e secteur des matériels agricoles traverse une crise profonde, alimentée par une chute significative des commandes et des difficultés financières croissantes. Depuis le début de l’année 2024, les chiffres donnés par Axema, le syndicat français des industriels de l'agroéquipement, montrent un recul constant de l’activité, et aucun signe de reprise n’est en vue. La baisse des prises de commandes s’est accélérée au troisième trimestre, et les perspectives pour la fin de l’année sont peu rassurantes.
D'après les données récentes, le secteur des agroéquipements enregistre une chute de -13 % des prises de commandes entre janvier et septembre 2024 par rapport à la même période en 2023, et de -28 % par rapport à 2022. Cela marque une détérioration importante des volumes d’activité et fait de 2024 la pire année en termes de commandes depuis 2010. L'impact est marqué sur les fabricants français, dont le chiffre d'affaires a été sérieusement affecté par la baisse des ventes, notamment à l'export : le marché mondial n’a pas offert de relais, et les exportations ont fléchi, aggravant une situation déjà difficile à l’échelle nationale.
La filière viticole, subit également de plein fouet la conjoncture économique difficile. Sur la période janvier-septembre 2024, les commandes de tracteurs vignes et vergers ont chuté de -24 % par rapport à l'année précédente. Une enquête réalisée auprès des acteurs de la viticulture montre qu’une large majorité (88 %) des répondants constate que leurs prises de commandes sont « moins bonnes » que la normale, et parmi ceux-ci, 58 % jugent la situation « très mauvaise ».
La baisse des prises de commandes dans la filière viticole se reflète également dans les chiffres d’immatriculations. En 2024, seules 1 755 tracteurs vignes et vergers ont été immatriculées entre janvier et septembre, soit une réduction de 21,7 % par rapport à l’année précédente. Les machines à vendanger ne sont pas épargnées, avec une baisse de 14,3 %, enregistrant seulement 258 immatriculations sur la même période. En parallèle, le chiffre d'affaires de la filière viti-vini a chuté de -17 % par rapport à 2023.
Face à ce marasme, les entreprises du secteur agroéquipement ont commencé à prendre des mesures drastiques. 29 % des entreprises ont déjà procédé à des réductions d'effectifs (hors intérim) en 2024, et 21 % prévoient d’autres suppressions d’emplois dans les 12 mois à venir. Cette situation inquiète particulièrement dans un secteur où les ajustements d’effectifs peuvent avoir un impact majeur sur les compétences et la capacité de reprise à moyen terme.
Parallèlement, les tensions sur la trésorerie s’intensifient. Selon une enquête menée par Axema, 41 % des entreprises déclarent rencontrer des difficultés de trésorerie, et parmi celles-ci, 6 % font état de "tensions très fortes". Les retards de paiement, souvent rencontrés par les entreprises du secteur, aggravent cette situation de précarité financière. Pour tenter de limiter les effets de cette crise, 15 % des entreprises ont sollicité un recours à l’activité partielle. Cette distinction administrative est un point de friction majeur, d’autant plus que l’activité des agroéquipements est intrinsèquement cyclique et dépendante de l'évolution des marchés agricoles, eux-mêmes soumis à de fortes fluctuations, encore plus dans la conjoncture actuelle.
Lors de la dernière enquête de conjoncture, plusieurs sujets de préoccupation sont ressortis de manière claire parmi les dirigeants d’entreprises du secteur. En tête des préoccupations figurent le niveau d'activité des entreprises, les perspectives de marché incertaines, et la difficulté à appliquer la réglementation française et européenne. La complexité des normes environnementales et de sécurité ajoute une pression supplémentaire sur des entreprises déjà fragilisées.
La trésorerie et les retards de paiement occupent également une place centrale dans les préoccupations des dirigeants. Ces derniers pointent le manque de visibilité sur l’avenir et l’impact direct des retards de paiement sur leur gestion financière. La situation est particulièrement tendue pour les petites entreprises, qui manquent souvent des ressources nécessaires pour supporter ces périodes de crise prolongées.