a saison de taille avançant, vous vous apercevez peut-être que votre sécateur électrique coupe un peu moins bien. Un détail ? Pas vraiment, selon la MSA, qui propose la formation Ne perdez pas le Fil. Ce 28 février, au domaine Normand, à La Roche-Vineuse, en Saône-et-Loire, huit viticulteurs et salariés participent à l’une de ces sessions. En face d’eux, deux formateurs : Michel Dubois, de la MSA Bourgogne, et Alain Normand, propriétaire du domaine hôte. « Notre démarche est assurantielle, établit d’emblée Michel Dubois, car les troubles musculosquelettiques (TMS) nous coûtent à tous. » Mais quel rapport entre ces troubles et l’efficacité des sécateurs ? « Même avec un sécateur électrique, le tailleur doit compenser lorsque la lame coupe mal, observe Alain Normand. D’où, probablement, l’augmentation des accidents à l’épaule depuis une vingtaine d’années. »
Le discours laisse vite place à la pratique. Les formateurs distribuent des tuyaux en plastique bleu – d’ordinaire destinés à la plomberie – à des participants un peu interloqués. « Ils feront office de sarments », dévoile Michel Dubois, qui invite chacun à prendre en main les deux sécateurs manuels posés devant lui, sur les tables, afin de couper les tuyaux. Clac, clac, clac… C’est évident : l’un des outils nécessite un effort intense tandis que l’autre coupe sans problème. « Le premier sécateur produit un écrasement, une coupe pas franche. Bref, de la charcuterie », plaisante Louis, cogérant du Vignoble de Somméré. Tout le monde approuve.
« C’est l’idée de cette formation : montrer qu’avec un sécateur mal entretenu, non seulement on doit forcer, mais en plus on fait du sale boulot, souligne Michel Dubois. À l’origine, cette formation était destinée à réduire les TMS. Désormais, on nous appelle aussi pour la santé du vignoble. »
Avec sa maquette de sécateur géant en main, Alain Normand explique. « Une lame de sécateur ne coupe pas directement : c’est un fil de métal, presque invisible, qui court le long de son extrémité, qui remplit cette fonction. Quand ce fil est plié, abîmé ou qu’il a disparu, alors le sécateur ne coupe plus correctement. Voilà pourquoi nous allons parler d’affilage, et non d’aiguisage. »
Première étape : établir le diagnostic. Les participants disposent d’une boîte de six lames témoins. À eux de trouver, à la vue et au toucher, ce qui cloche chez chacune d’entre elles. La concentration règne. D’une pression du pouce, on se rend vite compte que l’une des lames coupe parfaitement, que d’autres ont un fil plus ou moins émoussé. La dernière fait même l’effet d’un « couteau à beurre » : elle n’a plus du tout de fil.
Il est temps pour les participants de se pencher sur leur propre sécateur. Chacun sort le sien et l’observe, puis s’attaque à nouveau aux tuyaux bleus. Les réactions ne se font pas attendre. « Le mien ne coupe plus rien, c’est tout écrasé ! », s’alarme un salarié. « C’est pire que le sécateur manuel de tout à l’heure », s’étonne un autre. Habitué, Michel Dubois ne réprime pas son sourire. « Chez beaucoup d’entre vous, le fil a complètement disparu. C’est très fréquent. Dans ce cas, il faut affûter. Mais ça, on ne peut pas le faire seul. En principe, quand on est arrivé à ce stade, on confie sa lame à un professionnel, ou on la change. » Une prise de conscience s’opère visiblement chez les participants.
Pour éviter d’en arriver là, l’affilage régulier est indispensable. C’est la dernière étape de cette matinée. Les formateurs exposent point par point la technique, qui consiste à redresser le fil avant qu’il ne soit trop tard (lire l’encadré). Le son du métal frotté résonne partout dans la salle. « Pendant la taille, l’idéal serait de le faire toutes les heures », préconise Alain Normand. Et Michel Dubois de prévenir : « Avec cette discipline, vous pourrez probablement entretenir votre fil toute une saison. Même si, un jour ou l’autre, il plie trop, casse ou disparaît ».
Après ces trois heures vite passées, les participants semblent convaincus. Sandrine, salariée du domaine Normand, souhaite désormais « affiler plus souvent, et avec le bon outil ». Son collègue Kevin le reconnaît : « Avant, on entretenait la lame avec une pierre minérale mais sans trop savoir ce qu’on faisait, car on ne connaissait pas l’existence de ce fil ». Paul, cogérant du domaine Merlin, a apprécié « les rappels qui font du bien, et d’autres aspects jamais abordés à l’école ». Selon Jon, l’un de ses salariés, « C’est l’idéal de faire cette formation en pleine saison de taille, car on comprend mieux nos erreurs. Je me rendais compte ces derniers temps que mes coupes n’étaient pas géniales, sans trop savoir comment faire mieux. On va pouvoir mettre en pratique très vite. »
La formation Ne perdez pas le Fil dispose désormais d’un réseau de près de 70 formateurs, partout en France. Vous pouvez contacter votre MSA si vous souhaitez réserver une session.
- Le bon outillage. « Les pierres minérales généralement livrées avec les sécateurs sont efficaces, affirme Michel Dubois. Mais attention, elles se déforment vite. Une fois arrondies, elles ne permettent plus d’affiler efficacement. » Sa recommandation : utiliser un outil dédié, l’affiloir. La MSA en a même conçu un.
- Le bon angle. « Il faut appliquer l’affiloir à 23° environ contre la lame, soit l’angle du biseau de la lame. » Moins, et vous ne parviendrez pas à redresser le fil. Plus, et vous le tordrez dans l’autre sens.
- La régularité. Appliquer l’affiloir en un seul geste, d’un bout à l’autre de la lame. Éviter absolument les cercles !
- Une faible pression. L’affilage n’est pas une épreuve de force. « Appliquer une pression d’environ 100 g suffit », conseille Michel Dubois.
- La rigueur. Affiler l’intégralité de la lame, en allant jusqu’à la pointe.