vec la disparition de Bernard Pivot s’éteint une voix du vin et des écrivains. Quand on parcourt la richesse de son indispensable Dictionnaire amoureux du vin (éditions Plon, 2006), nul doute qu’il aurait regretté qu’en poussant la porte d’un caviste ou d’une cave le visiteur tombe immanquablement sur une citation éculée : « Il y a plus de philosophie dans une bouteille de vin que dans tous les livres » de Louis Pasteur ou « le vin est de la poésie embouteillée » de R.L. Stevenson. Le constat n’est certes pas nouveau, mais comme il ne change pas… Alors, « c’est tout ?… Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire… Oh ! Dieu !… bien des choses en somme… », comme le lance Edmond Rostand dans Cyrano de Bergerac. Dans une tirade avinée, on pourrait ainsi varier les citations :
Bucolique : « Coccinelle, c'est utile, ça fait fuir les pucerons, et puis c'est la promesse que le vin sera bon » (Thomas Fersen, Coccinelle).
Clinique : « sans doute parce qu'il s'imagine que c'est la Nature qui fait le vin, le profane reçoit mal les mots qui suggèrent de manière trop précise une ingérence de la main de l'homme » (Émile Peynaud, le Vin et les jours).
Consciencieux : « j'ai en horreur les bouteilles en vidange ; cela me reviendrait en tête, quand je serais couché ; et il n'en faudrait pas davantage pour m'empêcher de fermer l'œil » (Diderot, Jacques le fataliste).
Emphatique : « l'esprit est, à peu près, à l'intelligence vraie, ce qu'est le vinaigre au vin solide et de bon cru : breuvage des cerveaux stériles et des estomacs maladifs » (Jules Renard, Journal).
Habile : « les bons crus font les bonnes cuites » (Pierre Dac).
Impérial : « le pédantisme des grands connaisseurs de crus m’impatiente » (Marguerite Yourcenar, les Mémoires d’Hadrien).
Inspirée : « la vigne et le vin sont de grands mystères. Seule, dans le règne végétal, la vigne nous rend intelligible ce qu'est la véritable saveur de la terre » (Colette).
Pédagogique : « vous n’avez pas besoin d’être gynécologue pour faire l’amour, donc vous n’avez pas besoin d’être œnologue pour déguster du vin » (Michel Chapoutier).
Poétique : « j’entends dire au vin : "Homme, mon bien-aimé, je veux pousser vers toi, en dépit de ma prison de verre et de mes verrous de liége, un chant plein de fraternité" » (Baudelaire, du Vin et du haschich).
Polysémique : « quand il entend le mot "bouchon", le pessimiste pense aussitôt aux autoroutes, l'optimiste à une bonne bouteille de vin » (Bernard Pivot)
Prophétique : « le vin pris avec tempérance est une seconde vie : si vous en prenez modérément, vous serez sobre » (Bible de Sacy, l’Ecclésiastique).
Rythmique : « qu'ils sont doux, bouteille jolie, qu'ils sont doux vos petits glougloux ! » (Molière, le Médecin malgré lui).
Sarcastique : « du vin rouge avec le poisson, j'aurais dû me méfier » (James Bond, Bons Baisers de Russie).
Sicilien : « j'aime bien le vin maintenant, plus qu'avant » (Don Corleone, le Parrain).
Sociologique : « boire du vin n’était pas un signe de snobisme ou de raffinement, ni une religion ; c’était aussi naturel que de manger, et, quant à moi, aussi nécessaire » (Ernest Hemingway, Paris est une fête).
Et pourquoi pas parodique : « on ne boit bien qu’avec le cœur » (Saint Exupéry, le Petit Rince).