ude épreuve pour les novices du bio que cette saison 2024. À Leynes, dans le Mâconnais, Pierrick Thiébaut, chef de culture d’un domaine de 11ha en première année de conversion et appartenant aux Arbillons Vignoble, s’est laissé déborder par les mauvaises herbes. «Dès avril, l’herbe est montée dans les pieds de vigne, rapporte-t-il. Pour éviter cela, il aurait fallu travailler le sol dès le mois de mars, mais il a plu si souvent qu’il était impossible d’entrer dans les vignes en tracteur.» Par la suite, il a dû nettoyer les rangs de vignes au rotofil durant plus de trois semaines, avant le passage des interceps, pour que ceux-ci fassent leur travail.
Crédits photos : Les Arbillons vignoble
Disques crénelés, lames interceps, doigts Kress, disques émotteurs… Pierrick Thiébaut dispose pourtant de tout un attirail d’outils. Mais ce qui lui manque, c’est un enjambeur. «Nous avons un monorang, un peu ancien, qui ne peut pas passer partout en raison du risque de retournement et un double-rang, plus récent, que je dois partager avec une autre exploitation du groupe, pour les travaux en vert et le travail du sol, explique-t-il. La saison prochaine, il nous faudrait un tracteur dédié au travail du sol pour pouvoir intervenir dès que les conditions sont bonnes, sans perdre de temps à changer les outils.»
En attendant de l’obtenir, Pierrick Thiébaut a déjà réussi à renforcer ses effectifs. Début septembre il a pu embaucher un jeune venu faire son stage de BTS chez lui. «Nous allons le former à la conduite des tracteurs. Ainsi, en cas de coup dur, nous pourrons travailler à deux simultanément», indique-t-il.
À Soultz, en Alsace, Loïc Weinzaepfel retient de cette saison qu’il doit pouvoir traiter plus rapidement les 12ha qu’il cultive avec ses parents. «Cette année, je n’avais qu’un seul pulvérisateur. Il me fallait 12heures pour traiter les vignes. Mais, souvent, je n’ai pas eu autant de temps devant moi. Par exemple, le 19mai, j’ai dû interrompre mon troisième traitement à cause de la pluie. J’ai fini le lendemain», indique le jeune viticulteur de 29 ans, installé depuis 2018 et qui a débuté sa conversion en 2019. Pour l’année prochaine, c’est sûr, il va réparer son second pulvé afin que lui et son père puissent traiter tout leur domaine en quelques heures à deux.
Dans le Lot-et-Garonne, Ludovic Bucquet, 39 ans, a eu trop à faire. Ce vigneron a créé son domaine de 4ha en 2021 à Moirax. Ne pouvant encore en vivre, il est salarié d’une autre exploitation. «En mai, j’ai dû traiter là-bas. Or, le même jour, j’aurais dû aussi traiter chez moi, mais je ne pouvais pas faire les deux. Cela a été pareil lorsqu’il a fallu épamprer. J’ai pris du retard dans mes vignes. Le mildiou s’est installé», explique le vigneron qui a perdu 80% de ses merlots (70% de son encépagement) à cause de la maladie.
Pour la prochaine campagne, Ludovic Bucquet souhaite «anticiper davantage les travaux». Si sa trésorerie le lui permet, il embauchera un saisonnier pour de courtes périodes et achètera un intercep car, pour l’instant, il n’a qu’un rotofil pour nettoyer les rangs.
Malgré les difficultés, ni Loïc Weinzaepfel, ni Ludovic Bucquet n’envisagent de retourner en conventionnel. «Dans ma commune, une partie des vignes est dans la zone de captage des eaux. Si on fait l’effort d’être en bio, c’est pour nous et pour les habitants de la commune», glisse Loïc Weinzaepfel. Pour sa part, Ludovic Bucquet vient de connaître sa deuxième campagne avec des pertes dues au mildiou : «Il y a de quoi perdre espoir.» Mais pas question d’arrêter : «Le bio, c’est pour mes sols, pour ma santé. Si c’était à refaire, je le referais. »