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Les vignes face à la pluviométrie du Sahara
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2024 dans le rétroviseur
Les vignes face à la pluviométrie du Sahara

[Article paru le 12 août 2024] Entre réalisme et combativité, les vignerons des Pyrénées-Orientales et du littoral audois ne veulent pas se cacher la tête dans le sable, après trois années de sécheresse. A l’heure du constat, quelles solutions et quelles actions mettre en place ?
Par Sarah El Makhzoumi Le 23 décembre 2024
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Les vignes face à la pluviométrie du Sahara
Pour ne pas voir le vignoble se dessécher, les acteurs de terrain réfléchissent à des solutions ! - crédit photo : Adobe Stock
C

’est une minuscule accalmie que connaissent les vignobles des Pyrénées-Orientales et du littoral audois. Après trois années de sécheresse et de canicule, ils soufflent. Pas que les pluies aient été plus abondantes, mais parce qu’elles étaient bien placées sur le calendrier et que les températures sont restées clémentes.

Un vignoble en suspens

« Depuis octobre, nous ne sommes, en cumul, qu’à un peu plus de 210 mm de pluie… Ce qui n’est guère mieux que la pluviométrie que l’on retrouve dans le Sahara », explique Jean-Marie Fabre, vigneron du domaine de la Rochelière (Aude) et président des Vignerons Indépendants de France (VI), « Une chose a fait du bien au vignoble cependant : trois pluies salvatrices à la fin du mois d’avril et en mai, qui ont permis à la vigne de pousser. La vigne a retrouvé entre 30 et 50 cm de feuillage de plus et l’état du végétal se porte globalement mieux que l’an dernier chez nous. »  Si ces phénomènes météorologiques ont permis à la vigne de mieux se former et permettront d’assurer une taille des sarments bien moins pénible que l’année passée, les réserves en eau sont presque inexistantes.

« Une chose est certaine : les Pyrénées-Orientales et la zone littorale de l’Aude connaissent une situation qui se distingue non seulement de celle du reste du Languedoc, mais plus globalement de toute la France. Lorsque l’on regarde la carte du niveau des nappes phréatiques nous sommes les seuls à connaître une situation de sécheresse.* » explique Laurent Duret œnologue consultant pour l’Institut Coopératif du Vin (ICV). 

Même son de cloche pour Brice Cassagne, président de la cave coopérative Arnaud de Villeneuve, à Rivesaltes, et lui-même vigneron sur 40 ha : « Les conditions d’hydrométrie sont semblables à l’année dernière à cette différence près que la pluie est tombée au bon moment au mois de mai (environ une centaine de millimètres) ce qui a sauvé le végétal », mais il ajoute, « Nous pensions que les grappes seraient plus charnues, mais nous n’avons pas eu de grosses pluies en juillet. La récolte en sortie est donc plutôt maigre. On ne s’attend pas à faire mieux que l’année dernière. »

Marché, coûts de production et arrachage

A ce jour, 5 % des vignes sont irriguées dans les Pyrénées-Orientales, et dans ce tableau, il existe une situation tranchée entre ces vignes irriguées/irrigables et les vignes non irriguées/non irrigables. « Globalement le vignoble est encore vert », rapporte Laurent Duret, « mais on commence à avoir un impact, notamment à cause des pics de chaleur récents. Et l’on voit bien que les vignes non irriguées commencent à jaunir ! ».

Seule solution pour ajouter du sursis à ces 95% du vignoble : un automne pluvieux amenant avec lui la reformation des réserves en eau et du repos pour le végétal qui essuie des épisodes climatiques violents depuis plusieurs années. Cette espérance, qui ne serait finalement que solution éphémère, amène les acteurs de terrain à des réflexions poussées autour de la durabilité de leur entreprise.

Grenache noir, non irrigué, avec croissance moyenne à faible. Secteur littoral. Crédit photo : Laurent Duret

Sauvignon, vigne irriguée. Secteur Aspres. Crédit photo : Laurent Duret

« Économiquement, on peut se poser la question du devenir de ces vignes, si elles continuent à subir des assauts de sécheresses. Peut-être que l’on peut se contenter de 10 à 15 hl/ha mais pourra-t-on encore parler de cœur de production ? » s’interroge l’œnologue consultant, qui entend des viticulteurs se torturer l’esprit entre arracher ou non des vignes non irrigables. S’ajoute à la problématique de rendements, la capacité à écouler des stocks, là où les marchés restent toujours frileux. « Il serait risqué de ne fonctionner qu’en marché de niche. On doit repenser la production : je crois très sérieusement à des solutions de valorisation de terroir en faisant par exemple des rosés typiques. On peut penser l’innovation via les cépages qui fonctionnent bien chez nous mais en travaillant des expressions aromatiques différentes. Enfin, il serait salvateur de penser diversification, notamment via de gros projets d’œnotourisme. Beaucoup de vignerons cherchent à trouver des solutions. » raconte Laurent Duret.

Jean-Marie Fabre et Brice Cassagne témoignent également de la mortalité dans leurs vignes : elle s’élève à 10 % environ dans leurs parcellaires. « Cette mortalité concerne 130 ha sur les 1 300 ha de la coopérative viticole. Le problème c’est que si l’on arrache, cela va s’enfricher, parce qu’on trouve peu de porteurs de projets et peu voire pas de cultures de remplacement. » analyse Brice Cassagne.

Encore faut-il pouvoir envisager un arrachage par parcelle. Car Jean-Marie Fabre raconte que « lors de la taille l’hiver dernier, une souche sur dix était morte. La mortalité touche donc mon parcellaire de manière éparse. Comment envisager un arrachage de parcelle lorsque 90 % est pour l’instant toujours viable ? » et d’ajouter « peu importe le modèle économique, tous les viticulteurs sont touchés : ceux livrant en coopérative ou qui font du vrac, ne peuvent agir que sur le volume produit. Or lorsque l’on perd entre 10 et 15 % de production et que tous les leviers pour faire baisser les charges ont été activés, on finit par se retrouver avec ces charges qui représentent des coûts plus importants que les rentrées par les ventes des volumes produits. Pour le détail c’est pareil. Me concernant, j’ai les mêmes frais de production et de commercialisation, mais avec 10 % de production en moins. »

Des solutions et vite !

Plusieurs leviers peuvent être activés selon les acteurs de terrain. Pour Jean-Marie Fabre, trois pistes de réflexions existent : la première concerne l’amélioration des techniques culturales afin de pouvoir économiser et optimiser la ressource en eau. La deuxième se penche sur l’utilisation de nouveaux porte-greffes, en s’inspirant de zones géographiques viticoles connaissant les mêmes contraintes climatiques. La troisième mobilise l’irrigation. « Il faut impérativement trouver des solutions pour amener l’eau : penser certaines constructions comme les retenues collinaires ou des bassins d’expansion de crues ou encore la réutilisation des eaux usées traitées, notamment pendant les périodes estivales lors des arrivée plus massives des touristes. Pourquoi ne pas penser également un système de captation de l’eau du Rhône ? Le Rhône rejette en méditerranée 54 milliards de litres d’eau, prélever 150 millions de m3 d’eau pour irriguer pourrait sauver nos cultures. » propose le président de Vignerons indépendants.

Veut-on encore vraiment de nos viticulteurs et de nos agriculteurs ?

Même analyse pour Laurent Duret « Il faut peut-être revoir la priorisation et la réorganisation de la mise à disposition de l’eau entre les trois acteurs majeurs que sont l’agriculture, le tourisme et les particuliers.  Il faut avoir l’honnêteté de dire et d’assumer comment est répartie l’eau entre ces trois acteurs et où l’on peut économiser. Je pose la question de savoir si l’on veut encore vraiment de nos viticulteurs et de nos agriculteurs ! » Plus qu’une demande, il existe un réel besoin de prise de conscience et d’implication de la part des institutions et des décideurs politiques. « On va se retrouver avec un arrière-pays où il n’y aura plus rien ! Il y a besoin de courage politique ! »

Le président des Vignerons indépendants imagine la zone viticole comme une zone test et une région viticole qui doit montrer l’exemple dans un contexte de dérèglement climatique remontant possiblement la carte dans les prochaines années : « Servons-nous de la zone pour pouvoir anticiper la décennie qui vient ! Il faut comprendre ce qui se passe ailleurs, dans des régions géographiques déjà touchées de plein fouet par des phénomènes d’extrêmes sécheresses pour pouvoir apprendre. » Pour lui deux choix possibles : relever le défi ou rester dans la fatalité.

« C’est à nous d’être convaincants et d’être porteurs de projet et à l’Etat et aux institutions de faire le reste du travail. Il n’est pas question de nous mettre la tête dans le sable ! » conclut-il.

 

* : Pour connaître la situation des nappes phréatiques au 1er juillet 2024, cliquez ici.

 

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