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Vigneron, "on travaille comme des cons pour perdre de l’argent tous les jours"
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"Ça ne peut pas durer"
Vigneron, "on travaille comme des cons pour perdre de l’argent tous les jours"

Tapant déjà dur dans de nombreux vignobles français, le millésime 2024 pèse sur le moral de vignerons éprouvés par les cieux autant que les marchés. Témoignage sans concession dans l’Aude une semaine après la grêle.
Par Alexandre Abellan Le 26 mai 2024
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Vigneron,
La grêle a laminé le vignoble audois ce 17 mai, taillant dans les vignes comme en hiver. - crédit photo : Domaine Saint-Martin
C

’est le symptôme ultime du malaise agricole en général, et viticole en particulier : ne pas pouvoir imaginer, ni même souhaiter, que la génération suivante prenne le relais à la tête des domaines familiaux. Ayant deux enfants, le vigneron Henri Cases, s’oppose aujourd’hui à ce qu’ils s’installent et reprennent le domaine Saint-Martin (150 hectares de vignes à Leuc, Aude). Pour lui, cette reprise signifieraient qu’« il prennent les crédits, les charges, les invendus… Ils s’installeraient mort-nés… » Avec le poids des aléas climatiques qui déséquilibre la trésorerie du vignoble. « Depuis 2018, je ne sais plus ce que c’est qu’une récolte normale. En 2018, des inondations nous ont touché. En 2019, c’était le gel et la grêle. En 2020 et 2021, c’était le gel. En 2023, 2022 et 2021 c’était la sécheresse… » énumère-t-il, alors que des grêlons ont haché ce 17 mai 72 ha de ses vignes (avec 30 à 100 % de dégâts) et 12 ha de plantiers (pour 1 800 ha de vignes touchées à Limoux).

Face aux pertes de récolte annoncées pour ce millésime et le suivant, le vigneron sait déjà qu’il ne récupérera qu’une partie de ses fonds avec l’assurance récolte à la parcelle qu’il a contracté (hors gel) : l’assurance multirisque climatique ne lui étant plus adaptée à cause de la moyenne olympique : « ça ne marcherait pas » résume-t-il, pointant qu’« aujourd’hui, on a cultures à risque. Il faut gérer comme tel les céréales, l’arboriculture, la viticulture… Il faut revoir les choses ! On ne demande pas à gagner de l’argent sur les assurances, mais rembourser ce qui est perdu pour que l’entreprise qui nous fait vivre continue à fonctionner. »

On y met les bijoux de famille

Tout l’enjeu désormais est de tenir financièrement pour ce vigneron. Alors que les équilibres financiers sont soumis à rude épreuve, « on y met les bijoux de famille. Mai à un moment, ça s’arrête » reconnaît Henri Cases, qui envisage d’arracher 10 ou 20 hectares pour retrouver de l’oxygène en termes de coûts de production, mais sans s’inscrire dans le futur dispositif primé. Aux aléas climatiques s’ajoutent les difficultés commerciales : en termes de sorties et de valorisation. « On a beaucoup investi dans nos vignobles et dans nos caves pour amener de la qualité. Mais on n’a pas le retour de nos investissements : les charges augmentent et les acheteurs ne veulent pas payer. C’est ça qui est triste » pointe Henri Cases, notant que « paradoxalement, il y beaucoup de vins sur le marché et on tire sur la corde : ça va lâcher. Tout le monde a à y perdre. Si le commerce n’a plus de production, il n’aura plus l’approvisionnement nécessaire. »

Craintes d’avenir

Se souvenant qu’il y a un mois des investisseurs voulaient acheter son domaine, le vigneron ne regrette pas d’avoir cherché à concrétiser l’offre « ça ne s’est pas fait, alors que je mettais de l’argent le soir même. Je ne suis pas prêt à vendre » confie-t-il à 57 ans, sans perdre en lucidité : « on travaille comme des cons pour perdre de l’argent tous les jours. Ça ne peut pas durer. On ne réinstallera des gens demain qu’à la condition que nos entreprises soient rentables. » Un enjeu de transmission crucial dans le vignoble, mais aussi dans toute l’agriculture française. S’il n’y a pas de changements rapides sur les normes et la rémunération, « il va y avoir un tsunami dans la filière agricole » prédit-il.

 

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Tous les commentaires (5)
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ciaolevin Le 27 mai 2024 à 13:48:27
Pour abonder dans le sens de Vigneronderions : C'est exactement le sentiment que j'ai : beaucoup de professionnels du vin refusent de reconnaitre l ampleur de cette crise...Il n'est qu'a voir les communiqués d'Interhône - je suis vigneron rhôdanien - ou sont annoncés des prix moyen à l'HL de 120 ? , alors que pour vendre 320 HL de Cdr rouge 2022 , j'ai du le brader à 70 ? !!! ( Vin loyal , plutôt de belle qualité ) Alors certes , il ne faut pas affoler la filière en évoquant des prix bas qui pourraient nuire à notre image de marque , mais les faits sont là...
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VMA Le 27 mai 2024 à 08:46:17
C'est la catastrophe partout... Ce qui ne sont pas à terre aujourd'hui risque fort de l'être demain ou dans les mois qui suivent ! Ce n'est même plus qu'allons-nous faire ? C'est comment vivons-nous d'aujourd'hui ? Ou plutôt comment '' sousvivons '' nous ? Le nombre d'hectares abandonnés nous cernent. Les aléas météos nous ravagent. La valeur de nos biens s'écroulent. Les dettes s'accumulent. Les travaux nécessaires sont fait à minima. Combien faut il perdre d'emplois directs et indirects pour que '' ON'' comprenne qu' il faut vite nous permettre de sauver nos petites régions avant que tout soit à l'abandon ? Et que un des fleurons de la France disparaisse à jamais ! Comment avancer en se disant c'est déjà la fin du mois avec le poids des factures impayés des mois précédents ? Alors se projeter pour installer une génération suivante et pourquoi surtout ? Voir la génération précédente des grands-parents avec des retraites de misère être sans les revenus d'un dur labeur ? Voir la génération des parents avec les huissiers devant la porte et acculés par les soucis quotidiens ? Alors se dire je vais investir et m'endetter pour être un esclave 7 jours sur 7, juste parce que j'aime mon métier ! Mais c'est quoi le métier aujourd'hui ! Remplir de multiples dossiers pour avoir quelques subsides ? Voir son voisin crever ? Trouver une niche pour s'y engouffrer et avoir une vie pire qu'un chien ? Se diversifier pour nourrir le pays et voir son troupeau abbatu, ses serres arrachées, les récoltes abîmées par des intempéries avec des aléas non reconnus ou attendre 7 ans pour une nouvelle production soi-disant à marché porteur ? Nous sommes dans un goulot d'étranglement qui ressemble à un long tunnel gris et humide et il y a une avalanche qui nous broie . Il est urgent d'avoir une vision globale pour savoir si nos métiers sont toujours un soleil pour faire briller le renom de la France...
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Vigneronderions Le 26 mai 2024 à 21:58:06
Nous avons expliqué tout cela dans l'étude que nous avons présenté à Bordeaux, et transmise à la préfète le 06/12/2022 jour de notre première manifestation, depuis nous avons une réactivation intermittente de la cellule de crise, comme si la crise était derrière nous... En 2022, nous étions les seuls à dire ça va être un carnage, il faut agir vite et fort. Toutes les autres régions n'étaient absolument pas concerné par le problème, comment c'est possible d'être aussi déconnecté de la réalité du terrain ? Nous avons expliqué qu'en ne faisant rien, nous allions vers une catastrophe, le négoce n'y crois pas persuadé qu'il y aura toujours du vin. L'agriculture et la viticulture vont vivre un tsunami, l'amont et l'aval vont trinquer de la même manière, mais tout le monde fait comme si tout allait bien. Une telle négation est incompréhensible, et pourtant bien réelle.
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augustin Le 26 mai 2024 à 19:29:23
pour autant les acheteurs de domaines viticoles de ce type ne se bousculent pas au portillon ... ce qui enchaîne progressivement de plus en plus de vignerons à un métier qu ils ne veulent plus pratiquer .Tant il entraîne de tracas administratifs et financiers .Le rêve tourne au cauchemard alors meme que c est l un des plus beaux métiers de bouche Capable de rendre les gens heureux tant à la production qu à la consommation . Quel gâchis !
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augustin Le 26 mai 2024 à 15:45:05
amen ! c est dit c est redit et le trio agri matignon elysee pourtant des gens intelligents ne veulent pas l entendre , se bercent dans illusion que la loi d orientation 24 et la declaration Jupiter debut 25 suffiront à camer les esprits , Ça ne passe pas et ce n est pas faute d en avoir alerte préfets et sous préfets. Que cherche le gouvernement ? La filiere est au bord du gouffre et nos enfants deguerpissent , bien légitimement ...
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