêmes buses la réduisent de plus de 90 % !
Autre constat : « Avec les pneumatiques, il n’y a pas beaucoup de moyens pour réduire la dérive, souligne Sébastien Codis. On ne peut pas agir sur la taille des gouttes ni sur la vitesse de l’air. En matière d’antidérive, mieux vaut une voûte à jet porté qu’une rampe pneumatique. »
Après cette matinée de présentation passée en salle, l’appel du grand air mène les participants à l’extérieur. Premier arrêt chez De Sangosse. Ce spécialiste des adjuvants est venu avec son banc Pulv&dyne démontrer l’efficacité de son LE846, un adjuvant qui augmente la taille des gouttes en sortie de pulvé puis améliore leur rétention et leur étalement sur le feuillage. De quoi réduire la dérive et augmenter la quantité de produit déposée sur la végétation. Avec des allures de caravane vitrée, ce matériel est pourvu d’une rampe mobile que l’on peut équiper de différentes buses et dont on peut régler la vitesse et la pression de travail. Sous la rampe, des plants de choux, de brome et d’oignon placés dans des supports vont servir de cobayes.
« Nous allons effectuer deux essais, explique Jean Lagrue, responsable national des outils et services adjuvants De Sangosse. Le premier avec une buse TeeJet AIXR, une buse antidérive, à basse pression, buse de référence servant à réduire les ZNT (Zone non Traitée), et le second une TeeJet TT, qui est un bon compromis entre la taille de gouttelettes et la qualité de pulvérisation et possède la particularité d’être très peu sensible au bouchage. Dans les deux cas, nous effectuerons deux tests, l’un avec l’adjuvant LE846 et l’autre sans. »
Après chaque application, Jean Lagrue récupère des plants et les fait passer sous une lampe à UV. Les différences sont sans appel. Sous la lumière noire, les plants apparaissent bien plus couverts d’impacts lorsque l’adjuvant a été ajouté à la bouillie. « Avec notre produit, il y a moins de rebonds, la bouillie colle mieux au feuillage ; la réduction de dérive avec une AIXR grimpe de 80 % à plus de 90 %, revendique l’expert. Il serait intéressant que cette combinaison puisse un jour être reconnue officiellement. »
Comme tout passe évidemment par les réglages du pulvérisateur, le groupe se dirige vers les locaux de l’IFV pour y découvrir la plateforme web Mon Réglage Pulvé, que l’institut a développée avec la chambre d’agriculture de la Gironde dans le but d’aider les viticulteurs à affiner leurs paramétrages.
« Nous avons par exemple l’onglet “Connaître la pression et les buses à utiliser pour être au vol/ha choisi”, explique Alexandre Davy, chargé d’expérimentation à l’IFV. En fonction de la vitesse de traitement, de la largeur traitée et du volume par hectare souhaité par l’utilisateur, le calculateur indique les buses qu’il peut utiliser et la pression à laquelle travailler pour obtenir le résultat voulu ! »
Pour obtenir ce résultat, l’IFV a référencé les caractéristiques de toutes les buses du marché. Son calculateur indique non seulement la pression à laquelle utiliser les buses que vous avez choisies, mais aussi si cette pression est correcte, trop faible ou trop forte par rapport aux consignes du fabricant. De quoi éviter les bévues et les mauvaises applications. D’autres onglets permettent de calculer le volume à l’hectare théorique à partir de la vitesse, de la largeur traitée, du type et du nombre de buse, et de la pression de travail, ou bien la pression à utiliser pour modifier un volume donné. Une plateforme assurément utile.
Direction le banc de test EvaSprayViti, sur lequel trône un pulvérisateur Berthoud Win’Air rétrofité qui se voit pourvu de buses PWM. Le résultat d’une collaboration entre l’IFV, l’Inrae, Berthoud et Optima Concept, fournisseur de ces buses et de leur système de régulation dénommé SRP. Cette machine à jet porté est équipée de quatre descentes pour traiter deux rangs par passage, et chaque descente dispose de quatre buses.
« Ce prototype nous sert à évaluer l’influence des modalités d’application des produits de biocontrôle sur leur efficacité, explique Sébastien Codis. L’idée n’est pas de conseiller à tous les viticulteurs de rétrofiter leur pulvé sur ce modèle car cela demande beaucoup de temps. » L’intérêt pour les chercheurs ? Pouvoir piloter le volume à l’hectare appliqué au niveau de chacune des buses indépendamment de la vitesse de progression du tracteur. En effet, la pulvérisation avec la buse PWM n’est pas continue, elle résulte de cycles très brefs d’ouverture et de fermeture qui confèrent une grande précision et une grande qualité d’application, indépendamment du changement de commande instantanée de chacune des seize buses.
Le tracteur s’élance entre les rangs de vigne artificiels. À peine est-il passé que tous les participants s’approchent afin d’observer la qualité de l’application : la précision et l’homogénéité de la pulvérisation sont indiscutables.
Une centaine de mètres plus loin, un pulvé ASD de Nicolas, attelé à un Landini, attend le groupe. Cet atomiseur traîné destiné à l’arboriculture dispose du système Azimut. Basé sur des capteurs d’ultrasons qui repèrent la végétation et sur un magnétomètre servant de compas, ce dernier coupe la pulvérisation en l’absence de feuillage, et en fin de rang lorsque le tracteur se met à braquer, même en présence de végétation pendant la manoeuvre (haie...). Azimut fonctionne seul ou en tandem avec un DPAE Bravo 350. Le tout est proposé autour de 1 500 €. « C’est un système économique que l’on pourrait tout à fait installer sur des atomiseurs en vigne », explique Bastien Séjourné, chargé du développement du projet Azimut.
Bon marché également : le Débitdouille. Christophe Auvergne (CA de l’Hérault) et Simon Moinard (Le Mas numérique) n’avaient besoin que d’une table d’écolier pour faire la démonstration de leur invention, un contrôleur de pulvérisation à construire soi-même. L’appareil indique la vitesse d’avancement, la pression de travail et le débit de chaque section sur le smartphone de l’utilisateur.
« Il s’agit d’équiper son pulvérisateur d’un débitmètre à chaque section, d’un manomètre, d’un GPS et d’un boîtier ESP32 pour faire le lien par Bluetooth avec un smartphone, explique Christophe Auvergne. Ensuite, on y installe une application afin de visualiser les informations. » Mais si le contrôleur est au point, il reste aux deux experts à finaliser le tutoriel qui en détaille les étapes du montage. En attendant, les plus hardis peuvent déjà se lancer. Le but : « Ne pas rajouter de charge mentale aux viticulteurs ». Les composants nécessaires et les étapes de ce montage sont listés sur le site www.mobilab.agrotic.org. Le coût global, qui inclut deux débitmètres, est d’environ 750 €.
Selon un rapport publié par le ministère de l’Agriculture (CGAAER n° 23048), plus de 40 % des pulvérisateurs en service présentent des défauts de réglage. Face à ce constat, l’Agrocampus Bordeaux Gironde, France Pulvé, la MSA, l’IFV, la chambre d’agriculture de la Gironde et Studio Nyx ont décidé de créer SimuPulvé, un pack qui comprend un simulateur de pulvérisation, une application mobile pour tester ses connaissances, et des vidéos pédagogiques.
Les participants à la Cietap ont pu assister à une démonstration dudit logiciel. À la manière des jeux vidéo, le simulateur permet de piloter un traitement virtuel, donc sans risque, tout intégrant les bonnes pratiques. L’utilisateur choisit ses équipements de protection, puis règle son pulvérisateur et peut constater le résultat. Dans le cadre de la simulation, il est aussi possible de préparer les bouillies et de nettoyer le pulvérisateur. « L’objectif est de finaliser la V1 d’ici la fin de l’année, rapporte Romain Soulié, cofondateur de Studio Nyx. Par la suite, nous aimerions inclure de la réalité virtuelle, et un module d’évaluation des utilisateurs. »
Un autre module de formation est en préparation à l’Inra sous le nom de NéoPulvé, qui utilise des défauts récurrents constatés lors des contrôles obligatoires des pulvérisateurs pour amélirer sa propre pertinence. Quatre modules sont au programme : « Principes, composants et guide d’achat », « Réglages à la ferme et au champ », « Maintenance et remisage » et « Santé et sécurité au travail ». Le projet inclut leur validation par les formateurs et les agriculteurs. De quoi améliorer les traitements et donc, la protection du vignoble.