idération sur la rive droite de Bordeaux. Faisant le tour de ses parcelles, Laurent Rousseau réalise ce matin qu’il a perdu en l’espace de 30 minutes toute sa récolte à Lalande-de-Pomerol, Néac, Lussac. « Les bois sont cassés. Enormément de feuilles et de grappes au sol. La vigne a été ratiboisée et est redescendue au niveau du premier levage. Je n’ai pas encore été à Abzac mais je n’en ai même pas envie » souffle-t-il.
L'orage a éclaté un peu avant minuit cette nuit du 18 juin. « Il y a d’abord eu énormément d’éclairs, j’étais dans ma véranda et j’y voyais comme en plein jour. Puis des grêlons de la taille d’une pièce d’1€ et de 3 mm d’épaisseur accélérés par le vent ont tout ravagé. La grêle a même tué des oiseaux. J’ai vu une pie tomber juste devant moi » rapporte le viticulteur.
« L’orage a démarré sur La Lande-de-Fronsac, Saint-Michel-de-Fronsac puis est légèrement remonté sur Pomerol, avant de passer sur Lalande-de-Pomerol, et de couper entre Saint-Christophe-des-Bardes, les Artigues-de-Lussac et Saint-Denis-de-Pile », précise Jérôme Laduye, animateur du réseau girondin de l’Adelfa, dont tous les générateurs antigrêle ont été déclenchés. Ce matin vers 5 heures, de la grêle est retombée du côté de La Réole, vers Camiran, Saint-Félix-de-Foncaude et Morizès. « Deux viticulteurs de Saint-Félix pensent avoir perdu 90% de leur récolte » regrette-t-il.
Preuve supplémentaire de la violence de l’orage, Laurent Rousseau a redécouvert ce matin une parcelle en friche depuis 15 ans sur la route de Montagne-Saint-Emilion. « L’orage a tout désherbé et fait réapparaître les souches et piquets recouverts par les ronces. C’est hallucinant ! »
Déjà très touché par l’épisode de grêle de juin 2022, le viticulteur est à bout. « Pour la première fois, je me pose sérieusement la question de tout arrêter, lâche-t-il. Je vais toucher l’argent de l’assurance, c’est bien, ça va nous faire passer 2025, mais ce n’est pas du vin ». Laurent Rousseau est d’autant plus dépité que la vigne lui avait coûté cher depuis le début du printemps et que la récolte s’annonçait superbe, sans mildiou. « On verra ce qu’il va se passer dans les prochaines semaines et prochains mois mais je suis lassé et épuisé. Mon fils à Purpan vient de trouver une place en alternance au château Canon pour travailler sur QHSE. C’est très bien et je lui ai interdit de revenir à la production. La production est devenue beaucoup trop aléatoire. Les jeunes n’ont aucun avenir en agriculture » lance-t-il.
La veille, c’est sur la pointe médocaine que la tempête a fait des ravages. « L’orage est arrivé vers 1h30 du matin mardi depuis Hourtin et Naujac-sur-Mer. Des grêlons de la taille de balles de golf ont frappé les communes de Gaillan-en-Médoc, le nord de Bégadan, Valeyrac, et Jau-Dignac-et-Loirac », retrace Romain Tourdias, conseiller viticole pour la Chambre d’agriculture.
Les dégâts vont jusqu’à 80% de pertes dans les parcelles les plus proches de l’Estuaire de la Gironde. « Les pointes des rameaux sont coupées et les grappes sont au sol. Plus loin dans les terres, c’est plutôt du 40% mais comme on était juste sortis de la fleur, il faut s’attendre à ce que beaucoup de grains se nécrosent » anticipe le conseiller. « Plus de 1900 hectares sont impactés et 134 exploitations touchées » précise Nathalie Delattre, sénatrice de la Gironde et co-présidente de l’Association Nationale des Élus de la Vigne et du Vin.
Les supercellules qui évoluaient encore en Dordogne ce matin semblent en revanche avoir épargné le vignoble de Bergerac.