aura-t-il un Pierre Bachelet pour chanter dans quelques années : « au Sud, c’étaient les vignerons. La terre c’était l’appellation. Le ciel c’était le bouchon » ? Avec la perspective de plus ou moins 100 000 hectares de vignes à arracher très rapidement (2024-2025 et 2025-2026 selon l’avancée des discussions européennes), le vignoble français s’oriente vers une restructuration massive qui n’est pas sans faire écho au plan de récession charbonnière dans années 1960 : désindustrialisation, conversion, transition, conservation... Imminent, le recalibrage de l’outil de production viticole va immédiatement nécessiter un redimensionnement de toute sa filière : de l’amont vinicole à l’aval commercial, en passant par les fournisseurs, les services, etc.
Si tout dépendra des montants d’aides disponibles, et des contraintes réglementaires, le mouvement d’arrachage s’annonce d’ampleur sur des vignobles rouges en difficulté (Bordeaux, Languedoc, Vallée du Rhône…). Dans certaines zones du Minervois ou de l’Entre-deux-Mers, il faudra beaucoup d’énergie et de résilience pour continuer à tenir entre vignes en friche et cave à l’abandon… En imaginant que le vignoble hexagonal perde 20 % de ses surfaces en quelques années, les paysages et le visage de la filière ne vont pas être les seuls bouleversés. Au plan social de ceux qui partent s’ajoutera le plan social pour ceux qui restent.
Il va falloir accompagner les 80 % de surfaces demeurant en place pour réduire le risque de les voir s’effriter à l'avenir, faute de soutien au redimensionnement (l’ampleur des fusions et rapprochements de caves coopératives s’annonce inédite pour l’avenir), d’aides à l’export (de la diplomatie gastronomique aux soutiens sur les marchés), d’adaptation au changement climatique (contre les excès de gel, de sécheresse, de pluviométrie…), d’évolution de l’offre (par rapport aux marchés demandant moins d’alcool, plus d’engagements environnementaux…) et bien d’autres leviers cruciaux (transmission du foncier, recrutement, innovation variétale…).
Nombreux, les sujets stratégiques ne manquent pas pour faire sortir aujourd’hui les gens du vin de la grise mine et les mobiliser pour construire la filière de demain sur les fondations d’hier. Car « ils aimaient leur métier comme on aime un pays, c'est avec eux que j'ai compris » chantera le Pierre Bachelet du vignoble.