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Le Portugal frappé durement par la crise viticole
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2024 dans le rétroviseur
Le Portugal frappé durement par la crise viticole

[Article paru le 14 juin 2024] Le prestigieux vignoble du Douro subit une crise économique sans précédent. L’an dernier, des acheteurs de vin ont fait défaut, témoignant de tensions inédites alimentées par la déconsommation et les surstocks.
Par Marie-Line Darcy Le 30 décembre 2024
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Le Portugal frappé durement par la crise viticole
Dans le Haut-Douro, vignoble de Porto et de Douro au Portugal - crédit photo : Marie-Line Darcy
L

e long du fleuve Douro, dans le nord du Portugal, s’étire un vignoble remarquable sur 43 700 hectares. Ces vignes bénéficient de deux appellations : Porto, un vin doux naturel, et Douro, un vin sec. Façonné par l’homme, le paysage se déploie sur des collines aux pentes adoucies par une multitude de terrasses dénommées ici socalcos. Un terroir classé au Patrimoine mondial de l’Unesco. Mais derrière la beauté et l’excellence, se cachent de nombreuses difficultés économiques.

Des marques et des coops ont refusé des raisins

L’an dernier, pour la première fois, des marques et des coopératives ont refusé les raisins de viticulteurs, provoquant un mouvement de contestation inédit. « Ça ne m’était jamais arrivé, rapporte Teresa Barbosa, qui possède 30 ha de vignes dans la région Cima Corgo. La maison qui m’achète habituellement 200 pipas (environ 150 tonnes de raisin) m’a fait une proposition pour 140 pipas seulement. C’était en juillet et il a fallu que je trouve un autre acquéreur. »

Après coup, son acheteur habituel est revenu sur sa décision et lui a fait une offre pour toute sa production. Mais comme elle avait trouvé ailleurs, elle a refusé. Reste qu’elle s’inquiète pour la vendange de 2024.

Monica Araujo, qui possède 8 ha de vignes près de Pinhao, a connu les mêmes sueurs froides. Depuis 2018, elle vinifie une petite partie de sa production en Douro et vend l’essentiel en raisin à une maison de Porto. Comme sa consœur, elle s’est retrouvée au pied du mur. Elle s’en souvient encore : le 23 juillet dernier cette maison lui annonce qu’il lui fait faux bond. « C’est inacceptable car je vis de la vente de mes raisins, proteste-t-elle. Si je n’avais pas trouvé un autre acquéreur au dernier moment, j’aurais dû vinifier toute ma récolte alors que je n’ai pas la cuverie, ni la capacité commerciale de passer de 20 à 100 000 bouteilles. »

"Un surstock sans précédent"

Les ventes de porto et de douro, les deux appellations de la région, ont reculé de 5 % en 2023 après une chute vertigineuse de 22 % en 2022. « Nous sommes confrontés à un surstock sans précédent. La principale raison en est la diminution de la consommation de vin comme ailleurs dans le monde », souligne Ricardo Macedo, œnologue du domaine de São Luiz qui appartient au groupe Sogevinus. De leur côté, les viticulteurs attribuent leurs difficultés aux importations de vins d’Espagne, en forte hausse, surtout celles en vrac qui alimentent les ventes au pichet dans les restaurants.

En réponse à ces revers, l’an dernier, le quota de production de porto a été abaissé à 104 000 pipas (barriques de 550 litres, unité de mesure du Porto et du Douro) contre 116 000 en 2022. Ce n’est pas la première fois qu’une telle mesure est prise et c’est pour atténuer les aléas du marché du Porto qu’en 1998 l’appellation Douro a été créée. Ce vin sec devait offrir un débouché supplémentaire et valorisé aux producteurs. Mais ce n’est plus le cas. Quand une barrique (pipa, 550 l) de Porto se vend 1 000 € en moyenne, celle de Douro ne vaut que 200 à 650 €. Or, les coûts de production sont identiques. « Hors traitements phytosanitaires, tout se fait à la main. Le travail est le même pour nos vignes quelle que soitla destination des raisins », soutient Lisette Osorio, une jeune viticultrice qui a créé sa propre marque en appellation Douro afin de rentabiliser les 10 ha familiaux.

Dans le Haut-Douro, des exploitations de 2 ha en moyenne

Dans le Haut-Douro, les exploitations ne dépassent pas 2 ha en moyenne, réparties entre 20 000 viticulteurs. Cette parcellisation et ces coûts de production élevés rendent difficile la tâche des très petits producteurs alors que 87 % du marché est concentré entre les mains de cinq grandes maisons.

Inquiets, les viticulteurs souhaitent la mise en place d’un contrat dit de « vendanges » qui engagerait les acheteurs. C’est la revendication centrale des petits producteurs mais elle est restée lettre morte pour l’instant. Des voix s’élèvent également pour exiger une réciprocité dans le commerce international. « Une bouteille de Porto vendue en Chine est taxée à 50 % quand les produits chinois ne le sont pas pour entrer sur notre territoire. L’Union européenne ne fait pas ce qu’il faut », proteste Albino Jorge, qui possède la quinta da Boeira, un domaine de 20 ha de vignes.

Toute la viticulture portugaise en difficulté

En fait, toute la viticulture portugaise est en difficulté. En 2023, elle a bénéficié d’une distillation de crise à hauteur de 20 millions d’euros dont 6,4 M€ pour la seule région du Douro qui a servi à éliminer 137 000 hl de vins secs. Désormais, il est question de supprimer l’aide à la restructuration des vignobles pour ne pas voir arriver des plantations jeunes et productives dont il faudrait distiller les vins. Dans le Douro, le sujet est en discussion car les vignerons ne veulent pas décourager les jeunes de miser sur leur région à la population vieillissante et où la main-d’œuvre est rare et chère.

Une montée en gamme

À côté de ces mesures défensives, les producteurs de Porto misent sur une montée en gamme grâce à de nouvelles catégories comme le « 50 ans d’âge » ou le « Very Very Old ». La quinta da Boeira est à la pointe de ce positionnement. La quinta Vieira de Sousa y croit également. « Les très vieux portos sont une manière de valoriser nos produits et notre savoir-faire », soutient l’œnologue Luisa Borges, 5e génération à la tête de cette maison. Mais tous savent que la voie est étroite. Regardant bien au-delà des collines du Douro, Ricardo Macedo, l’œnologue de la quinta de Sao Luiz, exprime l’inquiétude généralisée : « Si l’on arrache dans le Bordelais, alors nous ne serons pas épargnés. »

Le pari des très vieux portos

L’IVDP – l’Institut des vins du Douro et de Porto – a lancé les catégories « 50 ans d’âge » et les Very Very Old (VVO ou W) de plus de 80 ans en 2022. À titre d’exemple, une barrique de 550 l de Porto de 1917 peut valoir 60 000 € au bas mot. Si l’on trouve des « 50 ans » à 100 € la bouteille, les prix peuvent aller jusqu’à 1 000 € selon le packaging, l’année et la réputation du producteur. Ce sont des vins très complexes à la très vaste palette d’arômes.

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